Tout a une fin, et ce n’est pas celle de l’ancien président Hissène Habré, 79 ans, qui a tiré sa révérence, ce lundi à Dakar au Sénégal, des suites de Covid-19, qui contredira cette vérité immuable. C’est alors qu’il purgeait sa peine de prison à perpétuité, suite à sa condamnation par les Chambres africaines extraordinaires, un tribunal spécial, pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement, que l’ancien président a été rappelé à Dieu, pour emprunter la formule aux croyants. Les heures de pouvoir de l’enfant du désert qui a fait de longues études en France, ont été reconnues, par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, comme des années de braise pour le peuple tchadien, pourtant habitué aux prises de pouvoir par la force et dans le sang. Il faut dire, que l’ancien président s’est réfugié au Sénégal suite à sa condamnation à mort par la justice de son pays, après sa chute orchestrée feu le Maréchal Idriss Déby Itno. Hissène Habré qui lui-même était venu au pouvoir par les armes, bénéficiant de la bienveillance de la France et des Etats-Unis, n’a donc pas longtemps survécu à son tombeur.
Le «président guerrier», lui, a été tué, officiellement au combat, le 20 avril de cette année. C’était encore dans une guerre, ces bruits de bottes dont le Tchad est coutumier! Une histoire de colonnes de rebelles descendant de la Libye et fondant sur la capitale tchadienne, pour prendre à Idriss Déby Itno, le pouvoir que lui-même avait arraché à Hissène Habré qui lui-même avait renversé Goukouni Oueddei, dans une guerre qui a longtemps opposé les deux hommes. Peut-être que si le pouvoir était tombé dans les mains des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, le FACT de Mahamat Mahdi Ali, dans l’offensive lancée depuis la Libye le 11 avril 2021, Hissène Habré aurait connu un autre sort. Mais le roseau a vacillé sans tomber, le fils du père ayant repris les choses en main. Toute mort étant douleur, surtout en Afrique où il est voué culte et respect aux disparus, qui sont toujours considérés comme présents parmi les vivants, le pouvoir du général Mahamat Idriss Déby, a dit ses regrets suite à la disparition du prédécesseur de son père. Mais sans plus. «Il n’y aura pas d’hommage officiel (…) mais son corps pourra être rapatrié au Tchad si sa famille le désire», a déclaré le gouvernement tchadien. Pour les effusions, repassez après!
En tout cas, c’est un autre comportement de la part de N’Djamena qui aurait étonné, car Hissène Habré était un banni politique que les maîtres du pays, ne voulaient plus sentir. Il avait donc trouvé gîte et couvert au Sénégal. Mais Dakar, sous la pression des mouvements des droits de l’homme et des victimes et ayants-droits des persécutions de Hissène Habré, a été contraint de mettre en place un tribunal exceptionnel, pour juger celui qui est considéré comme le bourreau d’au moins 40 000 personnes, le «Pinochet africain». Pourtant, Fatimé Raymonde Habré est loin d’être la seule personne à qualifier son époux du seul chef de l’Etat tchadien à avoir défendu l’intégrité du Tchad contre l’appétit vorace des puissances étrangères et du voisin libyen, et instauré l’intégrité et le respect de la chose publique dans son pays. Comme quoi, Hissène Habré n’a pas été qu’un vilain garçon, tout comme celui qui l’a destitué, Idriss Déby Itno, pour ne pas le nommer, est loin d’avoir été un enfant de cœur! Les deux sont simplement les deux faces de la même médaille, les mêmes mains chaussées de gant de fer qui ont maintenu leur peuple dans la pauvreté, dans un piétinement sans commune mesure des droits humains. Pourquoi donc cette indifférence sur le cadavre de Hissène Habré?
N’eût été la justice des vainqueurs, Idriss Déby Itno aurait pu avoir la même destinée que l’ancien président Hissène Habré, mort en exil et à qui les nouveaux maîtres de N’Djamena refusent tout hommage. Une chose est certaine, la mort de Hissène Habré ne devra point être synonyme de la fin des effets de cette procédure juridique qui recommande l’indemnisation des victimes. La page ne pourra être définitivement tournée qu’avec l’exécution de cette décision des Chambres africaines extraordinaires grâce à laquelle les suppliciés de Hissène Habré doivent bénéficier, chacun d’un pactole d’au moins 20 millions de francs CFA.
La vie s’est donc arrêtée pour Hissène Habré, mais le combat continue pour les victimes et leurs ayants-droits.
Par Wakat Séra