Et si la communauté internationale jetait aux poubelles ce disque rayé des condamnations de coups d’Etat militaires et le remplaçait par un tout neuf de condamnations contre les brimades subies au quotidien par le peuple, le musellement de la presse, l’embastillement des opposants, la répression de manifestants aux mains nues, l’asphyxie de la société civile, la mauvaise gouvernance, et les coups d’Etat constitutionnels? Oui, avant de parler de restauration de l’Etat de droit à Conakry, les parangons de la démocratie, celle imposée aux Africains, se sont-ils seulement demandé, si la Guinée, autant sous Alpha Condé que sous Moussa ou Moïse Dadis Camara en son temps, a été un Etat de droit, ou tout simplement un Etat?
En dehors de leurs intérêts économiques et politiques qu’ils y défendent, les puissants de ce monde, qui font pleuvoir aujourd’hui une pluie de menaces de sanctions contre les putschistes du dimanche-pas de dimanche-, savent-ils que les populations de la Guinée, vivant sous une chape de plomb, tirent le diable par la queue, et que le plus grand nombre ne pouvait prétendre aux trois repas quotidiens? Où était la communauté internationale, alors que le désormais ancien président de la Guinée, Alpha Condé, décevant tous les espoirs placés en lui pour donner à son pays, une place de choix sur l’échiquier démocratique, se livrait au charcutage de la constitution pour marcher, dans le sang de ses concitoyens, vers la présidence à vie?
Certes, répondre à ces interrogations n’est point trouver, irrémédiablement, garrot à l’hémorragie de putschs militaires qui vide l’Afrique de l’ouest de ses idéaux démocratiques, mais cela a le mérite de ramener aux causes du mal. Un mal dont pensait s’être débarrassé le syndicat des chefs de l’Etat de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), qui a fait de la condamnation des coups d’Etat et des sanctions contre leurs auteurs, un point essentiel des chartes de ces organisations régionales. Que dire donc de ces condamnations et sanctions à la tête du client, valables contre les colonels putschistes du Mali et de la Guinée, mais inimaginables contre les généraux putschistes du Tchad? En tout cas, colt bien vissé au poing et canon en l’air, les putschistes, ne manquent pas moins de parades.
Ils savent qu’il faut, tout de suite, donner des gages de retour rapide à la vie constitutionnelle en passant par l’incontournable case de la transition politique et l’inévitable promesse du dialogue inclusif. Le nouvel homme fort de la Guinée, lieutenant-colonel de son armée, Mamady Doumbouya, a tellement bien assimilé la leçon qu’au lendemain de sa forfaiture contre l’ordre constitutionnel, il a sorti l’arsenal des bonnes intentions, allant jusqu’à faire croire qu’il n’y aura «pas de chasse aux sorcières». Hormis la détention de leur précieux colis dont la communauté internationale exige la libération, les putschistes du Groupement des forces spéciales de la Guinée, ne semblent faire du mal à personne. Ils ont même affiché les gages qui ont séduit opposition et société civile, elles qui ne demandent plus que le retour rapide à l’ordre civil et constitutionnel.
La Guinée, à moins d’un tsunami a vaincu le variant Alpha. Elle est résolument en train de tourner la page Alpha Condé, l’opposant historique, devenu prédateur moderne de la démocratie. Pourtant, c’est grâce au charmant jeu de l’alternance par les urnes, que l’homme est venu aux affaires. Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, et malgré l’aversion viscérale que nous avons pour la prise du pouvoir par les armes, il faut dire que Alpha Condé a creusé sa propre tombe, s’érigeant en homme providentiel pour une Guinée qui a davantage besoin d’un leader rassembleur, préoccupé par le seul développement d’un pays qui est trop longtemps resté à la traine. Alpha Condé, incarne simplement cette déception qui n’a d’égal que l’espoir suscité par son arrivée surprise au pouvoir le 21 décembre 2010. En tout cas, le colonel Mamady Doumbouya, l’a clamé haut et fort: la justice sera désormais la boussole dans une Guinée où les investisseurs seront bien accueillis.
Quelle crédibilité accorder au discours d’un putschiste, en quête de reconnaissance, tant sur le plan national qu’à l’international, et qui a oublié de préciser la durée de la transition pour remettre la Guinée sur les rails de la démocratie?
Par Wakat Séra