Autant la force française Barkhane, bien qu’en pleine restructuration, continue de décapiter l’hydre terroriste dans le Sahel où cette dernière s’est implantée pour le malheur des populations et des armées locales qu’elle endeuille sans cesse, autant elle n’en finit pas de pleurer ses morts. La dernière victime en date, est le caporal-chef Maxime Blasco, tué ce vendredi, au Mali, au cours d’une opération dite de «reconnaissance et de harcèlement» menée contre des jihadistes repérés dans la dangereuse zone des Trois Frontières que partagent le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Le défunt caporal-chef porte ainsi à 52, la triste comptabilité des soldats français tués dans la lutte anti-terroriste dans laquelle s’est engagée la France, depuis 2013, de Serval à Barkhane. Le bilan macabre est encore plus lourd dans les rangs des armées des pays du Sahel et même au sein des populations civiles, qui, de plus en plus, paient un lourd tribut à l’appétit vorace et comme insatiable des hommes sans foi ni loi qui écument la région.
Et c’est en cela qu’il faut déplorer l’abandon, à leur sort, des troupes mal équipées, par des officiers formés dans de grandes écoles de guerre grâce à l’argent du contribuable malien, et qui, au finish, ont préféré les honneurs du pouvoir politique à la gloire de la défense du territoire national. Pire, la hiérarchie militaire qui a déserté les lits picot rugueux des casernes pour les fauteuils moelleux et le tapis rouge de la présidence, a pris l’option définitive de laisser aux mains des forces étrangères, la sécurité de ses concitoyens et la défense des frontières nationales, domaines hautement souverains. Aujourd’hui, c’est Barkhane pour la France, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), des soldats de la force européenne Takuba, etc., qui font le boulot. Demain, ça pourrait être la société privée russe de paramilitaires Wagner, dont les éléments portent la réputation effrayante de «mercenaires», qui prendra le relais. Après-demain, vers qui se tourneront les chefs militaires maliens pour faire le travail que leur peuple attend d’eux? Les Chinois, les Américains, les Cubains…ou qui? Nul ne le sait encore!
L’un dans l’autre, comme le dit le proverbe bien africain, «dormir sur la natte du voisin, c’est dormir par terre». Quand est-ce que le Mali et tous ces pays qui ont donné la responsabilité de leur sécurité et de leur défense à des forces étrangères, retrouveront-ils cette souveraineté perdue et «dormiront» enfin sur leur propre «natte»? Le cas du Mali est d’autant plus inquiétant que deux coups d’état s’y sont enfilés en moins d’une année, et que la transition prévue pour faire retomber le pays sur les rails de la démocratie est sur le point de s’éterniser. En effet, il est de plus en plus question, à en croire les autorités de la transition malienne, de revoir le calendrier électoral afin de le repousser au-dela de février 2022, date initialement imposée aux putschistes maliens qui, de tout le temps ont martelé dès qu’ils en ont eu l’opportunité, que ce deadline sera respecté. N’était-ce que stratagème de la part des hommes en kaki pour échapper à la fatwa de la fameuse communauté internationale, qui elle aussi, a souvent raté le coche, prenant des sanctions à géométrie variable contre les auteurs de prise de pouvoir par la force?
En tout cas, sans s’enfermer dans le fétichisme des dates, il faut reconnaître que les nouveaux maîtres de Bamako, après avoir éjecté Ibrahim Boubacar Keïta en 2020, et Bah N’Daw en 2021, ont fait peut, ou prou, pour remettre le plus tôt possible, les clés de la maison qu’ils ont balayée. En lieu et place de créneaux crédibles et efficaces pour l’organisation d’élections, leur tâche première, ils ont ouvert de vastes chantiers, normalement réservés à des pouvoirs légaux et légitimes auxquels la Constitution fixe un mandat clair, à durée déterminée. Ainsi va le Mali entre les contradictions et ruse de ses dirigeants, et surtout enkystement de terroristes qui sèment mort et désolation au quotidien.
Par Wakat Séra