Les accusés Idrissa Sawadogo et Nabonswendé Ouédraogo, ex-éléments de la sécurité rapprochée du capitaine Blaise Compaoré, poursuivis pour « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat », ont plaidé, le jeudi 28 octobre 2021, « non coupables », à la barre du tribunal militaire qui juge le dossier de l’assassinat du père de la Révolution burkinabè, Noël Isidore Thomas Sankara et ses douze camarades, tués le 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente.
Le deuxième accusé dans le jugement de l’affaire Thomas Sankara et douze autres, le caporal Idrissa Sawadogo, à passer à la barre du Tribunal militaire, au cinquième jour du procès emblématique délocalisé à la salle des banquets de Ouaga 2000, n’a pas reconnu les faits qui lui ont été reprochés.
Les évènements du 15 octobre relatés par l’inculpé Idrissa Sawadogo
Après s’être présenté à la barre, le caporal Idrissa Sawadogo, 59 ans, commando formé à Pô, s’est prêté aux questions du juge qui lui a notifié ses charges. Est-ce que vous reconnaissez les faits ?, a lancé le président Urbain Méda. « Non ! », a-t-il répondu sèchement. Sur ce, le juge lui a demandé de raconter ce qui s’est passé le 15 octobre 1987.
Il a laissé entendre que le jour fatidique du 15 octobre 1987, il était au Conseil de l’Entente au pied-à-terre du capitaine Blaise Compaoré et c’est de là-bas que son chef, Hyacinthe Kafando lui aurait enjoint d’aller appuyer les éléments qui prenaient la garde au poste Delta Nord au domicile du ministre de la Justice au moment qui se situait non loin de l’ancienne Assemblée nationale. Il précise qu’il y est allé vers 15H30 avec une moto L2, munis de sa dotation dont un PA et sa kalachnikov qu’il avait portée en bandoulière.
C’est étant sur ce site qu’il aurait entendu des coups de feu vers 16H du côté du Conseil de l’Entente. L’intensité des tirs effrayaient les civils qui fuyaient dans tous les sens. Quand les tirs ont cessé, il se serait rendu vers 17H00 à domicile chez lui à Tanghin (Nord de Ouagadougou) pour rassurer sa maman qui souffrirait de la tension. De ce lieu, il est revenu à son poste de garde au domicile de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, avant de continuer à son pied-à-terre au Conseil de l’Entente pour se mettre à la disposition de son chef Kafando. A ce moment, a-t-il souligné, tous les militaires étaient en alerte maximale.
Les faits du 15 octobre 1987 tels que vécus par le soldat de première classe Nabonswendé Ouédraogo
Quant à l’accusé Nabonswendé Ouédraogo qui a également nié les charges retenues contre lui, il dit avoir été au Conseil de l’Entente le jeudi 15 octobre 1987 jusqu’au soir où il assurait la garde au pied-à-terre de Blaise Compaoré, à la villa Togo. Selon lui, les évènements de la tuerie de Thomas Sankara et ses collaborateurs l’ont surpris. Il clarifie que les tirs se sont déroulés entre 15H30 à 16H30.
C’est de sa garde au pied-à-terre du ministre de la Justice au moment des faits, qu’il aurait vu le caporal Hyacinthe Kafando, chef de sécurité de M. Compaoré, arrivée. Il est monté sur le bâtiment à niveau, avant de ressortir et embarquer avec certains de ses éléments qui étaient armés et ils ont pris la direction du Conseil de l’Entente où M. Sankara tenait une réunion avec ses collaborateurs.
Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il aurait entendu des coups de feu qui se sont même généralisés entre-temps dans tous les postes de garde aux alentours du QG de la Révolution d’août 1983. Au point que lui et ses collègues qui étaient postés au pied-à-terre de M. Compaoré se sont retirés pour s’abriter.
Et c’est plus tard dans la nuit qu’il aurait appris le drame qui s’était produit parce que ce n’était plus un secret. Et vu la situation de confusion qui régnait au Conseil de l’Entente, il a, d’initiative, décidé d’aller au domicile de Blaise Compaoré dit « Jubal », pour chercher à se présenter à son chef ou à défaut, d’avoir des informations précises sur ce qui s’est passé.
Les avis du parquet militaire et la partie civile
Pour ces deux parties, Idrissa Sawadogo et Nabonswendé Ouédraogo ont décidé de se dédire pour se défendre alors que l’accusé Elysée Ilboudo affirme qu’ils étaient dans le groupe de Hyacinthe qui a commis l’assassinat. « Nous n’attendons pas grand-chose de l’accusé Idrissa Sawadogo. Quand vous l’écoutez, finalement, pendant ces événements, il n’était nulle part », a affirmé le parquet qui prévient que « les faits sont têtus qui tendent à impliquer l’accusé dans cette affaire ».
Il a continué en déclarant que des gardes des capitaines Thomas Sankara et de Blaise Compaoré citent et nomment M. Sawadogo, commando parachutiste, comme faisant partie de soldats ayant tué les treize infortunés.
Quant aux avocats de la partie, leur nombre et leurs tournures et autres techniques ne suffiront pas à les renseigner auprès de Idrissa Sawadogo. Mais, Me Prosper Farama, parviendra à faire admettre au présumé innocent certaines erreurs qu’il a commises. D’abord, le fait de ne pas se présenter au chef de poste de la garde du domicile de Blaise Compaoré, le choix délibéré d’abandonner son poste à Delta Nord pour aller rassurer sa mère à Tanghin.
Ensuite être revenu au poste et décidé d’aller sans craindre grand-chose pour sa vie en prenant paisiblement la voie seule pour se rendre au Conseil de l’Entente où il y avait les tirs ayant fait treize personnes tuées, le fait d’aller à la villa Togo, pied-à-terre de Blaise Compaoré sans se soucier si les positions en ces lieux ont été prises par des ennemis ou non, entre autres.
Hyacinthe Kafando ou l’homme le plus craint selon les accusés Idrissa Sawadogo et Nabonswendé Ouédraogo
Tout au long du procès de ce jour, les deux accusés ont, à profusion répété, toutefois qu’ils avaient l’occasion, que leur chef, le caporal Hyacinthe Kafando, était un homme très craint.
« La mort de Thomas Sankara m’a découragé car le président était un homme simple, gentil et il jouait au ballon militaire avec nous, chose que ne faisait pas Hyacinthe Kafando », a affirmé Idrissa Sawadogo quand on lui a posé la question de savoir les sentiments qu’il a exprimés quand les évènements du 15 octobre sont survenus.
Pourquoi vous dites que tout le monde connaît Hyacinthe Kafando, a demandé Me Prosper Farama. « Parce qu’il était méchant. Il était dur avec nous ». Aviez-vous peur de lui, a relancé Me Farama. « Oui! Ce n’est pas moi seul même. Beaucoup de personnes même en ville avait peur de lui ». Rires dans la salle !
Le procès a été suspendu à 16H30 avec l’interrogatoire de l’accusé Nabonswendé Ouédraogo. Le jugement reprendra le mardi 2 novembre 2021 à 9H toujours avec la comparution du commando Nabonswendé Ouédraogo.
Par Bernard BOUGOUM