Le terminus des représentants spéciaux de l’ONU. Un titre dont pourrait se revendiquer sans faire rougir qui que ce soit, le Burundi. Alors que le pays traverse une crise socio-politico-militaire sans précédent à la faveur de la volonté manifestée par son président de briguer un troisième mandat. Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, n’a rien lâché depuis lors. Les cris d’orfraie d’une opposition contrainte à l’exil, les manifestations d’organisations de la société civile réprimées dans le sang, la peur panique qui s’est emparée d’une population vivant une pauvreté presqu’endémique, les menaces de la fameuse communauté internationale, etc., rien n’y fit. L’homme fort de Bujumbura plonge son pays dans un cycle infernal de violences qui n’ont pas été sans rappeler les temps sombres et tragiques de lutte fratricide entre Tutsis et Hutus. L’entêtement du chef de l’Etat à garder le pouvoir envers et contre tous, a conduit tout dialogue dans l’impasse. C’est ainsi que les quatre prédécesseurs de Michel Kafando, envoyés spéciaux de l’ONU pour ramener les parties en conflit autour de la table de négociations, ont été «bouffés» sur le grand rivage de l’impressionnant lac Tanganyika, par un raidissement des positions et surtout l’allergie notoire du régime à toute critique contraire à sa vision des choses.
Et pour ne rien arranger, les tensions régulières entre Bujumbura et l’ONU ont compliqué davantage les séjours des missi dominici de l’organisation internationale. De quel tact usera le président de la transition burkinabè pour rabibocher son employeur et le régime burundais? Quelle stratégie mettra en place le Burkinabè pour renouer les liens entre les acteurs de la crise burundaise qui s’écoutent et ne s’entendent pas dans un parfait dialogue de sourds? L’affaire est loin d’être pliée pour Michel Kafando qui devra puiser dans son expérience de diplomate mais surtout d’homme de compromis qui lui a permis de mener à quai le bateau de la transition politique au Burkina Faso, qui a souvent tangué sur une mer qui était tout sauf docile. Certes, cette transition, à l’instar de toute œuvre humaine portait ses imperfections, qui ont du reste, contribué à une tentative de putsch qui a failli l’écourter, mais elle a servi de pont au Burkina Faso vers des élections présidentielle et législatives qui ont conduit au retour de l’Etat de droit après la violente insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
S’il n’est pas un novice en matière de diplomatie et de facilitation, Michel Kafando n’en sera pas moins confronté à des obstacles qui se résument surtout aux positions difficilement conciliables et presque irréversibles des uns et des autres. Last but not the least, l’ancien président burkinabè devra faire face au refus catégorique du pouvoir de Pierre Nkurunziza de collaborer avec une commission d’enquête indépendante de l’ONU sur les violations de droits de l’homme au Burundi, et celui d’appliquer une résolution du Conseil de sécurité de l’organisation mondiale qui prévoit le déploiement de plus de 200 policiers dans ce pays meurtri par les affres de guerres civiles depuis les années 1960.
Il ne faut pas être devin pour le dire, à Bujumbura, Michel Kafando doit marcher sur des œufs. Et sa mission, si elle n’est pas impossible, ne sera pas non plus une sinécure.
Par Wakat Séra