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Procès dossier Sankara: «Je ne vais pas assumer ce que je n’ai pas fait. Non, non et non! Un point, deux traits!» (Général Gilbert Diendéré)

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Le Général Gilbert Diendéré (Ph. d'archives)

L’interrogatoire de l’accusé, le général Gilbert Diendéré, s’est poursuivi ce jour avec les questions de la partie civile. Pour les Conseils des parents des victimes, Gilbert Diendéré est, bel et bien, en partie, responsable des évènements du 15 octobre 1987. Ceux-ci estiment que, le coup de force a profité au général Diendéré qui a été, peu de temps après, promu chef de corps du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô.

L’attitude « ambigüe »

D’abord, pour Me Ambroise Farama, le général Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des faits, est coupable dans cette affaire car il n’a pas pris le soin d’aller voir les corps et essayer de sauver d’éventuels blessés ou survivants. Gilbert Diendéré a réaffirmé qu’il ne pensait pas qu’il y avait un survivant parmi les corps.

Selon Me Olivier Badolo, c’est parce que le général Gilbert Diendéré était du camp du capitaine Blaise Compaoré, devenu président du Faso par la suite, qu’il lui a permis d’avoir une certaine promotion dans sa carrière militaire puisqu’il a été même nommé Chef d’état-major particulier de la présidence par ce dernier. Pour cet avocat, «l’action des assassins du président a profité au général Gilbert Diendéré».

«Ce n’est pas leur action qui m’a permis, à moi, d’être là où je suis. Ce sont mes compétences intellectuelles, opérationnelles et militaires qui m’ont amené là où je suis. C’est compte tenu de mes preuves que au GIFA (Groupement d’instruction des forces armées, NDLR) à Bobo-Dioulasso que j’ai été affecté au Centre national d’entraînement Commando (CNEC)», a réagi le général Diendéré. «Oui mais il y avait d’autres militaires plus compétents que vous mais qui n’ont pas eu votre évolution», a de nouveau lancé Me Badolo. «Donnez moi un seul nom», a répliqué l’accusé. Mais, l’avocat restera silencieux un moment et le président du tribunal militaire lui a demandé de continuer avec d’autres questions.

Me Prosper Farama s’attardera notamment sur l’itinéraire emprunté par le général Diendéré, le jour de l’assassinat, du terrain de sport de l’ENAM, pour son retour, au QG de la révolution. Sur l’insistance de Me Farama sur cette question, le général a refusé finalement de répondre car selon lui, il l’a répété maintes fois hier, mardi. Ce qui va finir par agacer Me Prosper Farama qui va dire que face aux «incohérences» du général Diendéré, on peut l’écouter toute l’année et ne rien comprendre. «Alors moi je dirai que vous êtes bouché», a répliqué l’accusé. «Moi je dirai que vous êtes taré», a rétorqué à l’inculpé, Me Prosper Farama avant que le juge ne rappelle les deux à l’ordre et à la courtoisie mutuelle pour la sérénité du jugement.

«Le général Gilbert Diendéré tente d’échapper à sa responsabilité»

S’il y a un sujet qui est revenu plusieurs dans les questions de la partie civile et qui a même été relevé par le président du tribunal militaire, Urbain Méda, c’est la responsabilité du général Gilbert Diendéré dans l’affaire de l’assassinat du père de la révolution burkinabè et de ses compagnons. Le tribunal a même demandé au parquet de revenir à la charge pour éclairer sa lanterne vu que c’est vraiment sur ce point que l’accusation du général Gilbert Diendéré prend tout son sens puisque nulle part il n’a été dit qu’il a tiré sur les 13 personnes décédées.

Pour Me Ferdinand Djammen Nzepa, Gilbert Diendéré, «est responsable» du drame survenu au Conseil de l’Entente, puisque c’est lui qui était chargé d’assurer la sécurité des lieux avec tout un bataillon. «Général Gilbert Diendéré, quand je venais ici, j’attendais beaucoup de vous pour clarifier cette affaire, que vous vous assumez. Vous n’êtes pas comme les accusés Yamba Elysée Ilboudo ou Traoré Bossobè», a relevé Me Ferdinand Nzepa comme pour pousser l’accusé à ne pas se retenir et à parler.

«Mais, vous voulez, vous général Gilbert Diendéré, nous faire croire que vous êtes blanc comme neige sur toute la ligne dans cette affaire. Pourtant, vous étiez quand même le responsable du siège de la révolution où le président Thomas Sankara a été tué. Même pour ça au moins, vous êtes responsable», a insisté le Conseil des parents des victimes dans ce dossier. Il a ajouté ne pas comprendre la non réactivité ou la passivité des postes de garde qui étaient sensés sécuriser le Conseil de l’Entente. «Je ne vais pas assumer quelque chose que je n’ai pas fait. Je dépendais d’un chef. Je n’ai pas reçu ou donner des instructions à des soldats d’aller faire ces conneries», a répliqué le général Gilbert Diendéré.

«Au départ, on dit assassinat. On a fait 5 à 6 ans d’enquête pour qu’on sache que je n’étais pas parmi le commando qui a mené l’action, encore moins leur chef. Ils se sont dit, quand même on va lui coller quelque chose. Voilà pourquoi je suis poursuivi pour complicité d’assassinat», a poursuivi Gilbert Diendéré. Me Ferdinand Nzepa est «venu avec une idée arrêtée», a dit, à la barre, Gilbert Diendéré. «Vous vous dites, le général Diendéré-là, il doit être dans le coup. Vous voulez entendre de ma bouche que Blaise Compaoré a fait ci ou m’a demandé de faire ça. Mais je ne le dirai pas. Je ne vais pas assumer ce que je n’ai pas fait. Non, non et non! Un point, deux traits!». Réplique de l’accusé, qui a fait exploser la salle de rires.

La demande en renfort des éléments du CNEC de Pô

Après l’assassinat du président Sankara et ses collaborateurs, le général Gilbert Diendéré qui dit s’être rendu sur les lieux, aurait appris avec l’un des assaillants, Nabié Nsoni, que des éléments de deux sections militaires (la Fimat et l’Etir), viendraient attaquer le QG de la révolution. Gilbert Diendéré dit avoir, alors, demandé du renfort au CNEC de Pô. Mais, pour les avocats de la partie civile, cela montre que Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des faits, savait ce qui s’était passé et voulait parer à toute éventualité.

«De nombreux éléments montrent dans le dossier que vous avez aidé et facilité l’assassinat du président Thomas Sankara et ses camarades», a affirmé Me Prosper Farama qui a trouvé que sur plusieurs points de ses déclarations à la barre, l’accusé était «incohérent».

«J’ai demandé un renfort après ce que j’avais appris auprès de Nabié Nsoni», a répondu Gilbert Diendéré. Mais pour Me Prosper Farama, le général devait quand même prendre le temps, ne serait-ce que pour recouper les informations. Le général justifiera son action par le fait que la situation a évolué avec le «drame» qui venait de se produire.

Le général accusé de n’avoir pas sanctionné les assassins de Thomas Sankara

Les Conseils des parents des victimes sont revenus à la charge à cette dixième audience du dossier Thomas Sankara avec les sanctions qui auraient dues être prises contre les soldats qui ont commis le forfait sanglant du jeudi 15 octobre 1987.

Face à leurs accusations, le général ne variera pas sur ce qu’il a donné comme réponse, le mardi, à cette question. Pour lui, dès lors qu’il a rendu compte à ses supérieurs hiérarchiques, il ne pouvait plus prendre d’initiative avec une sanction contre les éléments auteurs responsables de l’acte. Mais pour Me Prosper Farama, le général Gilbert Diendéré «n’a pas pris de sanction parce qu’il était du même camp que Blaise Compaoré».

Pour les avocats de la partie civile, à défaut de sanctionner les soldats qui ont commis la tuerie au Conseil de l’Entente, Gilbert Diendéré devait les affecter ailleurs. Mais Gilbert Diendéré, a rétorqué que le chef de corps étant Blaise Compaoré, c’était à lui et au commandant en chef de l’armée, Boukari Lingani, que revenaient cette initiative après son compte rendu sur les évènements du 15 octobre 1987.

L’audience reprend ce jeudi avec les questions de la défense.

Par Bernard BOUGOUM