Encore combien de morts pour que le général Abdel Fattah al-Burhan et ses hommes mettent fin à la boucherie qu’ils ont lancée contre les civils qui réclament un retrait définitif des militaires de la scène politique? En tout cas, la comptabilité macabre continue d’enfler dans un Soudan qui a connu, ce mercredi, sa journée la plus meurtrière depuis le coup d’Etat du 25 octobre. Au moins 14 manifestants pour le retour de la démocratie sont restés sur le carreau, et le bilan n’est pourtant que provisoire. Face à des militants pro-démocratie plus que jamais déterminés à récupérer la révolution populaire qui leur a été volée, se dressent des généraux qui matent toute velléité de rébellion dans le sang.
Avec à leur solde, une police, une armée, une milice, des forces de soutien rapides et des services de renseignement sur le pied de guerre, les généraux, avec à leur tête le putschiste Abdel Fattah al-Burhan qui jouit du soutien du voisin égyptien, le Maréchal Al-Sissi, ne lésinent sur aucun moyen pour réprimer dans le sang. Et tout se passe dans un huis-clos presque total, les militaires ayant pris le soin de couper les communications téléphoniques et le réseau internet. Rien ne semble pouvoir les arrêter dans leur entreprise de meurtres ciblés et massifs. Pas même les sanctions et menaces des partenaires classiques du Soudan.
Dans sa tournée africaine qu’il a commencée par le Kenya, les propos du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, n’ont sans doute pas eu d’écho favorable à Khartoum, si la suspension de l’aide de plus de 700 millions de dollars qu’accordait les Etats-Unis au Soudan, avant le putsch du généra al-Burhan contre la transition politique, n’a pas refroidi les ardeurs des nouveaux maîtres en kaki du pays. Les coups de semonce de la France, de l’Union africaine, de l’ONU et bien d’autres organisations et pays n’empêchent pas non plus les généraux soudanais, de poursuivre leur marche sur les cadavres de manifestants qui sont des milliers à descendre dans la rue, depuis le 25 octobre, bravant courageusement la mort.
Marquant le refus sans condition de retourner en arrière, notamment avec des hommes qui avaient confisqué toutes les libertés au Soudan, le peuple demeure engagé à sauver la démocratie fortement en danger. Mais, la mainmise des apparatchiks militaires sur l’économie soudanaise étant un secret de polichinelle, que peuvent des populations aux mains nues, face à des généraux sans pitié et armés jusqu’aux dents pour défendre leurs intérêts personnels et égoïstes? C’est visiblement une lutte à mort et sans concession qui est engagée entre les civils et les militaires, combat dont l’issue reste incertaine, surtout pour les populations qui ont besoin d’une réaction plus musclée de la part de la fameuse communauté internationale.
Une chose est certaine, la situation, que ce soit au Soudan ou au Mali, est la preuve de l’impossible amour entre les civils et les militaires, quand ces derniers décident d’abandonner la caserne pour les lambris dorés du palais présidentiel. Il urge de venir en aide au peuple soudanais qui lutte pour sauvegarder l’espace de liberté conquis après plusieurs décennies de régime de fer, au propre comme au figuré, à lui imposé par le pouvoir de Omar el-Béchir, l’ex-président sacrifié par ses frères d’armes pour leur survie politique et économique. Une communauté internationale prévenue en vaut…
Par Wakat Séra