Ils ne sont plus qu’à 180 kilomètres de la capitale. Ils, ce sont les rebelles du Tigré qui affichent une détermination inoxydable à prendre Addis-Abeba. Mais pour cela, ils devront passer sur le corps de Abiy Ahmed et du plus du millier de jeunes qui viennent de s’engager aux côtés des Forces de défense éthiopiennes. Les effectifs des nouvelles recrues civiles pour la défense du territoire contre l’avancée des rebelles, devraient d’ailleurs croître dans les jours prochains, le Premier ministre ayant sonné le tocsin, pour une mobilisation générale dans le but de repousser l’ennemie. C’est dans cette hantise, d’une part, de se voir porter l’estocade par les rebelles et d’autre part l’option résolue des troupes tigréennes et oromos, de faire tomber la citadelle Addis-Abeba, que l’ONU a décidé de faire rapatrier les familles de son personnel, tandis que les pays comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Allemagne et la France, appellent leurs ressortissants à quitter l’Ethiopie, conseillant à leurs ressortissants sur place la plus grande prudence et déconseillant cette destination à d’autres autres qui voudraient encore s’y rendre.
Tout se passe comme si les carottes sont cuites pour le régime en place, ou tout au moins, que les jours à venir sont incertains. Les affrontements s’annoncent violents entre les forces loyales qui comptent sur les jeunes Ethiopiens qui continuent de se faire enrôler pour le front, et les rebelles tigréens qui eux, avancent, dans le but d’établir une jonction avec l’Armée de libération oromo qui règne sur certaines parties du territoire au nord d’Addis-Abeba.
La situation bien défavorable pour les forces loyales connaîtra-t-elle un changement avec la montée au front annoncée du Premier ministre Abiy Ahmed qui se débarrasse, ainsi, de son costume de Nobel de la paix pour réenfiler sa tenue de combat d’ancien soldat? Le nouveau chef de guerre est, en tout cas, décidé à mener ses troupes à la victoire. Une aventure pour la défense de la capitale et la reconquête du territoire national, qui ne sera pas des plus faciles, même si les nostalgiques des anciens empereurs pourraient bien s’enthousiasmer de la fougue guerrière retrouvée de l’héritier de Tewodros, Ménélik et Haïlé Sélassié.
Cette guerre basée sur d’anciennes querelles politiques ne trouve toujours pas médiateur à sa pointure, malgré les efforts de certains dirigeants de prôner le retour à la paix par un cessez-le-feu «négocié, immédiat et définitif». Le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et le Kényan Uhuru Kenyatta qui sont de ceux qui tentent de ramener les belligérants sous l’arbre à palabre, prêchent visiblement, pour l’instant en tout cas, dans le désert. Dire que Addis-Abeba est le siège de l’Union africaine, l’organisation continentale qui comporte en son sein, bien des mécanismes qui portent la culture de la paix et le règlement des conflits. Les Ethiopiens, eux, cultivent plutôt la guerre, avec à leur tête, un Nobel de la paix! Faut-il le rappeler, le prix Nobel de la paix récompense «la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix». Par parallélisme des formes, il faudra alors songer à créer un «prix Abiy Ahmed de la guerre» pour les adeptes du «qui veut la paix prépare la guerre»!
En attendant, il urge de sauver l’Ethiopie du chaos en appelant les fils du pays, non au front, mais au dialogue! Et ça, c’est une autre paire de manches, les démons de la guerre s’étant emparé sans réserve, du pays.
Par Wakat Séra