Tous les sujets ont été abordés à ce 29è sommet de l’Union Africaine qui, en deux jours, s’est penché sur les conflits, les attaques terroristes, la jeunesse, la famine en Afrique de l’Est, les réformes de l’organisation continentale et surtout son autofinancement pour la rendre plus fiable et surtout émancipée de la tutelle financière de la Chine, de l’Union Européenne, des Etats-Unis, etc. L’initiative de la nouvelle taxe sur l’importation des produits venus d’ailleurs, sensée contribuer à renflouer les caisses de l’UA pour lui donner une autonomie de fonctionnement a mis en présence des pays hésitants et ceux qui sont contre. Mais le sujet a surtout mis en évidence la volonté de la majorité, constituée par les poids lourds du continent, de soutenir cette option portée par le Rwandais. C’est donc un combat de gagné pour l’Afrique quand on sait que ses dirigeants ne s’entendent souvent que sur leur désaccords. Sans vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, l’espoir est tout de même permis que dans un an, justement au pays de Paul Kagamé, cette taxe connaîtra une mise en œuvre effective pour servir de tremplin à l’indépendance financière de l’UA. Les hésitants pourraient d’ailleurs grossir les rangs des pour, vu que le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat a annoncé des mesures d’accompagnement pour l’application de la taxe.
Le bilan n’est pas mauvais. Les questions de grande importance ont été abordées au cours de ce sommet. Il n’en demeure pas moins que des sujets comme la gouvernance, les révisions constitutionnelles et les troisièmes mandats ont soigneusement été contournés. Et quand ils ont affleuré c’est pour fâcher comme dans cette passe d’armes entre le chef de la diplomatie sénégalaise Mankeur Ndiaye et le Guinéen Alpha Condé, par ailleurs président en exercice de l’UA, fortement soupçonné dans son pays de vouloir modifier la Constitution pour briguer un troisième bail à la tête de la Guinée. «Au Sénégal on n’aime pas les troisièmes mandats», c’est la phrase assassine qu’a balancée le Sénégalais en réponse à l’homme fort de Conakry qui voudrait que, comme réforme à mettre en œuvre, le Nepad quitte la tutelle du Sénégal pour celle de la Commission de l’UA. C’est clair, les troisièmes mandats et les révisions constitutionnelles, sports favoris des dirigeants africains, qu’ils soient Congolais de Brazzaville ou de Kinshasa, Rwandais, Malien, Mauritanien, Burundais, Guinéen, Tchadien, etc., ne sont pas des discussions agréables dans un cercle où la moitié des convives sont des disciples de cette religion où en sont des aspirants en puissance. Un proverbe africain évoque d’ailleurs à raison que «le moustique n’aime pas les rassemblements où on n’applaudit». C’est donc un crime de lèse-majesté de parler de ces projets qui balisent les voies du pouvoir ad vitam aeternam.
Comme il fallait donc s’y attendre, le «syndicat des chefs d’Etat africains» qui n’a d’ailleurs pas manqué de soutenir un des siens en l’occurrence le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, dont des proches sont sous la menace de sanctions de l’Union Européenne et des Etats-Unis, parce que accusés d’être des acteurs de violence dans leur pays. Véritable star de ce sommet, où il était très sollicité par ses pairs, Kabila a dû le vivre comme une bouffée d’oxygène, hors de son pays où il est constamment acculé par des organisations de la société civile et des opposants qui ne rêvent que de lui faire lâcher le gouvernail du navire RDC. Pour la gouvernance, démocratie et surtout l’alternance comme thématiques d’un sommet de l’UA, ce n’est pas demain la veille. Et pourtant, tous les autres maux de l’Afrique tirent leurs origines de cet amour pour le pouvoir absolu et éternel. Ainsi va l’UA!
Par Wakat Séra