La durée de la transition politique au Mali passe de 6 mois à 5 ans! C’est la principale décision, sinon, la plus scrutée par la communauté internationale, sortie de la marmite géante des Assises nationales pour la refondation de l’Etat (ANR), grand rassemblement convoqué par les autorités de la transition. Sans dénier aux Maliens qui y ont pris part, la valeur de leur participation, il faut reconnaître que ce qui prenait par moment l’allure d’une grosse foire, a été boycotté par ce que le Mali compte de réellement crédible comme leaders et associations socio-politiques. C’est donc en toute logique que le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, s’est abstenu de répondre au tocsin sonné par la junte militaire au pouvoir à Bamako. Dans cette logique, le cadre n’a pas tergiversé pour dire son refus d’avaler la couleuvre proposée au président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, le Ghanéen, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, par les hommes de la transition malienne, à l’issue des ANR.
«Le cadre informe l’opinion nationale et internationale, que ce chronogramme transmis par le Colonel Assimi Goïta, président de la transition et chef de l’Etat à la CEDEAO, outre qu’il viole la Charte de la transition, n’a pas fait l’objet de discussion au Mali et ne saurait être en aucun cas une aspiration profonde su peuple malien», affirme le Cadre. Ce dernier, «par conséquent, rejette ce chronogramme unilatéral et déraisonnable». La messe est donc dite au niveau du Cadre qui, dans sa lancée frondeuse, «appelle l’ensemble des forces patriotiques ayant pris part à ces assises, de bonne foi, pensant pouvoir donner la chance à des discussions franches et sincères à se mobiliser afin que leur présence physique ne soit une caution pour la réalisation d’objectifs inavoués».
Le dessein caché de Assimi Goïta et des siens, n’avait plus, en réalité, rien de secret. Il ne fallait pas être expert en analyse politique ou liseur de cartes, ou un quelconque devin, pour savoir, que les maîtres de Bamako, suite à leur double putsch en 10 mois n’ont pas d’autre but, que la confiscation du pouvoir pour aussi longtemps qu’ils le voudraient. Mais pour éviter le marteau des menaces et sanctions de la communauté internationale, notamment de la CEDEAO, il fallait pour les militaires qui ont déposé Ibrahim Boubacar Keïta, un certain 18 août 2020, emballer autrement le colis! Le chantage sous forme de partenariat avec la société russe Wagner, accusée par les Occidentaux, d’être composée de mercenaires, ne faisant pas l’affaire à lui seul, la trouvaille des hommes en kaki a été de faire faire la sale besogne par des Assises nationales présentées comme ointes de la volonté populaire. Toutefois, la ruse cousue de fil blanc ne pouvait pas passer comme lettre à la poste. La réaction de la CEDEAO qui se réunira le 9 janvier en sommet extraordinaire, ne laisse le moindre doute sur son opposition à ce funeste projet de donner une longévité de 6 ans 6 mois à une transition qui durera ainsi plus qu’un quinquennat constitutionnel.
Au profit de qui tournera le bras-de-fer entre les putschistes et la CEDEAO? Bien malin qui prédira l’issue de ce duel qui pourrait même se jouer avec prolongation, les sanctions habituelles prises contre les auteurs de prise du pouvoir par les armes portant peu ou prou les résultats escomptés. Surtout pour un Mali qui est en mesure de se tourner vers des frontières autres que celles avec les pays de l’espace ouest-africain. L’Algérie par exemple! Par ailleurs, la CEDEAO et le reste de la communauté internationale sont sur plusieurs front, elles qui se retrouvent avec plusieurs dossiers de transition après putsch, comme en Guinée, au Tchad et encore au Soudan où les manifestations contre les généraux ont fait au moins 56 victimes fin octobre, dont deux ce dimanche. La situation qui ne cesse de pourrir à Khartoum a même poussé le Premier ministre Abdallah Hamdok à la démission. L’homme venait pourtant d’être remis en selle par les généraux qui l’avaient mis aux arrêts et dépouillé de ses pouvoirs de Premier ministre civil de la transition. Et l’armée continue de tuer en toute impunité, et à huis-clos, des manifestants dont l’engagement pour le retour du pouvoir aux civils ne faiblit pas malgré la répression sanglante des militaires.
L’Afrique retournera-t-elle inexorablement à la case coups d’Etat militaire? Question à la CEDAO et à la fameuse communauté internationale, qui dans une large mesure sont responsables de ce recul démocratique, par leur silence coupable sur les dérives et incurie des dirigeants qui se couvrent, pour la plupart, du manteau troué de parodies d’élections, pour prendre le pouvoir ou s’y accrocher comme des sangsues.
Par Wakat Séra