La guerre en Ukraine, depuis le 24 février, a donné lieu à une abondante littérature, à travers les médias de tous bords. Les arguments, là-dessus, se multiplient, se croisent en contradiction nourrie et permettent à chacun de s’en faire sa propre opinion. Loin géographiquement du conflit, le continent africain y est impliqué à travers trois dimensions. En tant que membre à part entière du «village planétaire», d’un côté, et au regard de l’Histoire, qui le lie à l’Europe autant qu’à la Russie, de l’autre.
Il y a, d’abord, les anciens pays d’Europe occidentale. Après la séquence historique de colonisation, ils sont restés liés à leurs anciennes colonies. Y avait-il moyen de faire autrement, pour les Africains, que d’accepter cette relation «naturelle», sur fond de rapports de force largement déséquilibrés? Ainsi, les deux parties, bon an, mal an, devaient coopérer dans quasi tous les domaines, à ce jour. Et ce, depuis les années des indépendances octroyées aux Africains dans les années 1960. Il y a donc de cela légèrement plus de six décennies avant que la machine se grippe. Le continent réclame justice, l’Europe promet de modifier le tir. On en est là.
Quant aux deux autres dimensions, il y a celle dans laquelle les relations entre l’Afrique et la Russie sont également liées par l’Histoire. Mais sur l’autre versant, comme par osmose, où Moscou parlait «libération», alors que l’Europe colonialiste, se cabrant, durcissait sa position pour ne pas lâcher-prise. Il s’en suivit une bonne saison de guerres de libération. L’Union soviétique, à l’époque, fut aux côtés des Africains, à travers l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Angola, notamment. Sa part dans le domaine de la coopération militaire, surtout, fut des plus appréciables. Elle permit également à plusieurs Africains de fréquenter ses universités et, qui plus est, construit l’université Lumumba, en mémoire du héros de la lutte de libération. Ce n’est pas rien, en termes de symbole. Et, enfin, la mondialisation, cette réalité qui met le monde en synergie, interconnecté. Où s’exprime un véritable effet papillon, image d’un «village planétaire», cher à McLuhan.
A cet égard, globalement, la guerre en Ukraine place l’Afrique dans une position inconfortable. Pour qui opter? Il y a là à boire et à manger. La coopération avec l’Europe n’a pas été que négative sur toute la ligne. Les nouveaux venus, la Chine en première ligne, suivie de la Russie et des autres pays dits émergents, n’a rien d’ange tutélaire. La notion de mondialisation? Elle ne profite qu’aux pays riches. Le vote à l’ l’Onu sur l’Ukraine, le 2 mars, a donné la mesure sur la considération des pays africains, par rapport aux «blocs économiques» qui dirigent le monde. La tendance a traduit bien une «neutralité» sensible quand sur 154 pays, un seul a voté pour la Russie; 28 ayant été contre et le reste s’étant abstenu.
En réalité, c’est une des indications que les Africains se réveillent, en ouvrant un œil… responsable. C’est positif. Nombre d’observateurs rapprochent cette image et celle de l’après-Conférence de Bandung (Indonésie), en 1954, ayant prescrit la politique de «non alignement» pour les pays Africains, vis-à-vis des blocs communiste et occidental. A l’époque. A quelque chose, malheur est bon, dit-on. La guerre en Ukraine a permis de revenir aux «fondamentaux», préconisés par les pères des indépendances.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France