Qui l’eût cru? Alors que tout espoir semblait volatilisé de voir, entamé et abouti, un procès sur le coup d’Etat sanglant de ce jeudi noir du 15 octobre 1987, la Providence a servi aux Burkinabè, un de ses clins d’œil dont elle a, seule, le secret. Après la chute et l’exil en Côte d’Ivoire de l’ancien président Blaise Compaoré, le dossier baptisé «affaire Thomas Sankara», qui avait bénéficié d’un enterrement «first class», a refait surface, mais là encore, même les plus optimistes, n’y croyaient plus et lui prédisaient un destin de feu de paille. Pourtant, malgré quelques soubresauts inhérents à ce genre de procès aux ramifications internes et internationales insoupçonnables, la barque de la justice est allée jusqu’au terminus. Historique a été, à tout point de vue, le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses compagnons, à l’issue de laquelle l’ancien président du Faso Blaise Compaoré, l’adjudant Hyacinthe Kafando et le général Gilbert Diendéré ont ramassé la perpète.
De sa tenue qui a duré 6 mois, jusqu’au verdict qui a condamné à la perpétuité les trois principaux des 14 accusés, en passant par le défilé de 110 témoins, le jugement attendu pendant 35 interminables années, aura été historique, non seulement pour la justice, mais tout un peuple du Burkina et une jeunesse africaine pour lesquels le père de la révolution burkinabè était une véritable figure iconique. Du reste, si l’unanimité est faite que la vie au Burkina est plombée par ces affaires de justice, dont la plus emblématique du fait des personnages qu’elle implique est le dossier Thomas Sankara, il faut également relever les sentiments contrastés de Burkinabè sur le verdict implacable de ce jugement, où les sentences des juges ont largement transcendé les réquisitions du parquet militaire. Si certains ont exprimé leur totale satisfaction parce que «justice est rendue», d’autres pour qui «ce verdict est trop lourd (…) et peut diviser davantage le peuple» ne comprennent pas la main lourde de la cour.
En tout cas, la meilleure manière de parfaire cette justice rendue au fringant capitaine de l’armée burkinabè, sera de mettre en pratique son idéal, ses idées, au grand dam de ceux qui avaient fait de sa mort, un fonds de commerce ou un programme politique. Même si la perfection n’est pas de ce monde des humains, Thom Sank, a su donner l’exemple en prônant des valeurs certaines, que ce soit dans la mise en avant de la dignité du Burkinabè et de l’Africain, que ce soit dans la lutte acharnée contre la corruption, que ce soit sur le plan de l’environnement et de l’écologie, que ce soit dans le domaine de l’agriculture et l’autosuffisance alimentaire, que ce soit dans la culture du «consommons ce que nous produisons», que ce soit au niveau du système éducatif qu’il a toujours voulu performant pour les jeunesses burkinabè et africaine, que ce soit dans la promotion de la femme, et tutti quanti.
En tout cas, plus que la belle page écrite par les acteurs de la justice et toutes les parties prenantes à ce procès qui réserve sans doute des rebondissements, notamment sur ses tentacules étrangers, c’est le ouf de soulagement qu’ont poussé les Burkinabè qui importe, eux qui pourront, en principe, redéployer leurs énergies dans d’autres combats, notamment la lutte contre le terrorisme.
Oui, Thomas Sankara, de son vivant, n’aurait jamais supporté que des civils ou militaires burkinabè soient autant massacrés et les populations constamment contraintes à la fuite, sous la menace des «Hommes armés non identifiés» et autres jihadistes qui sèment, au quotidien larmes et désolation dans un Sahel africain dont ils ont fait leur sanctuaire. Et, pour rendre hommage au patriotisme et à l’esprit rassembleur, du «Che» africain, il serait sans doute temps de penser, à court terme, réconciliation et cohésion sociale, piliers importants, pour ne pas dire incontournables de paix et de développement. Mais ça c’est une autre paire de manches!
Par Wakat Séra