Débutés le samedi 22 juillet 2017 dans une cérémonie féérique à Abidjan, les 8è Jeux de la Francophonie battent leur plein. Les athlètes, les artistes et hommes de culture, composant les 53 délégations qui prennent part aux compétitions sortent leurs tripes, qui pour battre un record, qui pour arracher une victoire pour l’honneur de son drapeau. D’autres encore sont dans le creux de la vague, l’essentiel pour eux étant d’y participer, comme le conseillait sagement le père des Jeux olympiques modernes, le Français Pierre de Coubertin. Le fair-play mais surtout l’esprit du «akwaba»-bienvenue-, la légendaire hospitalité ivoirienne régnant sur ces jeux accueillis pour la quatrième fois par une ville africaine après Casablanca, Antananarivo et Niamey. Si sur les stades les sportifs se combattent pour engranger des victoires, dans le village des jeux érigé sur les principes de la pure tradition ivoirienne c’est la fraternité qui est cultivée par le biais de la belle langue de Molière. Mais plus que la langue comme simple moyen d’expression, c’est tout un ensemble de valeurs emballées dans le concept évocateur de la francophonie qui sont magnifiées. Et c’est dans cette logique que l’enjeu n’arrive pas à étouffer l’ambiance festive et chaleureuse de ces jeux qui offrent une belle opportunité aux populations ivoiriennes d’oublier, tout au moins jusqu’au soir du 30 juillet, les vicissitudes d’un quotidien dominé par les querelles politiques, les difficultés sociales et surtout le cycle des mutineries militaires et autres attaques dont les dernières en date ont concerné l’Ecole nationale de police à Abidjan et la gendarmerie d’Azaguié, à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale économique ivoirienne.
Certes le centre névralgique des jeux est sous haute surveillance. Mais attention à ne pas créer une psychose qui pourrait bien gâcher cette fête qui a démarré sous haute tension politique. La dernière nomination de Hamed Bakayoko, un proche de Alassane Ouattara, comme ministre de la Défense, diversement appréciée, mais certainement pas du goût de tous les militaires pourrait bien accentuer la guerre entre les prétendants au fauteuil présidentiel qui cherche occupant pour 2020. Que pourra réellement faire Hambak-surnom du tout frais ministre de la défense-à la tête d’une armée qui est tout sauf nationale? En effet les mêmes clivages politico-politiciens qui empoisonnent le quotidien des Ivoiriens, divisent également une armée qui comprend des affidés du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI/RDA) depuis l’ère Houphouët Boigny en passant par celle de Henri Konan Bédié, d’hommes recrutés à tour de bras par Laurent Gbagbo ci-devant président de la Côte d’Ivoire et plus de 8 000 ex-rebelles intégrés dans les rangs dans le jeu du Désarmement, Démobilisation et Désarmement, le fameux DDR. En dehors véritablement du Rassemblement des républicains de Alassane Ouattara qui se retrouve aujourd’hui seul contre tous, chaque homme et chaque parti a ses hommes dans cette armée, qui pourrait bien jouer un rôle d’arbitre dans cette guéguerre ouverte entre candidats à la présidence en 2020. Le nouveau ministre de la Défense va-t-il foncer dans le tas au risque de se faire casser les cornes? Rival connu et reconnu de Guillaume Soro, le chef d’ex-rebelles qui ont désarmé en son temps mais demeurent toujours armés en témoigne la découverte récente d’une cache d’arme à Bouaké et qui n’a pas encore livré tous ses secrets, Hamed Bakayoko aimerait bien régler certains comptes personnels au passage. En tout cas, dans sa mission périlleuse a lui confiée par Alassane Ouattara de son retour du Burkina Faso, pays voisin et pouvant avoir une position géographiquement stratégique dans cette crise, le protégé de la famille Ouattara n’en marchera pas moins sur des braises ardentes. Ou des œufs, c’est selon!
En pleins jeux de la Francophonie pour lesquels il a été largement ovationné à l’ouverture, et sans être forcément maître d’un jeu dans lequel il joue un rôle de choix, Guillaume Soro, le tout nouveau premier vice-président de l’assemblée parlementaire de la… Francophonie, se taille déjà un costume de président de la république. Son discours rassembleur, optant résolument pour le pardon et surtout la réconciliation avec tous les Ivoiriens et même avec son ancien mentor Laurent Gbagbo qu’il a dénudé pour habiller Alassane Ouattara, ne fait plus l’ombre d’aucun doute sur ses ambitions. Du reste, après avoir été ministre, premier ministre, et président de l’Assemblée nationale, la suite logique de son ascension politique ne peut qu’être le fauteuil présidentiel. Certain qu’il rencontrera bien des embûches sur son chemin, car jouant au jeu dangereux du quitte ou double, GKS-Guillaume Kigbafori Soro- essaie avec plus ou moins de réussite de se rapprocher des dinosaures politiques de la Côte d’Ivoire, avant de créer sans doute, à la Emmanuel Macron en France, la machine qu’il mettra en marche pour aller à la conquête du pouvoir. Mais ça, c’est une autre paire de manches, car son passé sulfureux de rebelle ne milite pas forcément pour lui, tout comme son retour du fils prodigue auprès du père Gbagbo est loin d’être gagné. Et pas des moindres.
En attendant, toute la place est faite aux Jeux de la Francophonie!
Par Wakat Séra