Le désert avance, les hommes reculent! Plus qu’une simple boutade c’est une sentence qui tombe comme un couperet, comme l’a relevé l’hôte de la COP 15, Alassane Ouattara, «dans un contexte d’urgence climatique qui impacte durement nos politiques de gestion des terres et exacerbe le phénomène de la sécheresse». Statistiques en main, le président ivoirien a profité de la tribune à lui offerte, pour dresser un tableau, peut-être pas apocalyptique, mais bien inquiétant de la situation, évoquant la dégradation des sols qui affecte 52% des terres agricoles et menace 2,6 milliards de personnes, et faisant perdre, dans le même temps, 12 millions d’hectares de terres arables. C’est donc en toute logique qu’il faut saluer ce grand rassemblement pour tenter, une fois de plus, de sauver l’Afrique et la planète terre, «notre maison commune», comme l’a si bien baptisée le Pape François. En tout cas, c’est parti pour une bonne dizaine de jours de réflexion et de promesses d’argent et d’actions, pour faire de la COP 15, une conférence-plus et non un folklore de trop.
Lutte contre la désertification et la dégradation des sols. C’est donc l’immense défi que se donne la COP 15, la 15e Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification qu’abrite la Côte d’Ivoire, du 9 au 20 mai. Nul besoin de rappeler la pertinence de cette rencontre qui rassemblera, en plus de la douzaine de chefs de l’Etat venus de l’Afrique et d’ailleurs, pas moins de 5000 participants. Ce raout pour l’environnement a déjà le mérite d’avoir ramené à sa juste place, la question de la lutte contre la désertification et la dégradation des sols qui a trop longtemps été éclipsée par la menace terroriste et la pandémie du Covid-19. Question: existe-t-il pire terroriste que le binôme désertification et dégradation des sols qui nourrit abondamment la pauvreté en affamant les populations africaines dont la majorité, agricole, vit de la générosité de la terre?
Malheureusement, c’est cette Afrique où tout demeure encore priorité, car manquant de presque tout, que les hommes continuent d’allumer de grands feux de brousse destructeurs par excellence de la faune et de la flore, donc de l’environnement. C’est encore sous les tropiques que la coupe abusive des arbres fournit en bois de chauffe et en charbon de bois, les femmes pour la cuisine. C’est toujours cette même Afrique qui subit de plein fouet, les effets dévastateurs du changement climatique dont les auteurs, ces pollueurs sans limite, sont ces grandes puissances en course effrénée pour l’industrialisation et qui alimentent des usines fonctionnant sans arrêt et dont les émissions détruisent inexorablement l’ozonosphère protectrice de la Terre. Quid du principe pollueur-payeur qui n’a jamais bénéficié à l’Afrique, qui attend comme Godot, les promesses de financement homéopathiques des pays nantis, dans ses efforts, vrais ou feints, dans la lutte pour la protection de l’environnement?
Depuis l’indépendance, il y a donc plus de 60 ans, la Côte d’Ivoire, a rappelé son président, a perdu 80% de son couvert forestier et demande, de ce fait, comme contribution des bailleurs de fonds, 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, pour lui permettre de restaurer ses terres dégradées et renforcer sur la durée la productivité agricole. Quant à Mohamed Bazoum, le président du Niger, pays qui abrite 80% de populations vivant de l’agriculture et dont les caprices pluviométriques et la rigueur du climat pratiquement hostile à l’homme, lui, compte planter 5000 arbres par an, dans le cadre de l’érection, d’ouest en est du continent, de la Grande Muraille verte, cette initiative pensée pour lutter efficacement contre la désertification en Afrique. Tous les dirigeants et leurs peuples attendent sans doute des perspectives prometteuses de la COP 15.
Mais, les Africains doivent y mettre également du leur, eux dont les politiciens transforment les campagnes de reboisement en campagnes électorales. En effet, au lieu que les plantations d’arbres soient de véritables actions de reverdissement des villes et villages, elles drainent plutôt des files interminables de voitures 4X4, dans lesquelles les glacières pleines de bière fraîche dégoulinent sur des emballages de poulets braisés succulents. Et dans ces cérémonies fortement médiatisées dont le budget est consacré davantage à la visibilité des planteurs d’un week-end, les plants mis en terre sont abandonnés à l’appétit vorace des animaux en divagation. Jusqu’à la prochaine plantation d’arbres, pour ne pas dire au prochain pique-nique! Pourtant, il faut sauver la planète, pour nous, et surtout pour les générations futures!
Par Wakat Séra