«Vie chère là va nous tuer!» Plus qu’un constat, ces mots de dépit murmurés par un vendeur de voiture assis sur le capot d’une «France au revoir» à la peinture défraichie, devisant avec son vis-à-vis, qui lui se désaltérait, un sachet d’eau en main, croulant sous un lot de friperies dont des costumes, avec lesquelles, à ses propres dires, il se promène depuis des mois sans que personne en demande, ne serait-ce que le prix! Ainsi va l’Afrique où, malgré la fin du carême chrétien et du jeûne musulman, on continue de se priver, non pas des plaisirs terrestres, parce que qu’ils sont trop éloignés de la bourse de nombreux Africains, mais d’au moins un ou deux des trois repas quotidiens. Dans certains ménages, la marmite n’a presque plus de suie, ne flirtant plus avec les flammes, matin, midi et soir. Dans le même temps, les prix des denrées alimentaires connaissent une hausse constante, passant souvent du simple au triple. Comparaison n’est pas raison, mais sur le continent noir, ils sont 30% plus élevés que la moyenne.
En quelques mois, dans la plupart des pays africains, l’augmentation des coûts des hydrocarbures est devenue un marronnier. Les Burkinabè qui, depuis ce mercredi, doivent ajouter désormais 100 FCFA sur le prix du litre du carburant en savent un brin. Certains, se disent prêts à s’acheter un âne ou un vélo ou simplement s’abonner à la marche à pieds qui leur fera faire, en même temps, du sport. Ils n’auront peut-être pas tort en pensant à ces alternatives, la probabilité, au vu de la conjoncture internationale étant plus forte que faible, que la courbe des augmentations ne fléchisse point. Elle pourrait même prendre encore de la hauteur.
Dans les marchés dont le public se raréfie de plus en plus, les vendeuses pleurent de ne pouvoir vendre leurs articles et les acheteuses se morfondent de ne pouvoir les acheter. Tout est cher, alors que l’argent se fait aussi rare qu’une bonne pluie en pleine saison sèche dans le Sahel soumis aux rigueurs de la nature. Surtout avec les conséquences alarmantes du changement climatique! Tout augmente, sauf le salaire des travailleurs, a chanté l’artiste! Du coup, l’argent de la popote n’a pas non plus bougé, quand il ne diminue pas!
A la pauvreté endémique qui frappe la plupart des pays du continent noir se greffent donc la baisse drastique du pouvoir d’achat, du fait des conséquences dévastatrices de la pandémie du Covid-19, de la guerre issue de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et des attaques terroristes pour le cas des pays comme ceux du Sahel et certains du Golfe de Guinée. Désorientées, les populations se sentent simplement abandonnées. Même ceux qui nous dirigent sont impuissants face à cette machine qui ne cesse de broyer du pauvre. Habitués à ne compter pratiquement que sur l’aide extérieur qui, malheureusement se réduit comme peau de chagrin, les gouvernants peuvent peu.
Sur qui ou quoi compter maintenant? Le «consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons », n’a jamais fait recette, si ce n’est, au Burkina, pendant la Révolution de Thomas Sankara. Mais ça, c’était avant! La donne a changé, notamment dans le Sahel où il n’y a plus de champs à cultiver, ni de troupeaux à pâturer, les terroristes ayant fait main basse sur tous les biens des populations qu’ils ont contraintes à l’exil dans leur propre pays. Dans ce contexte, comment donc modifier les habitudes de consommation, s’il n’y a pas de consommation?
Comme il fallait le craindre, les Africains qui ont toujours été des consommateurs sans modération de tout ce qui vient de l’extérieur, sont en train de subir de plein fouet, les effets de cette guerre en Ukraine, si loin mais si proche de nous. Jusqu’à quand pourrons-nous, au risque de nous étrangler, serrer la ceinture qui n’est plus loin du dernier cran?
Par Wakat Séra