Huit ans après avoir été éjecté du palais présidentiel de Kosyam et trouvé en Côte d’Ivoire une heureuse terre d’exil, Blaise Compaoré est rentré à la maison. C’est un Blaise Compaoré amaigri et le regard parfois hagard sur certaines des rares images de l’arrivée qui s’est présenté aux Burkinabè, même s’il n’a rien perdu de sa mise élégante. Un séjour de 48 heures tout au plus, mais qui «fait couler beaucoup d’encre et de salive», selon la formule consacrée. Car, il y a les «pour» et les «contre». Et les arguments des deux parties se valent. Les uns campant sur les nécessités de la réconciliation nationale et les autres appelant au respect des décisions de justice.
Si l’hôte de Alassane Ouattara depuis 2014, est l’invité du président du Faso, qui l’a convié au même titre que tous les anciens chefs de l’Etat du Burkina vivants, pour une rencontre, ce vendredi, sur des «questions liées à l’intérêt supérieur de la nation», il n’en demeure pas moins qu’il est celui-là que la justice burkinabè a condamné, le 6 avril, par contumace, à la prison à perpétuité, accusé de complicité dans l’assassinat de Thomas Sankara et 12 de ses compagnons. La justice a donc tranché et exige, désormais, depuis que Blaise Compaoré a foulé le sol burkinabè cet après-midi de jeudi 7 juin, que la décision judiciaire soit exécutée et que l’ancien président soit mis au frais. Des syndicats, des politiques, les avocats des ayants-droit, et des leaders de la société civile sont entrés dans la danse pour exiger, hic et nunc, que soit mis en prison, celui qui a gouverné le Burkina durant 27 ans et a essayé sans succès, de s’offrir en «lenga», soit une rallonge d’un mandat supplémentaire, et plus si affinités. Rien ne devait donc s’opposer, en principe, à l’exécution de la décision de justice.
Sauf que Blaise Compaoré et les présidents ivoirien Alassane Ouattara et togolais Faure Gnassingbé qui se sont impliqués dans ce retour au bercail, ont obtenu les garanties nécessaires de la part des autorités burkinabè, elles, résolument lancées dans un processus de réconciliation et de cohésion nationales. Raison pour laquelle l’exilé d’Abidjan qui, pour contribuer à endiguer la crise sécuritaire à laquelle était confronté le Burkina, a déjà tendu la main à l’ancien président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a répondu à l’appel du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Raison pour laquelle le trajet de la «guest-star», s’est fait par les airs, de la Côte d’Ivoire à son pied-à-terre de Ouaga 2000, non loin du palais présidentiel, en passant par la Base militaire aérienne où l’avion battant pavillon ivoirien qui l’a transporté a atterri. Raison pour laquelle le couple Blaise et Chantal Compaoré n’a pas pu goûter à l’accueil triomphal qu’ont réservé les partisans de l’ancien président à leur champion. Raison pour laquelle aucun détail n’a été laissé au hasard pour la mise en place d’une «high security»… Pour le come-back avec bain de foule, il faudra repasser une autre fois, le temps que les nuages se dissipent entre la justice burkinabè et le «beau Blaise».
De toute façon, tout se passe cette fois-ci dans un court séjour et surtout dans les balises de la réconciliation voulue par les autorités. Donc, les demandes et autres exigences à emprisonner le «Blaiso national», à moins d’un tsunami, n’ont guère de chance d’aboutir. Mais, après ce ballon de sonde, quelle sera la suite du scénario, quand il se murmure…à haute voix que la rénovation de la résidence du «protégé» de Alassane Ouattara à Ziniaré, l’ancien patelin présidentiel situé à 34 km de Ouagadougou, est bien avancée? En tous cas, si c’est l’ancien occupant des lieux qui doit en être le futur occupant, beaucoup d’eau aura certainement coulé sous les ponts. Sous la forme d’amnistie ou de grâce présidentielle!
Par Wakat Séra