Ceci est une déclaration de AfricTivistes qui salue le verdict de la Cour de la CEDEAO et appelle à plus de proactivité dans ses décisions.
Le jeudi 14 juillet 2022, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a rendu un verdict concernant la décision du gouvernement nigérian de suspendre le réseau social Twitter en juin 2021 suite à la suppression d’un tweet du Président Muhammadu Buhari qui incitait à la haine.
La Cour juge que le gouvernement a violé le droit des citoyens nigérians à accéder à l’information ainsi que la liberté d’opinion et d’expression stipulés par l’article 9 de la Charte africaine des droits humains et des peuples (CADHP) et l’article 19 du Pacte international des droits civiques et politiques.
La suspension du réseau social a violé également les droits des plaignants à jouir de leur liberté d’expression et d’accès à l’information et aux médias, selon toujours la Cour qui ordonne au gouvernement nigérian de prendre des mesures législatives pour garantir les droits des plaignants et de payer leurs frais de justice.
Ce verdict fait suite à une plainte en juillet 2021 de citoyens et d’organisations de défense des droits humains contre l’État qui avait suspendu le réseau social au Nigéria. Le gouvernement nigérian soutient qu’en supprimant de sa plateforme le tweet du Président Muhammadu Buhari, Twitter prenait parti pour les sécessionnistes du sud-est du pays. A noter que le tweet mis en cause faisait référence à la guerre civile nigériane de 1967-70 et à la nécessité de traiter « ceux qui se comportent mal aujourd’hui » dans « la langue qu’ils comprendront ».
Cette suspension a duré 7 mois jusqu’à ce que Twitter accepte en janvier 2022 de s’enregistrer en tant qu’entreprise au Nigeria et de payer les taxes locales après des négociations.
Il est constaté que de plus en plus de pays africains tentent de contrôler les médias sociaux en adoptant des lois visant à limiter les libertés ou à augmenter les taxes pour décourager leur utilisation par les citoyens. Ce n’est pas un secret que les médias sociaux ont démocratisé la liberté de parole, d’opinion en Afrique.
Rien qu’en 2021, le rapport de la Coalition KeepItOn sur la fermeture d’Internet révèle que le nombre de coupures est passé de 159 dans 29 pays en 2020 à 182 dans 34 pays en 2021 majoritairement en Afrique pour diverses raisons: éducation, sécurité, élections, manifestations ou supposées raisons de sécurité.
Entre 2010 et 2021, de nombreux pays africains ont adopté ou préparé des lois visant à restreindre les médias sociaux ou à renforcer la censure, justifiant souvent ces lois draconiennes par la protection contre la cybercriminalité.
Le verdict rendu par la Cour de la CEDEAO est le deuxième du genre en matière d’internet après celle de 2020 qualifiant d’illégale la coupure d’internet au Togo lors des manifestations de 2017 et condamnant l’État togolais à une amende.
AfricTivistes regrette cependant que cette décision intervienne un an après les faits. Même si nous comprenons le retard noté dans le processus de prise de décision, nous pensons que la décision de la Cour devrait être prise depuis longtemps et qu’elle devait être assortie de sanctions rigoureuses pour dissuader les Etats qui tenteraient d’avoir de telles postures.
AfricTivistes croit qu’il faudrait ainsi des mécanismes rapides de traitement de telles questions jugées urgentes.
AfricTivistes appelle de ce fait la Cour à être plus proactive car de plus en plus d’Etats de la région cherchent de nouvelles façons d’empiéter sur les droits de leurs citoyens sur Internet en adoptant des lois répressives supplémentaires sous couvert de lutte contre le terrorisme ou en imposant des taxes sur l’utilisation d’une plateforme de médias sociaux pour décourager leur utilisation.
Toutefois, AfricTivistes salue les arrêts de la Cour régionale dans les affaires du Togo et du Nigéria. Nous pensons qu’ils confirment que les droits d’internet sont des droits humains..
Nous appelons en définitive la Cour à être vigilante par rapport aux violations les plus flagrantes de coupures d’internet, à la censure, à la cybersurveillance et à la violation des données à caractères personnels par les Etats africains.