Il n’aura pas fallu longtemps pour que la guerre de la Russie en Ukraine ait un impact sur l’Afrique. Déjà aux prises avec une inflation galopante et encore en train de se remettre de la pandémie de Covid-19, l’Afrique est désormais confrontée à une pénurie d’au moins 30 millions de tonnes de denrées alimentaires, en particulier de blé, de maïs et de soja importés de Russie et d’Ukraine.
L’augmentation de plus de 300 % du prix des engrais rend de plus en plus difficile pour les exploitants agricoles africains de produire suffisamment de blé, de maïs, de riz et d’autres cultures. Un nombre croissant de personnes en Afrique ne peuvent plus se permettre d’acheter du pain.
L’Afrique s’efforce d’atténuer la famine provoquée par un conflit qui pourrait plonger quelque 30 millions d’Africains dans des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire. Elle pourrait aggraver les tensions économiques et les troubles politiques. Avec des millions de personnes qui peinent à acheter de la nourriture, du carburant et des engrais, les manifestations antigouvernementales sont une réelle possibilité.
Dès le début, la Banque africaine de développement a compris la nécessité stratégique de s’attaquer à l’impact dévastateur de la guerre sur la sécurité alimentaire de l’Afrique. Il était important d’éviter des troubles et encore plus de souffrances humaines. En mai, la Banque a créé une Facilité africaine de production alimentaire d’urgence de 1,5 milliard de dollars. En moins de 60 jours, elle a mis en œuvre dans 25 pays africains des programmes d’une valeur de 1,13 milliard de dollars dans le cadre de cette facilité. Une demi-douzaine d’autres programmes devraient être lancés d’ici septembre, à mesure que d’autres gouvernements feront appel à la facilité.
La Facilité africaine de production alimentaire d’urgence permettra de fournir à 20 millions d’exploitants agricoles des semences de blé et d’autres cultures de base certifiées et adaptées au changement climatique, ainsi qu’un accès accru aux engrais agricoles. Au cours des deux prochaines années, la facilité permettra aux agriculteurs de produire 38 millions de tonnes supplémentaires de nourriture, soit une augmentation de 30 % de la production locale, pour une valeur estimée à 12 milliards de dollars. Afin de faciliter un investissement mondial encore plus important dans le secteur agricole africain, la facilité soutiendra également l’intensification des réformes de la gouvernance et des politiques.
Bien que ce soit un bon début, l’Afrique a besoin que la communauté internationale comble un déficit de financement de 200 millions de dollars pour la Facilité. Le président Joe Biden a apporté son soutien à la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence, un soutien bienvenu, tout comme l’est son soutien au Programme de financement des risques de catastrophes en Afrique de la Banque africaine de développement.
Afin d’aider les gouvernements africains à payer les primes d’assurance contre la sécheresse et les inondations et à mieux répondre à l’insécurité alimentaire causée par le changement climatique, le Programme de financement des risques de catastrophes est un élément futur indispensable de la Facilité.
Pour stimuler la production agricole au Nigeria, en Tanzanie et en Côte d’Ivoire, l’Agence japonaise de coopération internationale s’est récemment associée à la Banque africaine de développement pour cofinancer les programmes de la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence. Les agences internationales de développement et une coalition croissante de nations soutiennent également la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence.
Lancé en 2018, le programme phare de la Banque africaine de développement, Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine (TAAT), qui connaît un grand succès, fournit des technologies sous la forme de variétés de cultures résilientes face au changement climatique — des semences résistantes à la sécheresse, aux températures élevées ou aux ravageurs, par exemple.
En Éthiopie, grâce aux semences de blé résistantes à la chaleur financées par le programme TAAT, les terres agricoles cultivées sont passées de 50 000 hectares à 675 000 hectares supplémentaires en quatre ans seulement. Les semences intelligentes du TAAT permettent à la culture du blé de prospérer dans les basses terres arides de l’Éthiopie, où les variétés de blé ordinaires ne donnent généralement pas de bons résultats.
L’augmentation de la production locale de blé a réduit la dépendance de l’Éthiopie aux importations de blé. Grâce à l’adoption du TAAT, pour la première fois cette année, le pays n’a pas eu besoin d’importer du blé. Avec le soutien continu de la Banque, l’Éthiopie deviendra un exportateur de blé en 2023. Elle exportera plus d’un million de tonnes de blé vers le Kenya et Djibouti. Cela représente suffisamment de nourriture pour nourrir 10 millions de personnes pendant 12 mois.
La Banque africaine de développement sait ce qui produits des résultats.
Le programme TAAT a déjà permis de toucher 12 millions d’agriculteurs. Nous appelons nos partenaires internationaux et les gouvernements à se joindre à nous pour accroître l’échelle du TAAT par le biais de la nouvelle Facilité africaine de production alimentaire d’urgence.
Notre engagement à aider l’Afrique à produire davantage de denrées alimentaires en s’adaptant au changement climatique a reçu le soutien du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui a récemment déclaré que la décision de la Banque d’allouer la moitié de son financement climatique à l’adaptation était la norme à suivre pour les partenaires internationaux au développement. Le département américain du Trésor a approuvé la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence dans le cadre du Plan d’action contre l’insécurité alimentaire des institutions financières internationales — un guide de programmes présélectionnés à l’attention des pays donateurs.
L’Afrique n’a pas besoin d’aide alimentaire pour se nourrir. Elle a besoin d’investissements appropriés et de semences dans le sol.
La Facilité africaine de production alimentaire d’urgence apportera une solution immédiate aux deux défis mondiaux que sont les conflits et le changement climatique, et jouera un rôle immédiat, à moyen et à long terme, dans la croissance du secteur agricole africain, fondement d’économies africaines résilientes.
Les réformes politiques permettront de déclencher les réformes structurelles nécessaires à une distribution des intrants, basée sur le marché, et à une production agricole plus compétitive.
Aujourd’hui et à l’avenir, la Banque africaine de développement met en œuvre un plan éprouvé pour libérer le potentiel de production alimentaire de l’Afrique et faire de ce continent un grenier pour le monde entier.
Akinwumi A. Adesina est président du Groupe de la Banque africaine de développement.
Cet article est paru pour la première fois sur le site de China Global Television (CGTN.com) le 5 août 2022.