Les textes réglementant la circulation des véhicules poids lourds en ville sont caducs. C’est ce qui ressort de cet entretien avec le directeur de la Police municipale, l’inspecteur de police, Jean Marie Ouédraogo, qui revient également sur la récente grogne de ses éléments.
Wakat Séra: Quel bilan peut-on faire de vos actions depuis votre prise de commandement le 23 mars 2016?
Jean Marie Ouédraogo: Depuis ma prise de service, nous avons œuvré à lutter contre l’incivisme qui a pris de l’ampleur. Nos éléments sont sur le terrain et s’activent de jour comme de nuit à mettre de l’ordre dans la ville ne serait-ce que pour les occupations anarchiques, la lutte contre le non-respect du Code de la route, la divagation des animaux, ainsi que la circulation des poids lourds dans la ville de Ouagadougou, l’assistance aux personnes démunies, les mineurs et les femmes. Il y a aussi l’assistance aux malades mentaux pour les conduire en service psychiatrique au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. A côté de cela, il y a la lutte contre les nuisances sonores et la gestion des plaintes au niveau du poste radio à propos de certains aspects comme l’élevage domestique des porcs, bœufs, moutons… Nos éléments travaillent également au maintien du couvert végétal par des sorties aux endroits où les populations détruisent l’environnement ou ceux qui ramassent le sable sur les routes. Nous avons les états chiffrés. Je n’ai pas été prévenu sinon je les mettrais à votre disposition.
Suite aux accidents mortels survenus la semaine passée sur le boulevard des Tansoaba ou Circulaire à Ouagadougou, nombre de personnes se demandent ce que sont devenues les textes qui interdisent la circulation des véhicules poids lourds en ville à certaines heures.
Oui, cette réglementation est assurée par le Raabo n°1677 portant réglementation de la circulation et du stationnement des véhicules poids lourds dans la ville de Ouagadougou. C’est une réglementation qui date de 1989 et il faut dire qu’à cette période les voies qui étaient réglementées ne sont plus les mêmes et par conséquent ce texte est dépassé. Quand vous prenez la Circulaire qui a été réglementée comme une voie de contournement pour les véhicules poids lourds et semi-remorques, elle se trouve maintenant en ville. Alors qu’avant c’était une voie de contournement qui était hors de la ville. Les usagers l’empruntaient sans danger pour les habitants. La réalité est que le texte est en déphasage avec les voies routières de la ville de Ouagadougou. Il y a lieu de relire ce texte, et au-delà aménager une autre voie de contournement.
Y a-t-il d’autres dispositions à prendre dans ce sens?
En plus, il est nécessaire de faire une aire de parking pour ces véhicules. Quand ils quittent Ouaga-inter, ils n’ont pas d’endroit pour se garer et c’est pour cela, ils vont dans certains lieux non appropriés. Par ailleurs, nous sommes en situation de journée continue, les heures de pointe fixées par ce texte ne sont plus les mêmes. Dans le texte de 1989, la circulation autorisée pour les semi-remorques c’est de 18 h à 5 h du matin et pour les poids lourds de 8 h 30 à 9 h, de 13 h à 14 h 30, de 16 h à 17 h 30, de 18 h à 5 h du matin. Or avec la journée continue, il y a un déplacement des heures de pointe de 16 h jusqu’à 19 h. Il y a donc lieu de tenir compte de cela pour réglementer la circulation dans la ville de Ouagadougou. La coordination avec les services des Douanes aussi pose problème. La Douane travaille en fonction des heures réglementaires. Cela veut dire qu’au-delà de la fin de la journée continue la Douane ne travaille pas. Elle libère les véhicules à partir de 16 h. Les magasins étant en centre-ville, après l’attente à la Douane le souci du commerçant c’est de voir sa marchandise dans son magasin. Il force donc la circulation et cela crée beaucoup de problèmes avec la Police municipale.
A votre avis qu’est ce qui peut être fait pour réduire, sinon mettre fin à des accidents comme ceux de la semaine écoulée?
Les actions de la police sont basées sur la réglementation. Tant que la réglementation n’est pas revue, la police ne peut rien. L’on ne peut pas dire aux véhicules de ne pas circuler. Sur quelle base légale le ferait-on ? Nous disons que la base légale existante est carrément dépassée. Elle date de 1989 et nous sommes en 2017. Les voies qui ont été réglementées par ces textes ont été rebaptisées. Il faut donc revoir les textes et les adapter aux réalités du moment.
Pour parler d’autre chose, certains de vos éléments au cours d’un mouvement, il y a quelques jours, ont demandé le rehaussement du niveau de recrutement…
C’est une situation regrettable. Le maire a cette volonté de rehausser le niveau de recrutement à la Police municipale. C’est dans ce sens qu’il a bien voulu organiser un concours professionnel et un concours direct. Les autres corps ont relevé le niveau de recrutement à la base qui est passé du CEPE au BEPC. C’est pour cela que les éléments ont voulu la même chose à la Police municipale. La situation est que l’autorité n’était pas préparée pour cela. Pour le faire, il faut revoir le budget, relire les textes… Mais je pense qu’elle est en discussion avec eux pour trouver une solution qui arrange tout le monde. Nous demandons aux agents de comprendre, le maire vient d’arriver. Il a cette volonté et l’a affirmée et il s’est même dit disponible et engagé pour cela. Mais étant donné qu’il a besoin d’effectif, les agents doivent comprendre et permettre qu’il recrute en attendant les années à venir pour le problème de reclassement. C’est une nécessité, le niveau des policiers doit être relevé pour faire face aux défis sécuritaires et être disponibles pour rendre services aux populations.
Entretien réalisé par Boureima DEMBELE