Le colonel Assimi Goïta doit libérer les otages ivoiriens qu’il a kidnappés depuis ce 10 juillet, les faisant passer pour des mercenaires. Malgré la reconnaissance de part et d’autre, notamment des autorités ivoiriennes, d’incompréhensions, de manquements, de dysfonctionnements, et tous les autres qualificatifs qui vont avec ce genre d’erreur, la junte militaire malienne reste impassible, persuadée qu’elle détient à travers les 49 militaires, dont elle a libéré trois femmes, des otages qu’elle va pouvoir échanger contre des personnalités maliennes qui auraient trouvé gîte et couvert sur les bords de la lagune Ebrié.
Or, ces personnes dont, Karim Keïta, Boubou Cissé, Tiéman Hubert Coulibaly, dont parlent le putschiste en chef, et qui n’auraient d’ailleurs pas déposer pour de bon leurs pénates en Côte d’Ivoire, ne cherchent pourtant qu’à échapper au sort de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, pris dans la chasse à l’homme organisée par la junte malienne. En effet, l’ancien chef de gouvernement de l’ancien président, Feu Ibrahim Boubacar Kéïta, qui luttait contre la maladie dans les geôles des hommes forts de Bamako est mort, abandonné dans une clinique de la place, faute d’évacuation vers un plateau de soins adéquat.
Si le retour des anciens dignitaires est une menace pour leur vie, peut-on en vouloir à la Côte d’Ivoire, ou à n’importe quel autre pays, de ne pas exécuter ces mandats d’arrêt internationaux qui deviennent du coup des pièges grossiers? Ce serait même, pour eux, se rendre complices de la prédation des droits humains, voire de mort d’homme si le pire arrivait. Questions: pourquoi, malgré la montée en puissance de son armée et la grande confiance qu’il a dans la coopération militaire russe, que certains assimilent, à tort ou à raison, à un pacte avec des «mercenaires» de la société de sécurité privée russe Wagner, le colonel auteur de deux coups d’Etat en moins d’un an, a-t-il autant peur de quelques individus qui ont dû fuir leur pays pour se retrouver en exil depuis des années? La citadelle de Kati, attaquée le 22 juillet par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), n’est-t-elle donc pas imprenable? Avec tous ses moyens militaires, locaux comme internationaux, la junte militaire devrait-elle encore craindre une quelconque déstabilisation?
En tout cas, le colonel Assimi Goïta ne s’y prendrait pas autrement, s’il ne voulait déterrer la hache de guerre contre la Côte d’Ivoire qui accueille au moins trois millions de Maliens, assure la disponibilité de l’électricité au Mali, et dont les différents ports sont fortement utilisés par le Mali pays enclavé sans ouverture sur la mer. Fort heureusement, et sans s’ériger en avocat de la Côte d’Ivoire, les autorités et le peuple de ce pays ont, constamment à l’esprit que la junte malienne ne représente pas tous les Maliens et n’en porte d’ailleurs pas les légitimes aspirations.
Cela devient de plus en plus difficile d’attendre une quelconque bonne foi de la part des militaires maliens qui ont volé le pouvoir au peuple et comptent le confisquer pour des intérêts égoïstes et très personnels. La seule véritable arme des putschistes maliens est de surfer sur un sentiment anti-français qui ne prospère plus, le disque tendant à se rayer, surtout que l’Elysée lui-même a intégré le changement de paradigme irréversible dans le partenariat entre la France et les pays africains, à l’instar du Niger et du Burkina Faso, qui ont opté pour la diversification à outrance de leurs partenaires militaires et économiques.
L’idéal est que les putschistes maliens retournent aux fondamentaux du «djatiguiya» cette valeur de la tradition malienne nourricière de la fraternité et de la solidarité africaine. Paradoxe des paradoxes, alors qu’elle affirme, à qui veut l’entendre, vouloir travailler avec tout le monde, comme l’a dit, son ministre des Affaires étrangères la semaine passée à Lomé au Togo, lors de la 3è réunion du Groupe de soutien à la transition au Mali, la junte militaire au pouvoir à Bamako veut, lui, imposer son diktat à ceux qu’elle appelle encore ses partenaires. Dans ce dossier dit des «49 militaires ivoiriens détenus au Mali» et que les putschistes accusent d’être des mercenaires, et ont jugé comme tel, le président Faure Gnassingbé doit se demander dans quelle galère il s’est fourré.
Alors qu’il a fait de Lomé une place forte de la médiation, le doyen des chefs de l’Etat en exercice en Afrique de l’ouest, se voit floué par des putschistes qui ont entrepris de faire du chantage avec des vies humaines. Alors qu’ils se font passer pour des nationalistes purs et durs, les hommes de la junte malienne ne sont, en réalité que des preneurs d’otages, libérant à dose homéopathique, trois militaires, des femmes, sur les 49 soldats qu’ils détiennent. Comme les preneurs d’otages, les putschistes comptent donc libérer leur butin au fur et à mesure de la satisfaction de leurs revendications!
Pourquoi garder les 46 otages, alors que ce serait plus simple pour la junte malienne de faciliter la normalisation des relations avec la Côte d’Ivoire pour demander, en retour, à son président d’aider le Mali à obtenir des financements auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)? Les putschistes maliens qui tiennent mordicus à punir Alassane Ouattara à qui ils en veulent d’avoir soutenu les sanctions financières et commerciales prises par la CEDEAO à l’encontre du Mali à cause de leur prise du pouvoir par les armes, savent-ils que le même Alassane Ouattara le voudrait que certaines de ces sanctions n’auraient pas été levées comme ce fut le cas, le 3 juillet à Accra? La règle du consensus qui prévaut lors de la prise de décisions dans le saint des saints de la CEDEAO, et les militaires maliens qui semblent bien au fait de tout, ne l’ignorent certainement pas!
Assimi Goïta doit libérer au plus vite les 46 otages ivoiriens qu’il détient et son orgueil n’en sera point écorché! Il aura même l’opportunité de sauver ce qui peut encore l’être!
Par Wakat Séra