Tirs nourris aux armes lourdes et à l’artillerie légère. Ce fut le week-end infernal auquel ont soumis, de vendredi à samedi, les militaires du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui ont décidé de changer de patron, les doigts sur la gâchette. Finalement, le camp du capitaine Ibrahim Traoré a eu raison de celui du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ainsi donc, un coup d’Etat vieux seulement de neuf mois, en a appelé un autre qui, il faut l’espérer pour le Burkina Faso et pour la survie de la démocratie, le retour de la paix et le difficile combat pour le développement, bouclera ce cycle qui a fait du Pays des Hommes intègres l’un des pays africains les plus cotés à la Bourse des putschs militaires. En attendant que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) vienne rendre, ce lundi, une petite visite de courtoisie aux nouveaux patrons du MPSR qui est aux commandes de la transition burkinabè, l’armée doit songer à panser ses plaies ouvertes par cette nouvelle parenthèse de force.
Comme le leader de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, le jeune Ibrahim Traoré tient le pouvoir au grade de capitaine et, fait du hasard ou clin d’œil espiègle de l’histoire, est également âgé de 34 ans comme le héros assassiné de la jeunesse africaine, arrivé, lui aussi, aux affaires suite à un putsch militaire, celui du 4 août 1983. Ibrahim Traoré ramène ainsi, le Burkina à la case «capitaines», lui qui accuse son prédécesseur, et bien plus gradé que lui, d’avoir trahi l’idéal de départ du MPSR de rendre au Faso, sa quiétude d’antan en le débarrassant des terroristes qui l’infestent et y sèment la mort au quotidien. En tout cas, avec Roch Marc Christian Kaboré, Paul-Henri Sandaogo Damiba qui vient de trouver gîte et couvert au Togo voisin, est le deuxième dirigeant burkinabè que les attaques armées meurtrières, qui ont déjà occasionné près de deux millions de Personnes déplacées internes (PDI), emportent.
La grande tache noire sur cette révolution de palais au sein de la junte militaire qui dirige la transition burkinabè, c’est bien ce sentiment anti-français développé et grossi qui, en servant à mobiliser des soutiens, a conduit à des actes déplorables de vandalisme, entre autres, sur les locaux de l’ambassade de France à Ouagadougou et ceux de l’Institut français à Bobo-Dioulasso. Semée depuis un certain temps par les amoureux transis de la Russie, cette graine qui pousse sans limite et provoque le saccage d’institutions et d’entreprises, servant certes les intérêts du coq gaulois, mais où travaillent des ressortissants africains pour nourrir leurs familles et parfois tout un village, continue de faire des victimes innocentes, de la République centrafricaine au Burkina Faso, en passant par le Mali. Le discours haineux entretenu sur les réseaux sociaux et dans des rassemblements publics, souvent par des personnes aux responsabilités diverses et censées être des modèles, donne froid dans le dos et incommodent même tous ceux qui luttent, sans émotion, contre la recolonisation de l’Afrique et le controversé franc CFA. Car, on peut bien lutter pour son mieux-être sans verser dans la violence et la barbarie. Et surtout en diversifiant ses partenariats internationaux, sans quitter la tutelle d’un ancien maître pour embrasser un nouveau.
De toute façon, le deuxième coup d’Etat en moins d’un an, comme chez le voisin malien, doit maintenant servir, comme l’a promis avec engagement patriotique, le capitaine Ibrahim Traoré, à relancer la lutte contre l’hydre terroriste. Surtout que pendant que les militaires faisaient le show autour du palais présidentiel de Kossyam pour prendre ou garder le pouvoir, les Hommes armés non identifiés et les combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) et de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) buvaient leur petit lait, au propre comme au figuré, consolidant leurs positions. Tout comme le Sahel, notamment la ville de Djibo qui subit un blocus terroriste depuis un bon moment, les populations d’autres parties du Burkina ne savent plus à quel saint protecteur se vouer. De nombreux habitants n’ont plus de vie, et même que la survie leur échappe. Donc, maintenant que les militaires ont fait la preuve de leur dextérité dans le maniement des armes, légères comme lourdes, dans la capitale, ils n’ont plus aucune excuse pour ne pas bander les muscles contre les hommes sans foi ni loi qui terrorisent à longueur de journée et de nuit des populations sans défense. Des Burkinabè qui ne demandent qu’à vivre le plus modestement possible, loin des maquis et bars climatisés de Ouagadougou où coulent à flot la bière, et le champagne dans des milieux plus huppés, sur de succulents poulets bicyclettes.
Il faut sauver le Burkina! Et ça, les hommes forts de Ouagadougou doivent, enfin s’y atteler en faisant tonner les armes au front malheureusement dégarni de la lutte contre le terrorisme!
Par Wakat Séra