Barkhane n’existera plus au Sahel! L’acte de décès officiel de la force française engagée dans la lutte contre le terrorisme dans cette partie du continent que les djihadistes et autres hommes armés non identifiés ont infestée, a été prononcé, ce mercredi 9 novembre par Emmanuel Macron dans un discours prononcé à Toulon. Née le 1er août 2014 des cendres des opérations Serval et Epervier, la force française Barkhane, aura traqué les groupes armés durant huit bonnes années, dans le désert sahélo-saharien où ils se sont enkystés, semant la mort au quotidien au sein des populations militaires et civiles. Barkhane dont les effectifs ont atteint le pic de 5 500 hommes, était pourtant devenue l’épouvantail des forces du mal, qu’elles s’appellent al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou Daech, présents sur le terrain à travers leurs différentes branches, dont les plus connues de nos jours sont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) ou l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
Mais le sentiment anti-français et plus généralement anti-occident est passé par là, renforcé par la colère qui commençait à monter des bords de la Seine, où l’on se demandait pourquoi 58 enfants de la France sont partis mourir si loin de chez eux, dans une guerre où les résultats mitigés, n’étaient pas non plus à la hauteur des espérances de populations sahéliennes meurtries. Sans oublier que la force française, prenait, au fur et à mesure de son implantation, des airs d’armée d’occupation, chose incompatible avec l’air du temps où les Africains aspirent à plus d’indépendance, pointant du doigt les conséquences de la colonisation dont le vestige le plus combattu désormais, est le franc CFA, considéré comme une monnaie de domination. La mission devenait de plus en plus impossible pour les «boys» de Macron pris entre le feu des attaques terroristes et la pluie des récriminations des populations locales qui se demandent comment leurs «sauveurs», avec toute la logistique et les services de renseignements affinés dont ils disposent, n’arrivent pas à les débarrasser des assaillants.
Et arriva Wagner au Mali! En effet, venus au pouvoir par les armes, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta et ses lieutenants, ont lancé une fatwa contre la France, décrétant Barkhane «non grata» sur le territoire national, afin de vivre une idylle paisible avec la société de sécurité privée russe Wagner, pourtant accusée par les organisations locales et internationales de toutes sortes d’exactions contre les populations civiles. C’est ainsi que l’armée française, acculée par la junte militaire au pouvoir, a dû faire ses paquetages pour migrer vers des cieux plus cléments, en l’occurrence le Burkina Faso, le Tchad et le Niger, dans «une adaptation significative» des bases de la France en Afrique. Dégraissée et évoluant selon de nouveaux paradigmes qui donnent davantage de marge de manœuvre aux armées locales, Barkhane connaîtra donc finalement, une fin qui, sans être tragique, est, néanmoins, loin du scénario de départ. Mais, le dispositif français dans la région, certes allégée, n’en sera pas moins présent pour continuer le combat contre l’hydre terroriste dont les tentacules essaient d’enlacer des pays du golfe de Guinée comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire.
En tout cas, il serait peu ou prou prudent pour les pays du Sahel de jeter le bébé avec l’eau du bain! L’expérience malienne où, la situation sécuritaire passe de préoccupante à alarmante, depuis que les forces française Barkhane et européenne Takuba ont levé leurs camps, est la preuve que les Africains, doivent certes diversifier leur partenariat, mais chercher surtout à les renforcer avec des Etats et institutions crédibles, respectueux des droits humains et des libertés du peuple. Et c’est tant mieux, si les nouvelles options de Paris se rapprochent de la volonté émancipatrice des Africains. Car, l’intervention militaire de la France en Afrique devrait correspondre au schéma suivant: l’efficacité dans la discrétion! La nouvelle vision prônée par Emmanuel Macron étant de ne pas abandonner la lutte contre le terrorisme, mais de «réduire l’exposition et la visibilité» des forces militaires françaises en Afrique, de miser davantage sur la «coopération et l’appui» surtout «en termes d’équipement, de formation, de renseignement et de partenariat opérationnel», le tout selon les desideratas des Africains. Et ce n’est pas rien comme nouveau départ!
Barka* Barkhane et bye bye!
Par Wakat Séra
*Barka: merci en mooré, la langue la plus parlée au Burkina