Dans cette tribune publiée sur sa page Facebook le 6 décembre 2022, Newton Ahmed Barry s’étonne et dénonce que des partisans du président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, refusent les critiques et s’en prennent à ceux qui le font.
Le Burkina n’est pas un Etat Islamique
Ainsi, il est interdit de critiquer IB et de contester ses décisions.
Ses soutiens approximativement instruits aussi bien en islam qu’en français, mais parfaitement exégètes dans la langue mooré, ont décrété que leur président ne peut pas être critiqué. Toutes personnes qui osent « les leaders ( ils ne les ont pas nommés) vont lâcher les enfants régler son cas, détruire sa maison, le tuer ou le contraindre à l’exil ». Voilà donc la fatwa désormais prononcée dans un pays dont l’ADN est la liberté.
Qui aurait imaginé cela dans ce pays ?
Un pays qui s’est construit sur le refus de la pensée unique, du parti unique et du pouvoir absolu. Mais comme qui dirait « nous avons enfanté le monstre qui pourrait bien nous manger en (héritiers indignes et croutes) des luttes multiformes engagées par les patriotes de ce pays depuis les Ouezzin jusqu’au Ki ZERBO, Arba Diallo en passant par Thomas SANKARA, Norbert Zongo, Halidou OUEDRAOGO et bien d’autres illustres Burkinabè qu’on ne peut tous citer.
Mais le plus triste, ce n’est sans doute pas l’idiotie de ces « croûtes » qui ont découvert l’argent facile avec les politiciens irresponsables, (mais les militaires rédempteurs ne font pas mieux). Avec l’argent public qui n’a jamais été autant gaspillé ces individus sont montés en pinacle d’un patriotisme « poison social » dont le seul but s’est de veiller au maintien des pouvoirs usurpés. Le plus triste c’est que la haine qui transpirent de leur idiotie pourrait avoir raison du lambeau du Burkina qui reste et dont ils se prévalent les pre défenseurs. Mais en vérité ils n’en sont que les « malaawu tal mawt », c’est à dire les anges de la mort.
Alors que faire ?
Chacun est interpellé et moi je vais parler pour moi.
– Depuis mes débuts comme journaliste et personne publique, toute ma vie, j’ai eu maille avec tous les pouvoirs et leurs supporters.
Sous le CDP à la mort de Norbert Zongo, j’ai démissionné de la fonction publique compromis mon droit à la retraite et me suis engagé corps et âme pour que justice soit faite à Norbert ZONGO (je n’ai jamais su de quelle ethnie il était), et pour que plus jamais un Burkinabè ne meurt pour avoir exprimé son opinion.
Si après l’intermède de l’Insurrection populaire et de l’éphémère expérience démocratique, mais réelle, je devrais mourir des mains des obscurantistes, alors qu’il en soit ainsi.
– Ensuite il y a eu la transition. J’ai passé une année difficile. Certains compagnons de lutte m’ont tourné le dos car ne comprenant pas que victorieux contre ceux qui nous ont opprimés trois décennies durant, je montre du scrupule à ce qu’on ne « marche pas sur les testicules des DB et autres…qui du temps de leur superbe nous ont fait voir de toutes les couleurs ». Et dans le lot des plus intolérants ceux qui ont le plus bénéficié du régime de Blaise Compaoré.
Puis « la loi Cheriff » qui m’a définitivement coupé de mon parent et compagnon. Et Zida qui n’a jamais décoléré contre mes critiques car j’aurais dû choisir entre lui et son ancien mentor.
Puis comme président de la CENI, j’ai réussi la prouesse de coaliser contre moi la majorité et l’opposition. Pourtant je suis arrivé avec une ambition patriotique pour la commission électorale. Enrôler le maximum d’électeurs avec un système qui devrait à terme ramener le coût de l’enrôlement des électeurs à « ZÉRO FRANC ». Puis réduire le coût des élections de 40%. C’est ce que j’ai appelé dans le document programme « la soutenabilité du coût des élections ». Un projet assez inédit pour lequel j’ai pu mobiliser des ressources avec l’OIF. Je n’ai pas seulement proclamé cette idée. Je l’ai construite. Puis sans vraiment rien comprendre toute la classe politique s’est entendue pour empêcher sa mise en œuvre. Et le MPP, parti au pouvoir, a été finalement mon farouche bourreau. Tout a été mis en œuvre pour que l’élection capote. Parce que j’ai refusé au PNUD de commander l’encre indélébile et les urnes, le budget n’a été libéré que le 15 octobre pour une élection prévue le 22 novembre. Soit à peine 30 jours pour passer la commande des consommables qui sont fabriqués hors du pays et en période de COVID-19.
Nous avons avec nos équipes techniques engagées les procédures de passation de marchés et avons reçu les commandes le 7 novembre pour un pays qui déjà avait 30% de son territoire hors contrôle. Beaucoup avaient parié sur notre incapacité de tenir cette élection et sûrement aussi que trop de milliards ont été dépensés en moins de 30 jours, nous ne pouvions pas échapper à la MACO. Mais comme je dis «Allah aide, ceux qui s’aident ». Malgré tout, nous avons réussi, même si cela a eu le don de courroucer encore plus nos détracteurs de la majorité.
Enfin, comme président de la CENI, pendant cinq ans j’ai assuré aux travailleurs de la CENI à leur conjoint et à deux de leurs enfants une assurance maladie, d’abord 100%, puis les abus ayant fait augmenter la prime, nous avons ramené à 80%, pour les maladies, mais les hospitalisations restant prises en charge à 100%. Malgré tout j’ai essuyé des adversités et des oppositions.
Donc l’adversité j’y suis habitué. C’est même ma compagne fidèle. Pourtant je ne fais rien pour. Ceux qui me sont proches peuvent le témoigner. Je suis un « malade » du compromis et je ne suis pas belliqueux. Par contre, je suis un « extrémiste » des principes et de la parole. Ceux qui me veulent du bien en profitent pour grossir le trait. Notre péché national c’est que nous ne croyons pas que quelqu’un puisse être indépendant et agir de façon altruiste. Nous aimons tenir l’autre. Autrement il est dangereux. Le grief principal pendant mon mandat à la tête de la CENI « il est incontrôlable et imprévisible ». Alors j’ai eu tous les politiciens sur le dos. Même ceux que je pouvais naturellement considérer comme des alliés putatifs en raison de notre cheminement des années durant dans l’adversité de la lutte contre le régime de Blaise Compaoré. Il se trouve que les politiques dans leur grande majorité considèrent les principes comme une variable d’ajustement. Comme justement toutes ces bonnes personnes qui me vouent aujourd’hui à la mort parce que j’ai rappelé qu’il fallait respecter la loi sur la presse.
Les nouveaux Panafricains patriotes en veulent tellement à la France qu’ils peuvent même manger leur totem. En oubliant que le mieux en matière de principe c’est d’éviter les précédents. Si la presse ne peut plus critiquer, alors c’est pas RFI qui va en être la principale victime, car émettant depuis les satellites. Une censure, en dehors des effets de manche et du populisme, ne peut rien contre elle. Cependant, les journalistes nationaux ont tout à craindre. La suspension de leur média et la mise en danger de leur vie. Les plus illuminés me disent pourquoi « je ne demande pas aux terroristes de respecter la loi… ». C’est vraiment comme qui dirait le crépuscule de la raison. Alors quoi faire ? M’exiler ? Jamais de la vie. Me terrer ? Je ne peux pas. Pas que je ne veux pas. Je n’y arrive pas. Il faut bien mourir de quelque chose.
Ces dernières années, j’ai vu, pour avoir parcouru le pays dans ses quatre points cardinaux, beaucoup de morts dont certains ont été abandonnés aux charognards et aux chiens. Je l’ai dénoncé malgré le devoir de réserve qui est attaché à la fonction de président d’institution. Il y a deux ans en arrière c’étaient les vuvuzela du MPP qui me tombaient dessus m’accusant d’être terroriste en rappelant mon ethnie. Donc à la vérité rien de nouveau. Les militaires et leurs affidés ont hérité. Même s’ils ont renchéri la haine un cran au-dessus.
Donc il y a déjà eu des dizaines de milliers de morts. Les derniers ce dimanche 4 novembre à Bittou, ma commune d’origine où 6 Burkinabè ont été froidement abattus par l’obscurantisme de brousse. Paix à leur âme !
Si je devrais être un mort de plus, alors qu’il en soit ainsi. Surtout si ça peut aider le Burkina Faso, mon pays, pour qui j’ai tout sacrifié, ma santé et ma carrière de fonctionnaire, alors ; Alea jacta es.
Mais personne ne me fera taire. Évidemment que je veux vivre. Mais qui peut, sans écraser une larme, regarder ce qu’est devenu aujourd’hui le Burkina Faso de nos ancêtres ? Car il n’y a pas de fermage ethnique sur la propriété du pays. Il n’y a pas un Burkinabè qui serait plus Burkinabè qu’un autre en raison de sa communauté ou de son ethnie. Le nom du pays ( Burkina Faso) et la dénomination de ses habitants ( Burkinabè) est un mixte collectif de propriété qui exclut une opa communautaire. Il faut que les gens le sachent.
C’est notre pays. Soit on le défend tous ensemble dans une dialectique critique et non dogmatique. C’est au président IB de trouver cette alchimie. Ses prédécesseurs ayant échoué à le faire ont été chassés. Soit il passe la main à quelqu’un d’autre. Nul, même illuminé, ne peut dire que s’il n’y arrive pas on ne va pas le critiquer ou lui faire subir le sort de son prédécesseur. Je crois que le président IB est assez lucide pour comprendre. D’ailleurs dans pas longtemps, lui le taiseux va devoir s’expliquer sur sa promesse trimestrielle. Et s’il n’est pas convainquant, il ne sera pas seulement critiqué. Il sera contesté.
Le Burkina Faso est une République de citoyens et non un État théocratique avec des talibés.
Allah aide, ceux qui s’aident !
NAB