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Burkina Faso: le dernier grand meeting de Salifou Diallo

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Le cercueil en attente d'inhumation (Ph. Wakat Séra)

Désertes étaient toutes les localités environnantes de Ouahigouya. Le jeu en valait la chandelle, car les entrailles de la capitale du Yatenga, province de la région du Nord s’apprêtaient à accueillir la dépouille de Salifou Diallo, l’un de ses dignes fils qui naquit un jour béni du 9 mai de l’an de grâce 1957. Ils sont venus, nombreux, de près, mais aussi de très loin pour accompagner, le vendredi 25 août 2017, à sa dernière demeure, le président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, dont le décès est survenu au petit matin du samedi 19 août dernier à Paris en France. La prière à la grande mosquée de Ouahigouya et l’inhumation de celui qu’on appelait affectueusement «Gorba», à sa résidence du secteur 10 de Ouahigouya, ont drainé un monde des grands jours. La cérémonie appelée «doua» (bénédictions) qui a été accomplie le dimanche 27 août 2017 n’a pas non plus dérogé à la règle de l’affluence.

Moments de recueillement (Ph. Wakat Séra)

Des mots et des larmes

Pour le dernier grand meeting de sa vie, Salifou Diallo n’a pas fait dans la dentelle. Il a même réussi la prouesse de faire pleurer en chœur ses camarades et adversaires politiques, des sportifs, des opérateurs économiques, des fonctionnaires, des députés, des ministres, de vieilles personnes, en somme, tout un peuple. Son camarade de lutte historique et ami, le ministre d’Etat, en charge de la Sécurité, Simon Compaoré, qu’il appelait affectueusement «Kôrô Simon»-lire Simon en anglais-, bien que celui-ci soit son aîné de quatre ans, n’a pas échappé au piège de l’émotion. Tout comme le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Me Stanislas Bénéwendé Sankara, qui a péniblement prononcé un discours d’adieu saucissonné de sanglots, ou l’inconsolable président de la Chambre de commerce et de l’industrie du Burkina Faso, Mahamadi Savadogo dit Kadafi. Incontestablement, Salifou Diallo, jusqu’à la tombe, a marqué les esprits. Infatigable ouvrier du développement et monstre sacré de la politique, l’homme, une fois de plus a fait l’unanimité, tant au sein de ceux qui l’aiment, que ceux qui le détestent et ceux qui le respectent ou le craignent.

Comme Laciné Diawara (bonnet assis) et Jean Marc Palm (debout), ils ont été nombreux à rendre hommage au défunt (Ph. Wakat Séra)

Le mort et les morts

Toutes les oraisons funèbres ont mis en lumière, les mérites du grand bosseur et de l’homme généreux qu’était Salifou Diallo. Et c’est peu de le dire, celui qui a rendu orphelins, au propre comme au figuré, de nombreux Burkinabè a laissé un vide qui sera difficile à combler. Ils l’ont affirmé, à raison, ceux qui ont eu le privilège de témoigner, devant la bière recouverte du drapeau national. Mais, ils sont encore plus malheureux tous ces anonymes qui n’ont pas pu s’exprimer lors des obsèques nationales réglées avec la minutie des cérémonies officielles, et pourtant sont les plus abattus par la disparition de celui qui les a soutenus dans biens des passages difficiles de leur existence. «Il est mort, mais nous, nous sommes encore plus morts que lui», ont déclaré certains de ceux qui ont bénéficié des largesses de l’homme que des paysans considèrent comme celui qui leur a donné la vie. Pour ces derniers, Salifou Diallo qui a érigé, à tour de bras, forages et retenues d’eau alors qu’il était ministre en charge de l’Eau, et ensuite de l’Agriculture, sous le pouvoir de l’ancien président Blaise Compaoré, est un véritable «don de la nature». Ils n’ont pas tort de qualifier ainsi le regretté, une formule consacrée établissant que «l’eau, c’est la vie».

« Kôrô Simon », très affligé par la disparition de son camarade de lutte (Ph. Wakat Séra)

Et comme un vrai clin d’œil du destin, c’est sous des trombes d’eau déversées par le ciel que la dépouille mortelle de l’initiateur du «programme Saaga» au Burkina, opération qui consiste à faire tomber la pluie par ensemencement des nuages, a été accueillie le mercredi 23 août à l’aéroport international de Ouagadougou. C’est la même pluie qui a arrosé, le samedi 26 août, la tombe fraîchement refermée, la veille, de «koom naaba»-chef de l’eau-.

Comme Jules César

Veni, vidi, vici. Ainsi s’exprimait Jules César après une des grandes victoires de l’armée romaine en 47 avant Jésus Christ. Une formule qui va comme un gant au défunt président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso qui est venu sur cette terre en 1957, a vu les mille et une facettes de la vie pendant 60 ans et a vaincu toutes sortes d’adversité dans le combat pour le développement de son pays et le mieux-être de ses semblables. Salifou Diallo, ainsi qu’il s’appelait, a simplement vécu utile et nourrissait encore, à en croire certains de ses plus proches séides, de grands projets, dont le chantier de la réconciliation nationale, pour son pays qu’il a servi avec conviction et patriotisme.

Le président du Front populaire ivoirien (FPI) à droite et Boureima Balima, qui a servi aux côtés de Salifou Diallo (Ph. Wakat Séra)

Mais cette feinte dont le destin est le seul maître, lui a été fatale. La mémoire du disparu a été saluée par le peuple, mais aussi de nombreux dirigeants dont le chef de l’Etat burkinabè Roch Marc Christian Kaboré et ses homologues Mahamadou Issoufou du Niger, et Alpha Condé de la Guinée, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine qui se sont personnellement déplacés à Ouagadougou. Les deux premiers et leurs épouses étaient, du reste, présents à Ouahigouya, pour assister à l’hommage rendu à Salifou Diallo à la place de la nation de la «cité de Naaba Kango» et apporter leur compassion à la famille du disparu, juste à la fin de l’enterrement.

(Ph. Wakat Séra)

Tout est accompli

Que dire devant cette disparition tragique qui a doublé la douleur des Burkinabè qui pleuraient encore les victimes du lâche et odieux attentat du 13 août 2017? Rien. Seul le silence est de mise en ces moments incompréhensibles qui ôtent aux humains toutes leurs armes et font pleurer des adultes comme des bébés à qui on a refusé un jouet. Il faut le dire, ce vendredi 25 août 2017 fut un jour tristement mémorable pour les Burkinabè, malgré les tours et les piques des Gourmantché, Bissa, et Samo, parents à plaisanterie des Yadcés-originaires du Yatenga-qui n’ont pas pu dissiper cet épais nuage de tristesse qui a assombri le ciel du «pays des Hommes intègres». Tout est accompli.

(Ph. Wakat Séra)

Par Morin YAMONGBE, envoyé spécial de Wakat Séra à Ouahigouya