Ceci est une tribune de François Oubida, un ancien Directeur de la Coopération Bilatérale et Directeur Général de la Coopération Bilatérale. Dans ce document pris sur sa page Facebook, il donne l’esprit de l’accord dénoncé par le gouvernement burkinabè.
«Par note verbale sous références n°2023-025/MACRBE/CAB confidentielle datée du 18 janvier 2023, le Gouvernement burkinabè a notifié au gouvernement français, son intention de dénoncer l’accord relatif au Statut des éléments des Forces Armées Françaises intervenant au Burkina Faso pour la sécurité au Sahel, signé le 17 décembre 2018.
Selon la note, cette intention trouve son fondement sur l’article 16, point 3 dudit accord qui stipule comme suit: Chaque partie peut dénoncer le présent accord par le biais d’une notification écrite. Cette dénonciation prend effet un mois après réception de la notification écrite à l’autre partie.
La note verbale en question a suscité, à juste titre, des réactions éparses tant du côté burkinabè que du côté français.
Du côté burkinabè, il y a une espèce de soulagement d’ensemble, qui pourrait s’expliquer par le fait que la rue, depuis plusieurs mois, s’est constamment exprimée, parfois de manière violente, contre les mécanismes de coopération avec la France et particulièrement la coopération militaire. Du reste, les dernières manifestations ont directement visé la présence du détachement concerné par l’accord du 17 décembre 2018.
Du côté français, certains milieux se réjouissent de cette situation qu’ils considèrent comme un nouveau revers de la politique française en Afrique. Quant au gouvernement, il dit vouloir mieux comprendre les motivations profondes de l’initiative burkinabè.
Aussi bien pour le Burkina Faso que pour la République française, les observations suivantes, alimentées par l’expérience du Directeur de la Coopération Bilatérale et celle du Directeur Général de la Coopération Bilatérale que j’ai été, me semblent nécessaires.
Pour le Burkina Faso, il convient de noter que dans les cas de dénonciation, il y a deux actes qui doivent la matérialiser: celle de la partie qui prend l’initiative de la dénonciation et la réponse de l’autre partie. En somme, la dénonciation ne sera actée que par une réponse écrite de l’autre partie. Dès lors, la date à partir de laquelle courra le délai de trente jours sera celle portée sur la note envoyée par l’autre partie en réponse. Dans le cas présent, ce sera la date indiquée sur la note verbale par laquelle le Gouvernement français accusera réception de la note verbale de son homologue burkinabè.
Pour la République Française, la déclaration du Président Emmanuel MACRON, dans laquelle il dit attendre « que le président de la transition TRAORE puisse s’exprimer » est un non évènement: la partie qui dénonce n’est nullement tenue de motiver l’acte de dénonciation. Rien, dans l’accord, n’autorise l’autre partie à en exiger non plus.
Que peut-on tirer comme conclusion de ce qui précède?
- Contrairement à ce que la majorité de la presse souligne dans leurs dernières éditions, le délai de trente jours impartis à la France pour retirer ses militaires concernés par l’accord ne court pas encore.
- L’article concernant la dénonciation et sur lequel s’appuie le Burkina Faso a été très mal libellé et est porteur d’équivoques. L’on se rend compte que tout en mentionnant que la dénonciation prend effet un mois après réception de la notification écrite à l’autre partie, l’accord commet en retour deux erreurs fondamentales dans son esprit: Il ne dit pas expressément que l’autre partie doit accuser réception par écrit, à la note de dénonciation.
Il reste tout aussi muet sur ce qui devrait servir de repère aux parties en la matière. Concrètement, l’accord aurait dû stipuler tout simplement, que l’autre partie doit réagir par écrit, et qu’en l’absence de réaction dans des délais raisonnables, la partie qui prend l’initiative de la dénonciation n’est plus tenu par les engagements pris dans le cadre de l’accord concerné.
Pour tous les accords à venir, il convient d’être très précis dans la rédaction afin d’éviter toute équivoque et/ou conflits résultant des actions d’application. En cela, les services juridiques du Ministère des Affaires Etrangères sont les mieux appropriés pour apporter leur concours. Le secret militaire et autres privilèges ou motifs derrière lesquels les structures concernées se cachent pour signer leurs accords pourraient constituer une épée de Damoclès pour notre pays.»