Ceci est un communiqué du procureur du Faso sur l’affaire dite Vincent Dabilgou, en réaction sur la sortie des ex-avocat du prévenu. Il soutient « qu’il ne sera taillé aucune justice, ni aucun procès à la mesure d’aucun prévenu quel que soit sa qualité ou pour satisfaire les prétentions de certains conseils ».
Le parquet du procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance (TGI) Ouaga I a suivi avec indignation les propos tenus le 22 mars 2023 par les désormais ex avocats de l’ex ministre DABILGOU tendant à dénoncer des prétendues atteintes aux droits de leur client et à la profession d’avocat. De quoi s’agit-il ?
Monsieur DABILGOU, ex ministre en charge des transports est poursuivi par le parquet du TGI Ouaga I pour des faits de financement occulte de parti politique, détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux sur le fondement de l’article 138 alinéa 2 de la constitution qui dispose que : « La Haute Cour de Justice est également compétente pour juger les membres du Gouvernement en raison des faits qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Dans tous les autres cas, ils demeurent justiciables des juridictions de droit commun et des autres Juridictions ».
Les avocats du prévenu ont soulevé l’exception d’incompétence du tribunal en soutenant que la Haute Cour a compétence exclusive pour connaître des infractions commises par les ministres. Le parquet excipait de la compétence concurrente entre la Haute Cour de Justice et le tribunal de droit commun en soutenant que les poursuites sont fondées sur les agissements du ministre qui sont étrangers à sa lettre de mission telle que reçue du Premier Ministre et à tout intérêt public. A titre reconventionnel, le parquet sollicitait du tribunal de joindre cette exception au fond conformément à l’article 321-80 du Code de Procédure Pénale. Le tribunal a accédé à cette demande parce que les débats au fond devraient davantage lui permettre d’apprécier sa compétence à l’aune de l’article 138 de la Constitution sus cité. D’ailleurs, même si le tribunal rendait immédiatement une décision sur sa compétence, un éventuel appel interjeté par le prévenu n’empêchait pas que le procès suive son cours sur le fondement des articles 323-12 et 323-13 du code de procédure pénale. A la suite de cette décision du tribunal, les avocats de monsieur DABILGOU se sont concertés et se sont déportés ensemble dans le dossier eu égard au fait que le tribunal avait décidé de joindre l’exception au fond et ne s’est pas déclaré incompétent comme ils l’ont souhaité.
Après avoir abandonné ainsi leur client qui a souhaité se faire assister néanmoins d’autres avocats, les ex conseils ont organisé une conférence de presse au cours de laquelle, ils dénonçaient des prétendues « violations graves » dans l’exercice du métier d’avocat et « la persécution » dont fait objet l’ancien ministre DABILGOU. Cette attitude aux antipodes des règles devant régir le déroulement serein d’une procédure encore pendante devant le tribunal appelle du parquet quelques mises au point.
Sur les prétendues violations de la confidentialité entre monsieur DABILGOU T. Vincent et ses conseils
Durant toute la phase d’enquête jusqu’à l’étape du jugement, les droits de monsieur DABILGOU T. Vincent ont été scrupuleusement respectés. Pendant sa garde à vue, ce dernier a même détenu de manière malencontreuse un téléphone portable et communiquait téléphoniquement avec l’extérieur en violation du régime juridique de la garde à vue. Il n’a nullement été question pour le Parquet de « tracer » les communications entre le prévenu et ses conseils. Monsieur DABILGOU n’a jamais été placé sous écoute tout au long de cette procédure. Lorsque le parquet s’est rendu compte de la détention et de l’usage par monsieur DABILGOU d’un téléphone portable pendant sa garde à vue, il a jugé nécessaire de requérir un expert en investigation numérique agréé près les cours et tribunaux, aux fins d’extraire et de transcrire les échanges téléphoniques émis et reçus par les numéros SIM retrouvés dans le téléphone portable saisi. L’unique objectif d’une telle démarche était de savoir si le mis en cause communiquait avec des personnes qui ont été entendues comme témoins dans le cadre de l’enquête. Pour information, dans la réquisition à personne qualifiée du parquet ayant conduit à la production du rapport de l’expert, il n’a jamais été demandé à ce dernier de retracer les communications entre le gardé à vue et ses avocats qui sont censés ne même pas communiquer téléphoniquement avec lui. Extraire donc les communications dans un téléphone saisi et les transcrire dans un rapport est complètement différent d’intercepter ou de tracer des communications téléphoniques entre un client et ses avocats tel que les conférenciers du jour tentent maladroitement de laisser transparaitre aux yeux de l’opinion. Par conséquent la réquisition du Parquet ne fait nullement cas des incriminations ciblées à dessein et dénoncées par les ex conseils de monsieur DABILGOU.
Sur la compétence du Tribunal et la supposée détention arbitraire de monsieur DABILGOU T. Vincent
Relativement à cette question, le parquet constate avec désolation et regret que les désormais ex conseils de DABILGOU T. Vincent dénient au tribunal son droit élémentaire de se prononcer sur sa propre compétence. Du reste, la juridiction n’a nullement encore vidé sa saisine sur cette question. Elle a juste joint l’exception au fond comme le prévoit expressément le Code de Procédure Pénale. On se pose légitimement la question de savoir quelles sont les intentions réelles de ces « avertis du droit » qui tournent volontairement le dos aux voies de recours prévues par la loi au profit d’actions spectaculaires et sensationnelles.
Le parquet est également stupéfait d’apprendre que le prévenu DABILGOU T. Vincent fait l’objet d’une détention arbitraire alors qu’aucun de ses ex conseils n’a sollicité une mise en liberté provisoire pour leur client devant le Tribunal. Il n’a jamais été soulevé devant le tribunal des exceptions de nullité de pièces ou de la procédure en lien avec une prétendue détention arbitraire de monsieur DABILGOU.
Le parquet tient également à rappeler aux ex avocats de monsieur DABILGOU que le conseil constitutionnel n’est pas saisi par voie de conférence de presse mais selon les modes définis par la constitution.
Sur le caractère supposé politique de ce procès
Affirmer péremptoirement et sans un embryon de preuves que les présentes poursuites sont orientées vers des intérêts occultes, constitue un manque d’égard à l’intelligence de la magistrature burkinabè. L’amalgame qui tend à conférer à ce procès un caractère politique est totalement dénué de sens et n’engage que ceux qui ont pris la résolution de se réfugier derrière des arguments d’un tel niveau au détriment du droit. A entendre les ex avocats de monsieur DABILGOU, toute poursuite dirigée contre un ex ministre a forcément une connotation politique ; ce qui est inexistant. Dans tous les cas, le parquet fait observer que les déclarations outrageantes et contraires à la réalité des faits tenus lors de la conférence de presse ne bénéficient pas de l’immunité des débats judiciaires.
Le parquet tient à rappeler qu’il ne sera taillé aucune justice, ni aucun procès à la mesure d’aucun prévenu quel que soit sa qualité ou pour satisfaire les prétentions de certains conseils. Tout en marquant son indéfectible considération pour l’office d’avocat, le ministère public rassure que l’application de la règle de droit est et restera son unique leitmotiv.
Le Procureur du Faso
YODA Harouna