Les lampions se sont éteints sur la présidentielle turque. Le président sortant Recep Tayyip Erdogan l’a emporté haut la main. L’événement a intéressé autant les pays du Nord que ceux du Sud, la Turquie constituant une espèce de plaque tournante entre l’Occident, l’Afrique, le Proche-Orient et l’Asie.
Pour la première fois, le continent africain y a manifesté un intérêt indéniable, alors qu’il y a vingt ans, ce pays lui paraissait quelque peu distant. Les graines de cette coopération tous azimuts entre le pays de Mustafa Kemal et le continent sont plantées en 2003, avec l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, en qualité de Premier ministre et, plus tard, de président de la République. Au point où, aujourd’hui, nombre d’observateurs n’hésitent pas à penser que «la Turquie en Afrique, c’est Erdogan».
C’est lui qui, depuis deux décennies, essaie de distiller un soft power turc en Afrique. Pendant cet intervalle, en ce sens, la Turquie d’Erdogan fait flèche de tout bois. Celle de la diplomatie a atteint pleinement sa cible, par l’ouverture de 44 ambassades sur 55 pays. A l’instar de la France, qui en compte 46. Démarche coiffée par également plus de 40 déplacements présidentiels. Un véritable marathon diplomatique – sans égal -, qui donne la mesure de l’action multisectorielle menée par Ankara.
Dans le domaine commercial, les échanges annuels entre les deux partenaires, de 2003 à 2021, sont passés de 4,4 milliards d’euros à 34 milliards d’euros, selon les chiffres du ministère turc des Affaires étrangères, repris par BBC World Service. Avec à la clé l’attribution de plusieurs projets d’infrastructures, comme la piscine olympique de Dakar, au Sénégal, ou «la Kigali Arena», au Rwanda, le plus grand stade d’Afrique de l’Est. C’est déjà notable, à côté d’autres réalisations moins brillantes, à trouver ici et là.
Sur le plan militaire, Ankara possède une base militaire, à Djibouti, en Somalie. C’est dans l’air du temps. Mais, il se préoccupe également de la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, où, dans le cadre des contrats d’armement, il a livré des drones TB2 au Mali et au Burkina Faso, ainsi que des véhicules blindés et autres systèmes de protection ou de surveillance. Non sans oublier le domaine du développement et de l’humanitaire, à travers la présence des ONG bien structurées qu’elle finance grassement. Enfin, son œil est posé aussi sur le culturel, exclusivement sur la promotion des écoles coraniques, un des véritables leviers du soft power turc, en Afrique de l’Ouest, à dominante musulmane…
C’est peu dire que le pays d’Erdogan a pris des racines au continent. Dans un climat de confiance mutuelle. Tout est donc au beau fixe. A preuve, cette approbation unanime des chefs d’Etat, dès 2005, de compter la Turquie parmi les observateurs de l’Union africaine (UA) et, trois ans plus tard, de l’élever au rang de «partenaire stratégique». La présence massive des chefs d’Etats africains au troisième sommet Turquie-Afrique, en décembre 2021, à Istanbul, est une autre preuve de cette solide amitié partagée par les deux partenaires.
A tout prendre, la Turquie semble donc une amie sérieuse, avec qui l’Afrique peut compter pour exercer une coopération «gagnant-gagnant». Selon la fameuse formule d’Erdogan: «L’Afrique pour les Africains». Tout ce qui fait qu’il y ait brouille avec les autres pays amis, quand cette note manque au solfège.
Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France