Le procès des huit leaders d’Organisation de la société civile (OSC) et de deux journalistes burkinabè a été renvoyé au 21 juin 2023 après que leur demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou, ce mercredi 7 juin 2023. La Cour dit avoir pris cette décision pour «une bonne administration de la justice».
Les dix accusés, les leaders d’Organisation de la société civile (OSC) que sont Pascal Zaïda, Boukari Tapsoba, Marcel Tantkoano, Désiré Guinko, Boukari Conombo, Karim Koné, Abdoul Karim Baguian dit Lota, Souleymane Bélèm et les journalistes Lookmann Sawadogo et Alain Traoré dit «Alain Alain», poursuivis dans l’affaire de l’audio qui a appelé à «aller incendier» le palais royal du Mogho Naaba Baongho, à Ouagadougou, ont été présentés au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou qui a retenu le dossier pour jugement. Sur les dix accusés, seul le sieur Souleymane Bélèm n’est pas détenu.
La justice burkinabè reproche aux prévenus des «faits d’association de malfaiteurs, de divulgation de fausses informations, d’incitation à un attroupement armé ou non armé, d’incitation à la dégradation de biens et la mise en danger de la vie d’autrui». C’est à la suite du jugement de plusieurs autres dossiers, que dans la soirée, peu après 15H00, le président de la Cour va interrompre un autre jugement pour demander le renvoi du dossier les concernant. Ce qui, naturellement, a ouvert la voie à des débats.
Les avocats de la défense vont alors prendre la parole tour à tour pour faire leurs observations et formuler leurs requêtes. Ils ont d’abord signalé que cela fait 25 jours que leurs clients sont gardés-à-vue alors qu’ils contestent les éléments avancés par le parquet. «Ce dossier est spécial», a lancé à la barre Me Paul Kéré qui a demandé aux juges de veiller à «l’équilibre» du procès pénal.
Les arguments des avocats pour demander la liberté provisoire pour leurs clients
A la suite du renvoi du procès prononcé par le président du tribunal, les avocats de la défense ont demandé à la Chambre de jugement d’accorder la liberté provisoire à leurs clients. Selon eux, leurs clients sont «connus et reconnus», si fait que la justice n’a pas à craindre pour la garantie de la représentation. «Cela fera office d’une bonne administration de la justice», a soutenu Me Kéré qui défend précisément Marcel Tankoano et Abdoul Karim Baguian dit Lota.
«Il n’y a pas de mandat d’arrêt ni de mandat d’amener contre eux», a enchaîné Me Abdoul Latif Dabo, qui a ajouté que certains de leurs clients ont été à maintes reprises appelés pour être entendus et se sont chaque fois exécutés. Ces leaders d’OSC et journalistes qui sont critiques sur la gestion du pouvoir en place «ne veulent pas se soustraire à la justice», a signifié Me Dabo qui a attiré l’attention des juges sur le fait que ses clients, notamment, les deux journalistes, Lookmann Sawadogo et Alain Alain, sont à ce stade du procès, des «présumés innocents».
La réplique du procureur
Le procureur, à la lumière des arguments exposés par les Conseils des prévenus, a estimé que ces éléments «ne sont pas suffisants» à même de permettre qu’on accorde la liberté provisoire aux détenus. «Celui qui a produit les éléments audio (appelant à incendier chez le Mogho Naaba, NDLR) est toujours recherché», a-t-il dit, ajoutant ne pas vouloir courir le «risque d’une concertation frauduleuse» lorsque les mis en cause dans cette affaire seront libérés provisoirement.
Toujours selon le procureur «il y a le risque de subornation de témoin». «Il y a également l’effacement de certaines preuves par certaines personnes. Alors pour une manifestation de la vérité, il faut que ces prévenus soient maintenus en détention», a conclu le parquet qui pense que la détention de ces neuf accusés «n’est pas excessive». Il a ajouté qu’il y a des enquêtes qui se poursuivent en vue de ratisser large et prendre toutes les personnes impliquées dans cette affaire dénoncée au haut sommet de l’Etat.
A la suite du procureur, les avocats ont tenté de battre en brèche ses déclarations. Pour Me Paul Kéré, l’exposé du procureur est léger parce que «tous les prévenus sont des présumés innocents». Selon l’avocat, dès lors que le procureur a envoyé le dossier à la Chambre pour jugement, on ne peut pas opposer à leurs clients le fait de vouloir poursuivre des enquêtes, surtout que c’est un dossier de «flagrant délit».
Me Abdoul Latif Dabo à son tour a estimé que l’argument selon lequel une fois dehors leurs clients vont se concerter «n’est pas sérieux» car ces personnes sont déjà ensemble en prison. Il a été renforcé dans son argumentaire, pour convaincre les juges, par Me Christophe Birba qui a, dès ses premiers mots, dénoncé une justice inéquitable et déséquilibrée dans ce dossier.
C’est pourquoi, il a demandé au président du tribunal de «corriger le deux poids deux mesures» en accordant aux prévenus, la liberté provisoire, afin qu’ils soient libres de leurs mouvements comme l’accusé Souleymane Bélèm qui n’est pas détenu.
Des usagers en colère…..
La cour du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou a grouillé plus de monde que d’habitude. Et même le dispositif sécuritaire a été renforcé. En effet, dès 7H00, plusieurs dizaines de personnes étaient dans le rang où les gardes pénitentiaires procèdent aux fouilles sécuritaires d’usage. Une fois à l’intérieur encore, il fallait faire un autre rang pour avoir accès à la salle d’audience sous la surveillance des gardes. Et une fois à l’intérieur, impossible de ressortir pour quoi que ce soit au risque, de perdre sa place.
C’est dans cette ambiance qu’à un moment donné, le responsable de la sécurité du hall, a annoncé que la salle était pleine. Après s’être longuement plaintes, les personnes qui n’ont pas pu avoir accès à la salle, ont dénoncé le fait que les autorités judiciaires n’ont pas pensé à équiper le bâtiment d’une bonne sonorisation de sorte que même du dehors, le public puisse suivre le procès.
En rappel, les prévenus ont été placés sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), le jeudi 25 mai dernier après avoir été auditionnés par la Division des Investigations Criminelles (DIC) de la Police nationale.
Par Bernard BOUGOUM