Encore! C’est le seul mot qui sied! Oui, entre stupeur, peur et colère, les Ivoiriens, ne peuvent que se demander pourquoi cette avalanche d’effondrements d’immeubles en construction dont l’écroulement aussi spectaculaire que la chute d’un château de cartes, n’en n’est pas moins meurtrier.
Rien qu’en février et mars, 13 personnes sont mortes après que deux immeubles sont tombées. Cette fois-ci, soit ce vendredi, ce sont au moins six personnes qui sont passées de vie à trépas dans l’effondrement d’un autre bâtiment en construction. Effarant, est-on tenté de dire surtout que, comme s’il voulait se dédouaner, le ministère ivoirien en charge de la Construction révèle que ce chantier, depuis 2021, avait fait l’objet d’une injonction d’arrêt des travaux. Mais pourquoi lesdits travaux ont-ils continué? Pourquoi ceux qui construisaient l’immeuble de la mort, jouaient, selon des riverains de la zone, au chat et à la souris avec la police et les agents du ministère, sans peur? Négligence ou complaisance de la part de l’administration, alors que force doit toujours rester à la loi, surtout dans un Etat de droit comme la Côte d’Ivoire? Ou alors, la corruption a-t-elle encore fait des dégâts dans ce milieu où les «under the table», sont une pratique érigée en sport national comme ailleurs en Afrique et dans le monde?
L’impunité qui a toujours régné suite à de tels drames qui font apparaître des propriétaires aux bras longs qui leur permettent d’échapper à la justice, n’est-elle pas une cause déterminante de ce laisser-aller monstre qui endeuille presqu’au quotidien maintenant, des familles d’innocents? Que dire du fatalisme légendaire des Africains pour qui ces catastrophes, pourtant humaines voire criminelles, sont «la volonté de Dieu»? Et ainsi, au détriment de vies humaines, ces immeubles de la mort, sans cesse, poussent comme des champignons et s’écroulent comme par enchantement, au vu et au su de tout le monde, surtout des autorités dont l’inaction contre le phénomène laisse perplexe! Il est temps d’assainir le milieu en mettant à contribution la rigueur de l’arsenal juridique.
Oui, il faut sévir contre tous les acteurs des constructions illégales et non respectueuses des normes en la matière. Du permis de construire à la mise en place d’une structure de contrôle exigeant, en passant par la crédibilité et l’honneur d’architectes reconnus comme tels et membres d’un Ordre, la qualité des matériaux de construction, l’étude du sol, les mesures de sécurité et de prudence sur les chantiers, etc., aucune de ces étapes ne doit être négligée. Que ce soit dans la construction des maisons d’habitation que des bâtiments ouverts au public.
Malheureusement, la Côte d’Ivoire est loin de détenir l’exclusivité des immeubles de la mort sur le continent. Rien que dans la nuit du 6 au 7 juin, Ouagadougou a pleuré deux morts dans l’effondrement d’un immeuble d’au moins cinq étages en construction. Et c’est juste l’exemple le plus récent, car il y a eu, le 31 août 2021, les quatre morts dont trois étudiants, lorsqu’une dalle d’un bâtiment en construction a cédé à l’Université Norbert Zongo de Koudougou. Sans oublier, l’effondrement d’une autre dalle, le 30 décembre 2022, au niveau d’un bâtiment en construction sur le chantier de l’aéroport de Donsin, toujours au Burkina. Comptabilité macabre de cette autre «accident»: sept morts! Comme quoi, le mal n’est pas qu’ivoirien, même si, la plupart de ces causes sont communes!
Aux grands maux, les grands remèdes, pour mettre fin aux chantiers de la mort! Certes, la sensibilisation doit rester de mise, mais des mesures radicales doivent être prises contre les contrevenants des règles en matière de construction, que ce soit en Côte d’Ivoire, au Burkina ou ailleurs! On construit pour y vivre, pas pour en mourir!
Par Wakat Séra