En clair, ce coup d’Etat, selon les auteurs de l’opinion qui suit, répond à une «convenance personnelle» et est «justifié par des arguments puisés exclusivement dans les réseaux sociaux.» Le contenu de cette opinion est donc une réplique point par point que les auteurs adressent aux militaires qui ont annoncé avoir renversé le président Mohamed Bazoum qui refuse toujours de signer sa démission.
«Nous voudrions, à travers cet article, répondre à certaines contrevérités développées par les putschistes sur un certain nombre de questions contenues dans leur déclaration du 28 juillet 2023.
A propos du recrutement spécial des gardes nationaux dans les zones affectées par le terrorisme
Cela s’est passé en 2020 à Diffa, Tahoua et Tillaberi, alors que c’était le Président Mahamadou Issoufou qui se trouvait à la tête de l’Etat. L’idée était de recruter à la garde nationale, des jeunes des zones où sévit le terrorisme afin de profiter de leur maîtrise de la géographie et de leur connaissance du milieu social. Ils ont reçu une formation normale telle que définie par les textes. Cette opération n’avait pas été possible en 2019 avec l’ancien chef d’état-major Ahmed Mohamed. Il a fallu l’arrivée du général Mody à la tête de l’armée pour qu’il lui donne sa bénédiction. Il disait alors que lorsqu’il était chef de corps de la garde républicaine dans les années 2000, il avait mesuré l’efficacité des «intégrés» de la rébellion. Ces jeunes ont contribué de façon conséquente au retour de la sécurité dans la zone naguère la plus difficile de Diffa: Garin Dogo, Ngagam et Kabalewa, notamment. L’opération a eu un tel succès qu’un autre contingent sera recruté en 2022. La réussite était telle que le général Mody a décidé de recruter un contingent de 500 militaires (FAN) issus exclusivement des mêmes communautés en 2023 à Diffa.
Pour ce qui concerne Tahoua, ce sont présentement ces jeunes gardes nationaux recrutés en 2020 qui occupent la position la plus avancée en direction du territoire malien à Midal dans le département de Tassara. Le contingent recruté en 2022 est quant à lui déployé sur les positions les plus avancées de Tillia vers le Mali à Egarak et Inkinewane.
Comment pour des choses passées en 2020 on peut accuser un président qui a pris fonction en avril 2021? Comment des officiers généraux peuvent-ils traiter de milices des soldats opérant sous le drapeau national au sein de la garde nationale du Niger et qui donnent au quotidien leur vie sur les fronts les plus durs de la lutte contre le terrorisme?
A propos des terroristes libérés
Il s’agit en tout et pour tout de sept personnes relativement âgées, arrêtées certaines dans des marchés, d’autres parce qu’elles ont des gendres dans le terrorisme. Ils ont tous des dossiers judiciaires vides et c’est un juge qui a procédé à leur libération dans les formes réglementaires. L’objectif de leur libération visait à les utiliser comme intermédiaires entre les autorités et les terroristes afin de démobiliser ces derniers. L’un d’entre eux, très malade va mourir quelques jours après sa libération. Deux autres ont été assassinés en 2023 par les terroristes qui les accusent de les affaiblir. Le restant s’est réfugié à Niamey pour échapper à la mort. En quoi cela constitue la libération de «chefs terroristes»?
A propos des résultats sur le front de la lutte contre le terrorisme
Le général Tchiani n’était-il pas à son même poste quand nos soldats étaient morts à Karamga (une centaine) en 2016, plus de 200 à Inatès au cours de deux attaques différentes en 2019, plus de 100 à Chinagodra en 2020? A cette époque où nos soldats étaient régulièrement décimés, pourquoi n’avait-il pas pris le pouvoir sous prétexte que la politique sécuritaire du gouvernement était mauvaise? Aujourd’hui nos soldats ne meurent que par les mines anti personnelles, mais jamais en se faisant encercler sur leurs positions. Comme quoi, quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage.
S’agissant des cinq jeunes maliens libérés cette année
C’est vrai qu’ils avaient été arrêtés en transportant des armes. C’était des Maliens appartenant au MNLA qui venaient de Libye en direction de Kidal. En traversant notre territoire, notre armée les a interceptés. En fuyant (ils n’avaient même pas cherché à se défendre), leur véhicule s’est renversé. Les deux adultes du groupe de sept sont décédés et les cinq jeunes ont été capturés. L’armée a confisqué les armes, mais les jeunes ont été remis aux dirigeants du MNLA qui sont signataires de l’accord d’Alger avec lequel nous siégeons au comité de suivi de l’application de l’accord de paix. Ce sont des services ordinaires que des gens qui vivent ensemble se rendent de temps en temps. Nous aussi il nous arrive de leur demander des services.
A propos de la coopération opérationnelle avec le Mali et Burkina
Il faut savoir que jamais avec le Mali nous n’avons coordonné une seule opération avec l’armée de ce pays. La première que nous avons tentée remonte à Octobre 2011. Pour cette opération appelée «Mali Bero», nous avions mobilisé tous nos contingents que nous avions déployés, mais les Maliens ne sont jamais venus. D’ailleurs l’armée malienne va, par la suite, quitter ses postes situés sur notre frontière à Andranboukane et Indelimane. Comment dès lors coordonner quoi que ce soit avec eux? Du reste les militaires tchadiens étaient venus au Mali dans le cadre d’un Programme du G5 Sahel pour une opération avec l’armée malienne en 2021 dans la zone du Gourma. Les Tchadiens sont restés à Boulkessi plusieurs semaines à attendre l’armée malienne qui n’était jamais venue. De guerre lasse ils ont dû venir s’installer à Téra au Niger pendant longtemps pour, à la fin, rentrer chez eux sans avoir rien fait. Comment dès lors des militaires qui rendaient compte de tout ça au Président de la République peuvent-ils l’accuser d’être opposé à la coopération avec l’armée malienne?
Avec le Burkina, trois opérations transfrontalières dénommées Taanli 1, 2 et 3 ont été menées: les premières sous le régime du Président Kaboré, la 3e du temps du lieutenant-colonel Damiba. Une 4e a été préparée et devait commencer incessamment quand était intervenu le coup d’Etat du capitaine Traoré. Nos officiers étaient au Burkina, ils ont attendu longtemps avant de s’entendre dire de rentrer et qu’ils seront rappelés. A ce jour, ils attendent.
Quelle est la faute du président Bazoum dans tout ça?
Il est pour le moins triste et honteux que des généraux comme Salifou Mody ou Toumba qui ont été au centre de toutes les décisions militaires prises ces dernières années viennent se mettre debout devant les Nigériens pour justifier un coup d’Etat en utilisant des arguments vulgaires propagés sur les réseaux sociaux.
Il n’y a jamais rien eu de comparable en termes d’équipements, d’infrastructures et de formation dans l’armée du Niger qu’au cours des deux ans du Président Bazoum. On se serait attendu à ce qu’un homme comme le général Mody s’en prévale plutôt que de participer à un putsch qui va remettre en cause tous les concours financiers extérieurs qui ont rendu possible ces acquis.»
Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa