Le dossier d’achat de véhicules de type militaire qui divise les sociétés burkinabè, Bâtiment Bitume et Afrique Sécurité (BBAS) et Bonkoungou Distribution (BKG), a été mis en délibéré pour le 15 septembre 2023, après son jugement au fond qui a duré près de 5 heures, le vendredi 8 septembre 2023, au Tribunal de Commerce, sis à la Zone d’Activités diverses (ZAD), à Ouagadougou.
L’affaire d’achat de «100 véhicules, des pick-up de type militaire», d’un montant de «2 400 000 000 FCFA» , qui oppose la société Bâtiment Bitume et Afrique Sécurité (BBAS) et Bonkoungou Distribution (BKG), a été jugé le vendredi, après son renvoi le 25 août dernier, pour «une bonne administration» de la justice.
Les faits selon les Conseils de Bâtiment Bitume et Afrique Sécurité (BBAS)
Dans ce dossier, selon la partie demanderesse, BBAS a été « attributaire du marché d’un coût global de 3 700 000 000 FCFA qu’il a obtenu avec le ministère de la Défense, le 6 févier 2023 ». Il a été « approché » par BKG, comme co-contractant, par « l’intermédiaire d’un certain Paul Zongo », a affirmé Me Aziz Ouédraogo, poursuivant que « le gérant de BKG, Aziz Napon et la secrétaire de l’entreprise vont être dépêchés auprès du premier responsable de BBAS » dans ce sens. Il a aussi noté, pour complément d’information que « l’ordre de service du contrat avec le ministère a été livré le 6 mars et la livraison était attendue pour le 10 mai ».
Alors, les deux parties vont conclure un partenariat dans cette affaire, selon Me Ouédraogo qui déclare devant le tribunal que c’est ainsi que « BBAS a apporté à BKG, un devis comportant les caractéristiques techniques des véhicules commandés ». Par la suite, BBAS enverra aussi « un proforma », une sorte de facture temporaire, pour rassurer BKG. Les conclusions issues des rencontres entre le premier responsable de BBAS et les deux émissaires de BKG vont fixer les conditions d’acquisitions des véhicules, mais aussi le montant de leur entente qui sera de « 2 400 000 000 FCFA », selon les faits narrés par Me Aziz Ouédraogo de la partie demanderesse.
Ces étapes passées, BBAS toujours aux dires de ses conseils, était dans l’attente de la livraison de son matériel quand, entretemps, BKG lui a fait un retour selon lequel « les véhicules à consommation de diesel qui étaient demandés sont en manque chez son fournisseur à Dubaï » et il leur a proposé les pick-up à consommation d’essence pour les remplacer.
C’est ainsi que BBAS qui est attributaire du marché va repartir vers le ministère de la Défense pour le mettre au courant de la nouvelle donne. Ce qui fut fait et le ministère va accepter la seconde offre.
Alors, «depuis le 15 avril, on s’est entendu que ce sont des véhicules qui consomment de l’essence mais le temps passait et on ne voyait rien», a déclaré Me Aziz Ouédraogo, poursuivant que c’est à cette étape de la procédure que BKG va poser comme problème, la question de garantie avant toute livraison des véhicules. Sur ce, BBAS, après avoir obtenu des pièces avec sa banque, Vista Bank, s’est dite prête à fournir cette pièce à BKG, « une fois après avoir reçu confirmation que le matériel est arrivé à Lomé » au port, a signifié l’avocat.
Acculé par le ministère de la Défense qui l’a mise en demeure le 7 août dernier contre toute attente, « BKG a produit une nouvelle facture de 2 750 000 000 FCFA qu’elle a adressée à BBAS pour le même marché », a dit Me Ouédraogo qui accuse « BKG d’avoir occasionné le retard puisqu’elle n’a pas tenu ses promesses ». La partie demanderesse met aussi en doute des « pièces » produites par BKG qui « ne respecteraient pas les normes ».
Pour les avocats de la partie demanderesse, BKG, par son «comportement», veut faire en sorte que le ministère de la Défense résilie le contrat avec BBAS pour espérer en retour, en «bénéficier». Ils se sont dits convaincus que BKG a acheminé le matériel au port de Lomé mais «refuse» de le leur livrer.
«Il y a une mauvaise foi dans cette affaire Monsieur le président», a dit Me Aziz Ouédraogo, soulignant que BBAS avait voulu même payer les 350 millions de FCFA de surplus à BKG mais elle attendait d’être livrée avant de s’acquitter. «BKG a compris que BBAS est en difficulté et elle tente de lui faire du chantage», a-t-il estimé, pointant du doigt une «mauvaise foi dans le comportement de BKG».
Et c’est ainsi que BBAS a fait recours à la justice, notamment, le Tribunal de Commerce, pour avoir gain de cause, à savoir que BKG lui livre son matériel comme convenu.
Les faits selon les avocats de Bonkoungou Distribution (BKG)
Prenant la parole à leur tour, les avocats de BKG ont affirmé que les faits tels qu’exposés et commentés par les Conseils de BBAS contenaient «des contradictions et des contrevérités».
Me Sayouba Neya dit refuser que ses confrères de la partie demanderesse présentent la société BKG comme un monstre dans le paysage des affaires. «Qu’on ne vienne pas présenter BKG comme un monstre qui cherche à retirer le marché. Nous avons demandé à BBAS une garantie de paiement qu’on n’a pas obtenu», a déclaré Me Sayouba Neya.
«Pourquoi je vais donner du matériel à quelqu’un dont on n’est plus sûr que l’Etat va accepter le marché, quelqu’un qui n’a pas pu obtenir une caution avec sa banque», s’est-il interrogé.
Pour lui, «BBAS n’a pas d’argent et veut qu’on lui livre du matériel», poursuivant que «BBAS n’a pas pu obtenir une garantie» pour la présenter à son client et veut qu’on lui livre le matériel.
Son collègue Mohamed Sita a affirmé que «BBAS dit une chose devant le juge de référé et une autre» devant le Tribunal de Commerce. «Il y a des contradictions flagrantes», a relevé Me Sita, estimant que «les parties sur les modalités de paiement n’ont pas été abordées». En clair, pour lui, ni le devis, ni la facture ne peuvent être des pièces pour dire qu’il y a eu un contrat entre BBAS et leur client.
Me Neya et ses collègues ont remis en cause le contrat dont il est question entre BKG et BBAS. Pour eux, il n’y a pas de pièces qui prouvent qu’il y a un contrat. Ils ont protesté contre les actes dont les devis, le connaissement, délivrés par BKG à BBAS le 16 juin. Même la facture proforma et la traite avalisée contenues dans le dossier ne sont pas suffisantes, selon eux.
Mais à la question de savoir si les avocats de BKG pouvaient confirmer si le matériel est arrivé au port de Lomé ou pas, Me Sayouba Neya a dit ne pas pouvoir répondre au président du tribunal car il n’en avait pas expressément discuté avec son client.
Les débats après les exposés des faits…
Les débats du jour entre les avocats ont tourné autour du contrat qui lie les deux protagonistes. Les points du contrat qui ont opposé les deux partenaires dans cette affaire d’achat de matériels de type militaire étaient essentiellement les caractéristiques des véhicules à livrer, les montants et les modalités de paiement des commandes.
Sur le contrat, « la première offre a été formulée le 9 mars 2023 et devrait être exécutée dans un délai de 45 jours, donc à terme le 24 avril », a résumé Me Sayouba Neya, notant que « le montant s’élevait à 2 milliards 400 millions de francs CFA et les véhicules commandés étaient de type essence et non diesel ».
Les avocats de la défense, estiment que cette offre n’était pas valide, relevant que toutes les parties ne s’étaient pas accordées sur les termes de ce contrat. A partir de ce moment, selon la défense, il ne peut y avoir d’achat.
La défense a poursuivi son argumentaire en expliquant que c’est dans ce sens qu’une seconde offre a été formulée le 25 juillet 2023 avec des véhicules de type essence d’un montant de 2 milliards 750 millions. «La première offre n’a pas été acceptée, c’est là que la seconde a été formulée avec l’essence qui a été acceptée et qui constitue donc le contrat», a expliqué Me Neya.
Un argumentaire dans lequel la partie adverse dit ne pas se reconnaître. Pour Me Prosper Farama et ses confrères conseils de BBAS, c’est le premier contrat qui a lieu d’être, jugeant que le second de 2 750 000 000 a été «imposé» à leur client. «On ne va pas les payer, on ne s’est pas entendu là-dessus», ont-ils maintenu. «Le 9 mars, le gérant de BBAS a reçu une facture. Pour nous, dès cet instant, le contrat est conclu car on s’est entendu. Ça c’est notre avis», a soutenu Me Farama.
L’un des points de l’affaire qui a divisé les deux parties, ce sont les conditions de la livraison de véhicules. Pour les conseils de BBAS, le paiement devrait se faire une fois le matériel arrivé au port de Lomé.
«BBAS présente une mise en demeure pour nous dire de présenter les véhicules avant qu’elle ne paie. Tu n’as pas payé et tu demandes livraison», a fait observer Me Sayouba Neya, déclarant que «ce dossier se résume au fait que quelqu’un ne peut pas payer mais demande une livraison».
Réaction des conseils de BBAS à cette observation: «Il n’y a pas que des milliardaires à qui on donne des marchés. Qu’on respecte chacun dans ses droits. On ne demande pas d’exécuter le marché à notre place, mais d’exécuter leur part d’obligation», a rétorqué Me Farama.
Les conseils de BBAS ont expliqué à la barre, que leur client risque «gros» dans cette affaire parce que sa société peut voir le contrat avec le ministère de la Défense, «résilié».
En plus, « la société pourrait faire face à des sanctions administratives surtout la suspension sur une durée de 5 ans des marchés publics qu’elle ne pourra plus en bénéficier », selon Me Prosper Farama.
Aux termes des débats, le tribunal a suspendu l’audience pour livrer son délibéré le 15 septembre prochain.
Par Bernard BOUGOUM et Siaka CISSE