Accueil A la une Elections en RD Congo: il y aura un avant et un après

Elections en RD Congo: il y aura un avant et un après

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Le docteur Denis Mukwege

Mine de rien, les élections en vue, le 20 décembre prochain, sont cruciales. Le signal est simple à identifier devant la foule d’autres clignotants présents. Sur le tableau, il indique en surbrillance la charnière entre deux époques, si, et si seulement le résultat de ce scrutin exprime le choix du peuple. C’est le nœud de la «Question congolaise».

De tout le temps, la voix du peuple a été étouffée dans les urnes, pour en sortir un mensonge. La dictature du général Mobutu, 34 ans durant, fut le fruit d’un gros mensonge. On connait la suite:  la prise de pouvoir par les armes par les Kabila, père et fils, suivie, à ce jour, d’une période de tricherie incontestable des votes. Par conséquent, tous les régimes qui se sont succédé, après 1964 (4 ans après la date de l’indépendance) sont à qualifier d’illégitimes autant que d’illégaux.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Le monde a évolué. Et avec lui, la croissance démographique de la RD Congo. En effet, de 15 millions d’habitants, en 1960, la population du pays est passée, aujourd’hui, à plus de 100 millions d’âmes. La tranche d’âge des 15-24 ans, «appelée communément jeunesse», représente 68 %. Elle s’invite à ces élections, indirectement, du fait même de son importance numérique dans la vie du pays.

Ceux qui se sentent appelés à diriger comprennent qu’il est temps de réserver à cette jeunesse sa part du «dividende démographique», en termes de l’éducation, de la santé, des emplois, des perspectives d’avenir assurées, etc.

En attendant la campagne électorale, les quelques candidats à la présidentielle en ont déjà pris la mesure. Dans leurs discours de circonstance, lors, par exemple, de la présentation de leurs équipes de campagne, ils ne manquent pas de mettre en exergue la jeunesse. A l’instar du Dr Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, qui, dans ce cas, a axé l’essentiel de son adresse sur la force que constitue la jeunesse pour le développement d’un pays. Sans oublier d’en évoquer la contrepartie à investir en amont par l’Etat.

Une nouvelle aventure

Au niveau des idées, en tout cas, c’est déjà appréciable. Car, c’est pour la première fois, que la jeunesse est mise clairement à l’honneur. Du temps du dictateur Mobutu, on se souviendra que la formule fut tout autre. Le général clamait sans vergogne qu’il mettait tout son espoir sur «les bérets rouges», pour la protection de son régime. Et non sur la jeunesse, considérée, à juste titre, comme plantule propre à produire des fruits, plus tard.

Cependant, comme dans le jeu des poupées russes, les unes cachant les autres, ces élections ne sont pas qu’une affaire de rôle prépondérant à jouer par la jeunesse, demain. Elles s’ouvrent, aussi, sur la volonté du peuple d’en terminer avec le désordre. Ce sera son deuxième coup d’essai, après celui tenté et réussi en 2018, tripoté par le «compromis à l’africaine». Selon la terminologie de la diplomatie française.

Qu’à cela ne tienne. La présence dans la course à la présidentielle du Dr Mukwege se pose déjà, symboliquement, en «charnière» entre deux époques: celle du chaos, à laisser derrière, et les temps nouveaux, à venir. A un moment ou l’autre, l’histoire finit par témoigner à charge contre les imposteurs.

Ainsi, quel que soit le résultat, à l’issue de ces élections, il y aura un avant et un après. La charnière aura joué son rôle de passation. Pour une nouvelle aventure. Démocratique, celle-là, pense-t-on.

Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France