Accueil A la une Paul Biya: 41 ans à Etoudi et toujours «le meilleur candidat»

Paul Biya: 41 ans à Etoudi et toujours «le meilleur candidat»

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L'inusable Paul Biya, otage du pouvoir (Ph. rfi.fr)

Paul Biya a fêté ses 41 ans au pouvoir ce lundi! Inondé de messages de félicitation, le locataire, ou plutôt le propriétaire, du palais présidentiel d’Etoudi, risque aussi d’être emporté par les larmes du «peuple» qui a déjà commencé à réclamer sa candidature pour la prochaine élection présidentielle de 2025.

Celui qui occupe la deuxième marche du podium des chefs d’Etat africains infatigables et insatiables, juste à côté de son collègue de Guinée Equatoriale, Teodoro, Obiang Nguema Mbasogo, 81 ans dont 44 ans de pouvoir, s’arrêtera-t-il un jour? La réponse est, pour l’instant «non», car ses inconditionnels, notamment les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, pouvoir) s’investissent déjà à fond, et en fonds, dans les campagnes de démonstration d’affection et de supplication pour que leur champion relance encore l’aventure présidentielle en 2025. Il aura 92 ans, mais jusqu’à présent, «il reste le meilleur candidat qui soit», clame les courtisans et autres zélateurs!

Le successeur d’Amadou Ahidjo, depuis novembre 1982, ne voit visiblement pas d’un mauvais œil, les «appels» des Camerounais et ne saura rester sourd à des complaintes aussi «spontanées» déversées à travers des meetings régulièrement organisés pour maintenir la flamme Biya. Comme le dit le proverbe, «on ne change pas une équipe qui gagne». Mais nul n’ignore que cette spontanéité est toujours provoquée par la circulation de billets de banque et autres promesses mirobolantes. Sauf que, à l’instar de leurs sportifs qui sont devenus, depuis lors, des Lions «domptables», les politiciens qui feignent de ne pas voir que les cimetières sont remplis de personnes qui se croyaient indispensables, ne font plus vraiment recette.

Les populations désabusées et prises à la gorge par la cherté de la vie et la pauvreté due à la mauvaise répartition des richesses, ou plutôt à leur non redistribution du tout, semblent plutôt gagnées par la résignation. La jeunesse, confrontée à l’éternel chômage sans frontière, a fini par se lasser des promesses non tenues déversées à flots, avant et pendant les élections.

Que dire de cette guerre civile engagée par les indépendantistes de l’«Ambazonie» qui se disent abandonnés par le pouvoir central et crient leur ras-le-bol, par les armes? Une crise qui, depuis 2017, oppose le gouvernement du Cameroun aux séparatistes dans les deux régions anglophones du pays, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, le fameux NOSO. Comment a-t-on pu transformer des revendications corporatistes classiques d’avocats et d’enseignants, en velléités sécessionnistes qui durent dans le temps et sont devenues de gros cailloux dans les chaussures de Paul Biya?

Si le Cameroun n’y prend garde, ce conflit au lourd bilan de 6 000 morts au moins et de millions de déplacés, pourrait bien dégénérer davantage, surtout si les mandats qu’aligne l’inusable «Popol» se terminent mal, comme tous les autres longs règnes sur le continent noir. Du reste, les rivalités qui ont fait jour entre clans de personnes au sein du pouvoir, présagent bien du danger multiforme qui guette le Cameroun, si celui qui arrive à calmer les appétits à peine cachés des uns et des autres et évite ainsi des guerres fratricides autour du «trône», n’est plus de service.

Faut-il occulter, au titre des plaies du Cameroun, la corruption, cette laideur endémique qui frappe durement toutes les institutions du pays et met fortement à mal l’économie nationale? Sans oublier les incursions, souvent meurtrières, en territoire camerounais, des combattants de la nébuleuse Boko-Haram du Nigeria voisin. D’ailleurs, au moins 24 civils viennent d’être tués à Mamfe, dans le Sud-Ouest anglophone, dans la nuit du dimanche à lundi, dans l’attaque d’un groupe arme non identifié.

Paul Biya «forever», surtout avec une opposition quasi-inexistante et toujours minée et déstabilisée par la main visible du pouvoir. Mais attention à l’étincelle qui pourrait mettre le feu à la forêt!

Par Wakat Séra