«Confier le leadership aux communautés». Ainsi se décline le thème qui porte la commémoration, ce 1er décembre, de la Journée mondiale du Sida de cette année. Le fléau, il faut le dire d’emblée connaît une tendance baissière, selon les spécialistes de la maladie et autres expert en statistiques. Au Burkina le taux de prévalence est de 0,6% pour la tranche d’âge de 15 à 49 ans. En 2022, 97 000 personnes sont infectées pour une population burkinabè de 22,6 millions. Mais, comme partout ailleurs, tant en matière de pauvreté que de santé ou d’éducation, la gent féminine paie le plus lourd tribut à la maladie, soit 150 femmes touchées pour 100 hommes. Les enfants ne sont pas non plus en reste, avec un total inquiétant de 10 000 pour les 97 000 malades de Sida officiellement recensés au pays des «Hommes intègres».
Les progrès acquis dans la lutte contre la pandémie ne sont certes pas des pas de géants, permettant de parvenir d’un claquement de doigt à une quelconque éradication du Sida, car de nouvelles infections douchent les perspectives dans ce sens. Ainsi, le Burkina, connaît environ 1900 nouveaux cas, selon le Conseil national de lutte contre le Sida (CNLS). La situation reste donc grave, même si elle n’est plus alarmante. De maladie fatale, le Sida est passé à une pathologie chronique, dont on ne guérit pas certes, car le remède miracle se fait toujours attendre, mais qui ne fait plus peur au point de diaboliser ceux et celles qui en souffrent. Mieux, les infections liées au Sida sont désormais traitées avec succès et quand à cela s’ajoute une bonne hygiène de vie, les malades vivent longtemps et en bonne santé, affirment les spécialistes de la médecine.
De «Syndrome inventé pour décourager les amoureux», comme nombre d’Africains qui n’y croyaient pas du tout l’avait désiglé, le Sida a fait d’énormes ravages et surtout provoqué un schisme indescriptible entre gens de la même communauté. Le malade et toute sa famille deviennent des pestiférés mis en quarantaine. Les préjugés, par ignorance surtout, en ont fait une maladie qui pouvait s’attraper lorsqu’on salue un malade, quand on mange dans le même plat que lui, ou même simplement quand on le salue. L’amaigrissement extraordinaire et rapide provoqué par le mal n’a pas manqué d’en rajouter à la peur systématique et même systémique qui conduisent à l’ostracisation de la personne infectée et de ses proches. Ce rejet a détricoté et fortement entamé le tissu social africain qui s’était toujours distingué par la vie heureuse, chaleureuse et solidaire, en communauté.
Si cette exclusion n’est plus visible de nos jours, elle n’en n’a pas moins laissé des séquelles dans une Afrique où même les enfants ayant connu une malformation quelconque à la naissance sont considérés comme hantés par des mauvais esprits et traités comme tel. Ces «enfants-serpents» qui sont accusés de tous les malheurs du village ou du quartier sont alors traqués sans répit, quand ils ont eu la chance de survivre, car des plus malchanceux sont étouffés ou tués par tout autre moyen, dès qu’ils poussent le premier cri . Aujourd’hui, il existe donc des raisons évidentes de se réjouir du recul du mal. Les personnes atteintes du Sida, quand elles se font dépister le plus tôt possible peuvent ne plus contaminer les autres, bénéficient d’une prise en charge précoce et conséquente, et jouissent parfois d’une espérance de vie équivalente à des personnes non infectées. Malheureusement, comme à l’accoutumée, la maladie est au sud et les médicaments au nord, ce qui ralentit la lutte contre la maladie en Afrique.
Quid de tous ces charlatans et acteurs d’association qui ont fait du Sida un fonds de commerce et détournent éhontément les fonds destinés à la sensibilisation et la prise en charge des malades? Ils sont à combattre jusqu’au dernier, afin de donner plus de chance de gagner, pour de bon, cette guerre engagée contre ce qui porte encore, le nom du «mal du siècle».
En attendant de devenir peut-être un mauvais souvenir pour l’humanité, à l’instar de la peste, le Sida doit rester cet ennemi à abattre sans la moindre complaisance. Et pour le moment, les seuls remèdes sont l’abstinence ou le préservatif. La capote pour faire plus simple ou le «chapeau de la vie» pour faire image!
Par Wakat Séra