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Tchad: le Succès du général Deby!

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Le président Mahamat Deby (boubou blanc) et son Premier ministre, l'opposant Succès Masra (Ph. d'archives)

Succès Masra est le nouveau Premier ministre du gouvernement de transition tchadien. A première vue, il n’y a rien de nouveau sous le chaud soleil du Sahel. Un gouvernement fonctionne toujours avec un chef et l’ancien, Saleh Kebzabo, qui était lui aussi opposant du père Deby, ayant rendu sa démission le vendredi 30 décembre 2023, il fallait bien lui trouver un successeur, à défaut de le reconduire. Sauf que ce premier pas politique du Tchad, effectué le premier des 366 jours de 2024, n’a pas manqué, quelque peu, de surprendre les populations! En dehors des analystes pointus de la chose politique et des observateurs qui savent scruter les moindres gestes des gouvernants et des leaders de l’opposition, le citoyen lambda n’a certainement pas vu la chose venir. Même si le président de la transition a commencé à évoquer depuis un certain temps, un gouvernement inclusif.

Des signes annonciateurs

Pourtant, les signes de ce pacte scellé après services rendus entre politiciens, étaient bien perceptibles, dès lors que le général Mahamat Idriss Deby a laissé rentrer à la maison, le 3 novembre dernier, son opposant le plus virulent et que les uns et les autres disaient le plus inflexible, jusqu’à ce 1er janvier 2024. Dès son retour d’exil, suite à des négociations placées sous l’égide du président de la République démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, mandaté par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, le chef du parti Les Transformateurs, qui, toujours sous le coup de poursuites par la justice de son pays, a demandé de voter pour le projet de nouvelle constitution qui a d’ailleurs obtenu l’adhésion des électeurs à 86%, résultats validés par la Cour suprême tchadienne. Or, cette nouvelle loi fondamentale qui maintient le statut unitaire du Tchad est combattue par les fédéralistes de l’opposition, même Succès Masra en son temps, car censée conforter la longévité du règne sans fin des Deby.

Ce signe annonciateur avait été précédé par un autre. En effet dans une de ses interviews à la presse, l’opposant avait clairement affirmé: «Plus jamais, les impossibilités ne feront partie de notre vocabulaire». Ensuite, dans son meeting, après son retour négocié, l’opposant le plus farouche du père et du fils Deby, prend son public de court en affirmant, haut et fort: «Nous n’avons jamais été un ennemi pour le président de la transition Mahamat et nous ne le seront jamais». Le revirement à 360 degrés s’est poursuivi avec l’appel à voter pour la nouvelle constitution. Un texte dont des dispositions consacrent l’amnistie des auteurs de la répression de la marche de milliers de personnes, le 20 octobre 2022, contre la prolongation de la transition. Une répression qui a fait 50 morts selon l’Etat et plus de 300, à en croire les chiffres de l’opposition, de certaines ONG et d’experts commis par l’ONU. Ce que Succès Masra justifie par un moyen d’aller à la réconciliation nationale passe mal. Même dans son camp d’opposants, les militants ont du mal à avaler les couleuvres de celui qui, visiblement, est, lui, bien conscient de sa nouvelle trajectoire.

Opposant Premier ministre ou Premier ministre opposant?

Succès Masra, sera-t-il un opposant Premier ministre ou un Premier ministre opposants? Quelle sera sa marge de manœuvre, lui qui doit composer le prochain gouvernement qui aura pour mission principale d’organiser les prochaines élections qui couronneront la fin de la transition? A-t-il mis entre parenthèses son ambition présidentielle, la plupart du temps, ceux qui ont dirigé la transition étant interdit de se présenter comme candidat au fauteuil suprême, en dehors du chef de la junte qui par un tour de magie constitutionnelle, peut le faire, après avoir troqué son treillis contre le costume ou le boubou civil?

Succès Masra et Mahamat Idriss Deby étant presque du même âge, soit respectivement 40 et 39 ans, les relations entre les deux, pourraient bien être par moment, sinon régulièrement, électriques, à moins que le grand frère ait décidé de raccrocher temporairement les gants, peut-être en attendant son heure. Mais quelle heure encore pour celui qui, de toute évidence s’est discrédité auprès de l’opposition par ses dernières décisions?

Comme un piège!

En tous cas, si la nomination de Succès Masra, qui ressemble à un piège savamment monté par le chef de la transition pour tuer toute velléité de prise de pouvoir dans le futur par son opposant le plus farouche, peut contribuer à faire tomber le mercure socio-politique, c’est tant mieux pour le Tchad englué dans les manifestations meurtrières et les rébellions politico-militaires. Mais attention au retour de la manivelle qui pourrait faire plus mal, car les populations ne feraient plus confiance à un quelconque opposant qui retournera sa veste à la moindre occasion. Comme le dit l’autre, «quand on t’explique la politique en Afrique et que tu as compris, c’est qu’on te l’a mal expliquée»!

Par Wakat Séra