La tragédie s’arrêtera-t-elle un jour dans le clan des Deby? Bien malin qui pourra répondre, avec précision, à cette question inquiétante au vu des événements qui se déroulent actuellement au Tchad où l’accès à l’internet est, une fois encore, coupé. Après la mort aux contours encore flous du Maréchal Idriss Deby Itno qui remonte officiellement au 20 avril 2021, soit à quatre ans dans un peu plus d’un mois, c’est son cousin Yaya Dillo Djerou qui le rejoint dans le royaume de leurs ancêtres. Le président du Parti Socialiste sans Frontière (PSF) a succombé, ce mercredi 28 février 2024, à ses blessures suite à l’assaut de l’armée nationale tchadienne contre les locaux de sa famille politique.
Comme si le Tchad était friand des anniversaires macabres, il faut dire que ce 28 février, marquait, jour pour jour, les trois ans de la tentative d’arrestation de ce membre de la famille Deby, qui s’est soldée par la mort de sa mère et d’un de ses fils. Dans le lot des personnes mises aux arrêts figurent le général Saley Deby Itno, oncle du chef de la transition et membre PSF, le parti de Yaya Dillo.
S’il a pu échapper au commando venu le cueillir et prendre la tangente à l’époque, celui qui a servi le père comme ministre en charge des Mines et de l’Energie et conseiller à la présidence, n’a pas eu la même veine avec le fils. Accusé d’avoir cherché à déstabiliser la transition du général Mahamat Idriss Deby, l’ancien député et candidat malheureux à l’élection présidentiel de 2021, contre Feu Idriss Deby, son cousin de président avec qui il n’était plus en odeur de sainteté, n’a pu prouver le contraire devant la justice, les armes ayant parlé plus vite que les juges.
Ce qui donne le net sentiment d’une précipitation bien orchestrée, dans laquelle le pouvoir militaire de la transition tenait à se débarrasser d’un électron trop libre à son goût et surtout d’un adversaire qui pourrait compromettre les plans du général Mahamat Deby pour la présidentielle qui se profile. Et mettre en même temps hors-jeu, le général Saley Deby Itno. Le premier tour de l’élection qui devrait permettre au président de se refaire une virginité par les urnes, est prévue pour le 6 mai, soit dans seulement deux mois et quelques jours.
Quelles seront, justement, les conséquences de ces morts de trop, sur les élections à venir, censées être ouvertes et démocratiques et surtout devant servir à refermer la parenthèse de la transition et remettre le Tchad sur les rails de l’Etat de droit? Les compagnons de rébellion de Yaya Dillo vont-ils rester les bras croisés et subir les événements? Y’aura-t-il encore des candidats téméraires pour faire face à Mahamat Idriss Deby qui a réussi le coup de maître de mettre dans les rangs, son adversaire politique le plus teigneux, Succès Masra, pour ne pas le citer?
En tout cas, Succès Masra, depuis le 1er janvier de cette année, se sent plus à l’aise dans ses costume et souliers vernis actuels de Premier ministre que dans ses pantalon Jeans et baskets d’opposant d’avant exil forcé. Question: quelle sera sa réaction face à ce carnage qui a emporté un ancien camarade d’opposition?
L’autre acteur, ou plus exactement actrice, très scruté en ce moment, n’est autre que la communauté internationale qui a adoubé, en son temps, le fils à la mort du père, alors que le pouvoir devait échoir au président de l’Assemblée nationale selon les dispositions de la Constitution tchadienne. Mais le refrain est connu et immuable. La fameuse communauté internationale condamnera avec «vigueur» ces faits qui ne sont pas compatibles avec la recherche de la paix, et exigera que «toute la lumière soit faite» afin que «les auteurs soient punis». Du reste, elle a mieux à faire en Ukraine et dans la Bande de Gaza! Et le Tchad, à moins d’un retournement de situation, passera à autre chose.
En attendant le prochain acte de cette tragédie, qui se joue à l’ombre du massif montagneux du Tibesti.
Par Wakat Séra