«La CEDEAO c’est un espace où ici et là on peut trouver des mines ou des ressources pétrolières. Par conséquent il peut être bon de coordonner d’une part les informations, ou les méthodes de recherche pour la connaissance de ces ressources, d’autre part la formation des ressources humaines, et aussi le traitement en commun éventuel des minerais ou des hydrocarbures», selon Philippe Ouédraogo, ingénieur de l’école nationale supérieure des Mines de Paris et ex-président du Conseil économique et sociale. L’ex-ministre burkinabè de l’Equipement et des Communications (1983-1984) et ex-Directeur général des mines et de la Géologie est l’actuel président du directoire du Salon international de l’Energie, des Mines et des Carrières (SEMICA). Nous l’avons rencontré à Cotonou au Bénin lors de la 4e édition du Forum des Mines et du Pétrole de la CEDEAO (ECOMOF 2024) tenu du 22 au 24 février 2024, dont sa structure SEMICA a eu la charge d’apporter son expertise dans l’organisation. Pour lui, les pays de l’espace ouest-africain «pourraient avantageusement s’entendre pour mutualiser les centres de formation, leur donner une dimension suffisante, leur faire bénéficier de l’expertise la plus large».
Wakat Séra : Comment se porte, aujourd’hui la recherche minière ?
Philippe Ouédraogo : Je pense qu’on peut affirmer que tous les pays, aujourd’hui, se tournent vers la recherche de leurs ressources minières. Pendant longtemps c’était aussi le cas, mais avec beaucoup moins d’intensité que maintenant, parce qu’il n’était pas évident d’une part que les recherches pouvaient être faites rapidement et d’autre part que la mise en exploitation éventuelle d’un gisement trouvé aurait pu être facile et d’une importance capitale pour le pays. Auparavant, les recherches pouvaient porter sur des substances quelconques. Aujourd’hui, on cible de préférence l’or. Beaucoup de pays ont longtemps donné la priorité, avec de bonnes raisons d’ailleurs, à l’agriculture ou éventuellement au pétrole et aux hydrocarbures qui sont un secteur particulier ressources minérales.
Actuellement, je crois que tous les pays mettent l’accent sur les recherches et l’exploitation de certaines produits comme l’or, les substances précieuses et les hydrocarbures. Ce qu’on peut dire, c’est que non seulement les Etats acceptent d’y consacrer une part de plus en plus notable de leur budget, mais que des investisseurs étrangers s’y intéressent aussi, notamment dans les pays africains. C’est très probablement un domaine qui va se porter de mieux en mieux.
Quand on regarde la façon dont les exploitations minières ont évolué dans un pays comme le Burkina Faso, on est frappé par l’importance que l’or a prise. Aujourd’hui, l’or est le premier produit d’exportation du pays. Il rapporte au plus de 10% du budget de l’Etat. Alors qu’auparavant, c’était des produits comme le coton et le bétail qui tenaient la vedette.
Pour me résumer, je crois que la recherche minière se porte bien et que la mise en valeur des ressources minières est considérée comme un point sur lequel les Etats mettent de plus en plus le focus.
En matière d’expertise, est-ce que nos pays en disposent qui puisse leur permettre de mieux développer le secteur ?
Oui ! Je crois qu’on peut dire que de plus en plus, beaucoup de pays africains disposent d’une expertise nationale suffisante. C’est-à-dire qu’ils ont en général établi des institutions ou des centres de formation, et des filières universitaires pour la formation des cadres dans le domaine minier. Evidemment, pour que ces centres de formations soient efficaces, ils doivent alors leur consacrer les financements nécessaires pour acquérir les équipements et les moyens nécessaires pour permettre aux étudiants d’étudier, d’aller sur le terrain avec l’encadrement, afin qu’ils voient comment se présentent les formations géologiques, comment les minerais se présentent dans ces formations, etc. Il faut aussi, lorsque des exploitations minières existent, que les étudiants puissent les visiter ou y effectuer des stages, pour savoir comment on procède pour tirer parti des minerais.
Lorsque rentré au Burkina après mes études, j’ai commencé à travailler à la Direction de la géologie et des mines à partir de la fin des années 60, ce service se consacrait essentiellement à la cartographique géologique. Nous cherchions à établir comment se présentait la géologie dans notre pays. En complément, bien sûr nous faisions aussi de la prospection géochimique ou géophysique, pour voir sur quels indices miniers nous pouvions compter. Mais en général ça s’arrêtait là, sauf lorsqu’il apparaissait qu’on pouvait avoir à faire à un gisement d’une certaine valeur. Alors dans ces cas-là, nous cherchions à y intéresser des partenaires bilatéraux ou internationaux et à obtenir que des travaux d’évaluation soient exécutés, soit dans le cadre de permis de recherche, soit plus simplement dans celui de projets de prospections géochimiques et géophysiques. Les travaux superficiels pouvaient ensuite être complétés par des sondages, des analyses de teneurs, des évaluations quantitatives et des études de faisabilité, lorsque ces travaux confirmaient l’existence de gisements assez importants. Mais à l’époque on avait peut-être un ou deux projets de ce type-là par an. En général, nous n’allions pas beaucoup plus loin, en tout cas pas au point de pouvoir dire à peu près sûrement qu’on avait affaire à des gisements exploitables, sauf les cas de ceux qui, comme le gisement de manganèse de Tambao, étaient déjà connus.
Donc ça va de mieux en mieux ?
Oui ! Ça va de mieux en mieux. Le fait que beaucoup d’Etats ou tout au moins, la plupart des Etats, espèrent que l’exploitation minière peut leur apporter beaucoup, les conduit à publier l’état actualisé des recherches et complémentairement des ressources minières, surtout l’or ou le pétrole, qui pourraient intéresser des investisseurs éventuels. Cela conduit les Etats soient à organiser ce qu’on appelle des journées de promotions minières, ou des salons miniers. Et pour ces salons, on essaye d’inviter tous ceux qui pourraient être intéressés au développement des mines. Pas seulement les investisseurs dans le domaine des exploitations minières mais aussi tous ceux qui peuvent y concourir. C’est-à-dire les financiers, les banquiers, les pétroliers, les fournisseurs d’équipements, etc. parce que l’activité minière entraine des besoins multiples. Tous ces gens sont invités à participer à ces salons miniers qui permettent d’exposer les potentialités dont dispose le pays et qui peuvent conduire à l’ouverture prochaine d’une ou plusieurs mines.
En parlant de salon, vous venez de participer à un forum de la CEDEAO sur les mines et le pétrole. L’ECOMOF 2024. Quelle est l’apport d’une telle rencontre dans le développement du secteur minier pour que cela profite aux populations ?
Il y a des institutions comme la CEDEAO qui sont des institutions d’intégration, dont la vocation principale est le développement économique intégré. Par conséquent, une institution comme la CEDEAO ne peut pas ne pas s’intéresser au secteur minier. Alors c’est comme ça que depuis 2019 elle organise de façon tournante, dans ses pays membres, des salons sur les hydrocarbures et sur les mines. Ce sont des fora qui s’appelle ECOMOF (Ecowas mines and oil forum).
La vocation de l’ECOMOF c’est non seulement de faire connaitre les ressources minières existant dans les différents pays membres, mais surtout de créer un cadre pour que les décideurs puissent discuter des politiques communes qui peuvent être adoptées pour faire avancer l’intégration et la coopération dans l’espace commun.
La CEDEAO c’est un espace où ici et là on peut trouver des mines ou des ressources pétrolières. Par conséquent il peut être bon de coordonner d’une part les informations, ou les méthodes de recherche pour la connaissance de ces ressources, d’autre part la formation des ressources humaines, et aussi le traitement en commun éventuel des minerais ou des hydrocarbures. On pourrait avantageusement s’entendre pour mutualiser les centres de formation, leur donner une dimension suffisante, leur faire bénéficier de l’expertise la plus large. Ce qui peut permettre d’avoir des centres très pointus au niveau de la formation.
L’exploitation minière ou d’hydrocarbures a en général besoin d’infrastructures de toute nature, routière, ferroviaire, énergétique. Elle aurait besoin qu’on puisse transformer dans notre espace les produits miniers ou les hydrocarbures qu’on y trouve, pour avoir des produits finis ou semi-finis, du pétrole ou du gaz. Non seulement la valeur ajoutée qui reste dans l’espace commun est plus grande, mais cela engendre des emplois et le développement de l’expertise et des capacités.
L’ECOMOF est donc un forum où les décideurs concernés par ces domaines peuvent échanger et voir ce qui est possible de faire en commun de façon avantageuse. Parce que si on laisse chaque pays résoudre le problème à son seul niveau, ce n’est pas sûr que ce soit la façon optimale de tirer parti de ces ressources minières ou pétrolières.
La CEDEAO n’est pas la seule institution qui le pense. Une institution comme l’UEMOA aussi a l’intention de créer des salons pour les mines, les hydrocarbures et les carrières. Beaucoup de pays, en Afrique de l’ouest ou en Afrique australe, ont pris les devants et organisent déjà des salons sur leurs ressources minières. Ainsi, au niveau du Burkina Faso par exemple, il y a la SAMAO (Semaine des activités minières de l’Afrique de l’Ouest), au niveau du Mali, de la Guinée, du Sénégal, il y a aussi des manifestations similaires. Mais peut-être que ce serait plus rationnel d’obtenir, au moins par zones ou par régions, que les pays puissent échanger sur les ressources dont leurs pays disposent dans le sous-sol, mais également sur la manière optimale de travailler ensemble pour donner plus d’impact à leurs politiques de développement.
Il y a beaucoup de salons, de fora qui se tiennent, des recommandations sont faites, mais très souvent leur mise en œuvre pose problème…
Oui c’est certainement regrettable qu’il en soit ainsi. Mais c’est un peu dans la nature des choses, parce que les différents pays sont confrontés à beaucoup de difficultés, et qu’ils doivent jusqu’à présent, dans l’urgence, chercher seuls les solutions à y apporter. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, passer des recommandations communautaires par exemple, à leur mise en œuvre communautaire, s’avère difficile et lent. Deuxièmement il n’est pas sûr que tous les pays soient décidés à aller au même rythme. Ce sont là des éléments qui sont contre-productifs pour la mise en œuvre des recommandations qui peuvent être considérées comme justes par tout le monde, mais pour lesquelles tout le monde n’est pas prêt au même moment.
Peut-être aussi que des institutions dans lesquelles les recommandations sont prises ne sont pas organisées de façon à ce que leur mise en œuvre se fasse rapidement et de façon efficace. Parce que bien souvent il faut aussi adapter, la structure, le centre d’action au niveau de ces institutions, pour une mise en œuvre rapide des recommandations ou des décisions. Vous savez, les décisions sont prises mais peuvent mettre 40 ans certaines fois, à avoir un début de traduction pratique. Cela signifie que dans les institutions d’intégration que nous avons, il faut probablement revoir un peu les structures, et créer des agences spécialisées, dotées de capacités d’initiative et de pouvoirs suffisants, pour faciliter la mise en œuvre des décisions. Maintenant est-ce que les différents pays sont disposés à céder les parcelles de souveraineté qui permettraient de le faire ? Je crois que c’est une question politique qu’on est obligé de résoudre progressivement.
Vous êtes le président du directoire du SEMICA qui a eu en charge l’organisation de la 4e édition de l’ECOMOF au Bénin. Dites-nous quel bilan tirez-vous, au niveau organisationnel, de la tenue de ce forum ?
En fait, l’organisation de l’ECOMOF 2024 de la CEDEAO, a été confiée par cette CEDEAO au Bénin. Le Bénin a requis SEMICA pour l’épauler dans l’organisation, afin de donner à l’évènement une dimension pas seulement nationale, pas seulement ouest-africaine, mais même aussi internationale. Tout ce qui concerne l’information, la communication au niveau international par exemple, au niveau de l’Afrique de l’Ouest, est revenu à SEMICA. De la même façon aussi, tout ce qui concerne ce qu’on appelle le « branding », c’est-à-dire tout l’habillage en ce qui concerne l’espace prévu pour les discussions, est revenu à SEMICA. SEMICA a été aussi associé aux activités que le Bénin a décidé d’organiser pour permettre que les échanges se fassent dans l’esprit visé par la CEDEAO. En 2024, au Bénin, c’est la 4e édition de l’ECOMOF, puisqu’il y a eu des éditions antérieurement en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Niger.
Quand on écoute un peu les uns et les autres, et surtout les acteurs concernés au premier plan, ils sont satisfaits de l’organisation. Si on regarde aussi la participation, je pense qu’elle a été bonne. Mais il y a cette crainte que vous avez soulevée à savoir : dans quelle mesure les suggestions, les recommandations qui ont été faites et que l’on peut trouver pertinentes, dans quelle mesure pourront-elles être mise en œuvre ? D’abord il faut qu’elles soient acceptées au niveau des instances de décisions, comme le Conseil des ministres et la conférence des chefs d’Etat. Ensuite il faut que chaque pays décide de les mettre en œuvre en se coordonnant. C’est pourquoi tout le monde se pose la question de savoir : est-ce que c’est possible ? Est-ce qu’on peut faire ceci ou cela ? Je pense que progressivement ça va se faire, parce que les gens se convaincront progressivement de la pertinence des recommandations.
En tout cas ce forum a permis de définir les domaines qui concernent la recherche minière, ou l’exploitation minière, ou les infrastructures qui desservent les exploitations minières et qui pourraient être mis en œuvre en commun. Y compris les centres de formations de différentes catégories de personnel dont on peut avoir besoin.
C’est vrai que vous avez dit que le bilan a été satisfaisant. Mais au cours de l’organisation, quels ont été les défis auxquels vous aviez été confrontés ?
Vous savez, à chaque fois qu’on organise des salons miniers de ce type, on part à peu près de rien. Il faut se mettre d’accord d’abord sur les lieux qu’on retient pour réunir les gens qui viennent de différents endroits, de différents pays. Il faut se mettre d’accord sur les sujets à débattre. Il faut se dire aussi que ces sujets possibles sont en nombre indéfini. Mais on peut s’entendre pour que par exemple pour telle édition on mette l’accent sur tel problème, quitte à ce que les autres problèmes puissent être discutés aux éditions suivantes. Il faut définir quelles est l’expertise à laquelle on va faire appel pour traiter des thèmes et sous-thèmes retenus. Il faut obtenir de ces experts-là, qu’ils soient disponibles, qu’ils acceptent de venir à la période choisie. Il faut s’entendre dans l’identification de tous ceux qui pourraient être intéressés et prendre les dispositions pour que tous les partenaires intéressés par le forum et les questions qui y seront débattues soient informés à temps.
Alors le premier défi pour un cabinet comme SEMICA, c’est de connaitre à temps les thèmes et sous-thèmes qui vont être débattus, et que les experts sollicités soient identifiés. Le second défi, c’est d’obtenir un accord sur le site du salon et de vérifier que les installations sont fonctionnelles. Le troisième et plus important défi, c’est de bénéficier d’un climat de bonne entente avec les responsables nationaux chargés du salon. Actuellement, on ne peut plus rien faire sans penser aux contraintes qui peuvent être liées à l’utilisation du digital, donc il faut que le réseau Wi-fi soit à temps disponible, fiable et sécurisé. Il faut que les documents préparatoires qui donnent l’information sur la façon dont le forum va se dérouler puissent être élaborés, approuvés par le client qui commande le salon, et reçus à temps avant le démarrage de l’événement. Il faut aussi régler les problèmes de logistique qui vont se poser, y compris les problèmes de repas, etc. Il faut aussi organiser la réception, l’acheminement et l’hébergement de ceux qui vont venir de l’extérieur. En outre les badges pour l’accès sécurisé des différentes catégories de participants doivent être établis et distribués à temps. SEMICA a maintenant une certaine expérience sur toutes ces questions pratiques. Tout le problème c’est que les décisions correspondantes puissent intervenir à temps. Quand les décisions nécessaires ne sont pas obtenues à temps, cela peut se répercuter négativement sur l’organisation.
On peut dire que c’est l’expertise burkinabè qui s’exporte ?
Oui ! Le cabinet SEMICA a maintenant une dizaine d’années d’expérience. Dans tous les pays où il est intervenu, notamment au Burkina, en RCA, au Libéria, au Bénin, son expertise a été appréciée et ses clients sont satisfaits. Tous les pays de l’Afrique de l’ouest n’ont pas encore de cabinets ayant une telle expertise. Par conséquent SEMICA a, si on peut le dire, bénéficie d’une prime dans l’antériorité. Ce qui lui donne des ambitions encore plus grandes que celles qu’il avait au départ. SEMICA peut donc mettre son expertise à la disposition de tous ceux qui sont intéressés ou concernés.
L’expertise burkinabè existe. Elle s’exporte, notamment si elle peut bénéficier du soutien des autorités officielles. Mais il est aujourd’hui utile que SEMICA s’ouvre aussi à d’autres experts africains parce qu’il a besoin des compétences qui existent dans d’autres pays, pour avoir les meilleurs. Je pense que ça peut être une bonne chose dans la mesure où ça renforce la dimension africaine de SEMICA.
Ce qui est souhaitable, c’est que l’expertise actuelle de SEMICA, puisse être utilisée, exploitée à travers toute l’Afrique, anglophone, francophone, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale, pourquoi pas l’Afrique australe et même l’Afrique du Nord.
Aujourd’hui le Burkina Faso exporte beaucoup d’expertises dans divers domaines. Mais le constat est qu’en matière de développement le pays traine toujours les pas. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ? Est-ce parce que l’expertise n’est pas assez ou bien utilisée ?
Si nous avons des experts, donc de bonnes ressources humaines, pour avoir un impact significatif, il faut finalement qu’elles soient importantes, nombreuses. Mais il faut aussi qu’elles puissent intervenir dans les secteurs économiques qui pourraient ou voudraient les employer.
Vous voyez, actuellement nous avons par exemple beaucoup de géologues qui sont formés dans nos universités. Il y a même des écoles spéciales qui forment des ingénieurs des mines et des géologues. Mais si l’activité minière par exemple n’est pas suffisamment importante pour embaucher ou employer tous ces cadres qui sont ou vont être formés, cela va poser problème. Or il n’est pas sûr que le développement des industries dans ce secteur-là puisse être si importante qu’elle les absorbe tous. Dans ce cas, beaucoup de gens peuvent être dans une situation où leur expertise ne peut être employée et se trouver dans l’obligation d’aller dans d’autres secteurs. On voit dès maintenant des géologues ou des ingénieurs qui deviennent des enseignants ou qui sont conduits à assurer des emplois administratifs. Il faut qu’il y ait une adéquation entre le rythme de formation et le développement du secteur pour lequel ces gens sont formés.
Mais je dois nuancer mon propos. En effet, si nous avions un tissu industriel ou seulement économique suffisamment diversifié, on pourrait constater que certaines anciennes mines fermées reprennent de l’activité pour plusieurs raisons. Par exemple, on peut se rendre compte que des recherches faites il y a quelques dizaines d’années ont négligé certains aspects, ou certaines substances qui dans l’intervalle, ont pris de l’importance. Parfois, c’est l’introduction de méthodes plus modernes de traitement et de récupération qui redonnent de l’importance à des éléments qui ont été négligés au départ. Parfois aussi, on peut considérer à un moment, que les besoins d’un pays ne sont pas suffisamment importants pour justifier une exploitation et une transformation du minerai d’un gite. Plus tard, les besoins peuvent se révéler très importants et changer l’appréciation économique. En sorte que, même sans devoir multiplier le nombre de gisements, il peut y avoir du travail pour des géologues ou des ingénieurs.
Il y a une trentaine d’années, dans le cadre de l’Autorité du Liptako-Gourma, une étude avait été menée sur les phosphates dans l’objectif de construire une industrie d’engrais dans les pays du Liptako-Gourma (Burkina, Mali, Niger). Les phosphates que l’on trouvait dans ces trois pays, n’étaient pas de même type. Et par conséquent les traitements auxquels on pouvait recourir pour accroitre la solubilité de chacun des types de phosphate, étaient différents. Les besoins en engrais phosphatés de chacun des pays étaient en outre sous-estimés. Mais au terme des études, chacun des pays a préféré chercher à mettre en place sa propre industrie d’engrais phosphaté. Jusqu’à ce jour, aucun des pays n’a construit d’industrie d’engrais, chacun se limitant au broyage de ses phosphates bruts. Si ces pays ne connaissaient pas de problème sécuritaire dans les zones de leurs gisements de phosphate, je suis persuadé que leur réponse aurait été différente aujourd’hui.
Le développement industriel est capital. C’est lui qui véritablement permet de développer l’expertise. C’est lui qui nous fournira les emplois de qualité que recherche une jeunesse instruite et formée. Et c’est lui qui, combiné au développement des infrastructures, renforcera durablement le tissu des intérêts économiques entre nos différents pays africains.
Quels conseil avez-vous pour ceux qui aimeraient embrasser une carrière dans le secteur minier ?
Personnellement, je n’ai pas vraiment pratiqué le métier d’ingénieur des mines pour lequel j’ai été formé, ayant très tôt été chargé des tâches administratives et de direction. Les métiers de géologue ou d’ingénieur des mines, je ne les connais que par mes stages et visites de sites et d’exploitations, au Burkina et dans d’autres pays.
Mais ce que je peux dire aux jeunes qui envisagent d’embrasser la carrière d’ingénieur géologue ou d’ingénieur des mines, c’est d’abord d’être sûr de bien aimer ce métier. Parce que, c’est quand même un métier qui a ses particularités. On est souvent loin de sa famille, puisque les ingénieurs géologues sont souvent dans la brousse loin de leur domicile habituel, loin de leur famille. Les mines non plus ne sont pas souvent l’endroit où on vit avec sa famille. Et par conséquent c’est un métier qui a des contraintes et qu’il faut être sûr d’aimer avant de l’embrasser.
Ce que je peux dire aussi c’est que pour embrasser ce métier, il faut aimer bien observer les choses autour de soi. Ça c’est particulièrement vrai pour les ingénieurs géologues. Ils doivent être attentifs à tout ce qui fait le paysage, aux ondulations du terrain, à la nature des roches, à la granulométrie des éléments qui se présentent devant eux. Il faut donc aimer les détails.
Pour l’ingénieur des mines, cette obligation est moins évidente mais on lui demande bien souvent des travaux et des calculs relativement précis notamment pour l’évaluation des distances, des hauteurs et des volumes. Bien entendu, s’il est amené à travailler dans une mine souterraine, il ne doit craindre ni l’obscurité, ni de se retrouver dans des atmosphères confinées, ni de ne pas voir le jour, ni de vivre des journées sous terre, etc.
Interview réalisée par Daouda ZONGO