A travers cette analyse d’une grande lucidité, les directeurs de cabinet adjoints de la présidence de la république, Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa, mettent le doigt sur les difficultés auxquelles feront face les populations nigériennes, à cause de l’entreprise suicidaire des putschistes.
«Même en supposant que la Cedeao renonce à l’action militaire qu’elle envisage pour restaurer les institutions démocratiques, les prochaines semaines seront pour les Nigériens un véritable enfer, tout ça à cause des putschistes.
En effet la mesure de fermeture des frontières terrestres va avoir pour conséquence de bloquer tous les camions transportant des marchandises (même les médicaments) au Benin. Ces camions sont ceux qui transportent les marchandises en provenance des ports du Benin, du Togo, du Ghana et de Côte d’Ivoire. Plus rien ne passe par le corridor burkinabè du fait de l’insécurité qui y prévaut. Or le Benin du Président Patrice Talon est le pays où la fraude, si elle n’est pas totalement abolie est maîtrisée de façon considérable. En plus, le Président Talon est particulièrement révolté par la tentative de coup d’Etat contre le Président Mohamed Bazoum qu’il a appris à connaître et apprécier à cause de son engagement pour son pays et l’avenir qu’il lui prépare. Il sera intraitable quant à la rigueur avec laquelle sera appliquée la mesure de la fermeture de la frontière terrestre.
Il faut aussi savoir que la vente de notre uranium se fait sur la base de contrats assortis de délais dont le respect est strict.
Coupure de l’électricité du Nigéria et pénuries de biens de toutes sortes
Une telle situation de pénurie de biens de toutes sortes va provoquer une inflation très forte. Les denrées alimentaires importées ou non importées verront leurs prix flamber de façon vertigineuse exposant les plus pauvres à une situation de quasi- famine. D’ailleurs la tonne de riz a connu aujourd’hui déjà une hausse de 25% (120000 fcfa) et cela ne fait que commencer. La fermeture du marché nigérian pour le bétail nigérien aura un impact désastreux pour nos pauvres éleveurs.
Le Nigeria, sur instruction du Président Bola Ahmed Tinubu, un autre, très relevé contre les putschistes de salon et qui estime beaucoup le Président Bazoum a mis en place depuis ce matin une Task force pour définir les modalités de la mise en œuvre de la mesure de fermeture de la frontière. Là également les contrôles seront implacables.
De plus, le Nigeria est en train de mettre en forme les documents juridiques sur lesquels va être apposée la signature portant décision de coupure du courant électrique en provenance de Kandji. Ce sera presque la moitié du courant consommé à Niamey, Dosso et la région du fleuve, dont nous serons privés. L’expérience récente de la coupure du mois de juin a démontré qu’en pareille situation, la pression sur les moteurs thermiques de Gorou Banda et de Isthismar y provoquera des pannes récurrentes. Si en temps ordinaire les pièces défaillantes peuvent être commandées à l’extérieur et transportées par avion, cette fois-ci il n’y aura pas d’avion. Et les Nigériens ne pourront même pas se convertir aux lampes tempêtes qu’on ne fabrique plus et qu’ils ne pourraient importer même s’il y en avait à cause de l’embargo. Par ailleurs l’insuffisance de l’électricité se répercute sur les pompes qui font fonctionner les forages d’eau. La pénurie du courant électrique provoquera de grandes pénuries d’eau.
La suspension de la coopération et l’arrêt de tous les chantiers de routes
Pour notre malheur la centrale solaire de Gorou Banda récemment inaugurée par le Président de la République qui était sensée démarrer le 25 août prochain a vu ses travaux arrêtés net par l’Union européenne au lendemain de la tentative du coup d’Etat.
La mesure prise par la BCEAO d’interdire toute transaction financière avec l’Etat et les entreprises publiques va priver l’Etat de toute possibilité de disposer même du peu d’argent qu’il a dans les banques. Et tous les projets en cours vont s’arrêter net. L’interdiction de toute transaction entre les banques nigériennes et les banques des pays de l’Uémoa aura un effet catastrophique sur l’économie qui entrera dans un état d’anémie totale.
Le blocage des activités commerciales et financières induira une baisse des activités économiques et un manque à gagner financier considérable qui ne permettra pas à l’Etat de faire face au minimum de ses charges régaliennes: salaires, pécules des contractuels, bourses des étudiants, paiement de la dette intérieure et extérieure, fonctionnement des services notamment de la santé, de l’éducation et autres.
La suspension de la coopération par l’essentiel de nos partenaires financiers verra l’arrêt de tous les chantiers des routes en cours, l’arrêt des travaux du barrage de Kandadji, des différents projets de centrales électriques solaires en construction, de constructions des infrastructures universitaires de Niamey, du grand projet de construction de 4000 salles de classes du projet «Lire» du ministère de l’éducation nationale et tous les projets dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage, de l’environnement, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, etc.
Le 2 août prochain le Président de la République se proposait de poser la première pierre d’un grand hôpital militaire (sis au camp 6eme). Cet hôpital d’un coût de vingt (20) milliards de francs CFA devrait être le plus grand hôpital militaire de l’Afrique de l’Ouest et l’hôpital nigérien le plus moderne. Les Allemands ont suspendu le projet et risquent de l’attribuer au Benin.
Les terroristes en roue libre et questions à Tchiani
Ces putschistes qui prétendent tenter leur coup d’Etat pour améliorer la situation sécuritaire, où pensent-ils avoir le financement des infrastructures du bataillon de Torodi prévu par la Belgique? Qui va leur remplacer l’Allemagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie, la Belgique, l’Union européenne pour toutes les infrastructures qu’ils construisent, pour les formations et les équipement au profit des BSI?
Comment comptent-ils lutter contre le terrorisme dès lors qu’ils n’auront plus d’argent pour acheter des véhicules, des armes et même assez de carburant?
Ce que l’on doit savoir c’est que les terroristes se promèneront et séviront à leur guise dans notre pays car le gouvernement ne sera même plus capable de payer le salaire des soldats à plus forte raison les équiper et les nourrir pour les déployer adéquatement sur le terrain. Tchiani (le général Abderahamane Tchiani, chef de la junte, NDLR) qui n’a jamais rien géré, sait-il que même en situation normale les recettes de l’Etat baissent drastiquement en août et en septembre? Sait-il que c’est au dernier trimestre que les partenaires financiers libèrent leur aide budgétaire grâce à laquelle le gouvernement règle sa dette intérieure, assure la rentrée scolaire et règle le maximum de dépenses prioritaires? Supposons que nous le laissions faire, comment compte-t-il s’y prendre pour affronter tous ces problèmes? Pense-t-il vraiment nous ramener à l’âge de la pierre taillée pour vivre dans un pays où aucun avion n’atterrit, sans électricité en cette saison de pluie, à boire l’eau des mares? Pourquoi croit-il que les Nigériens lui feront tout ça? Croit-il vraiment qu’il peut défier les chefs d’Etat du Nigeria, du Benin, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire dont l’économie du Niger est si dépendante? S’il pense que les putschistes du Mali l’ont fait et s’en sont bien sortis, il se trompe. Les sanctions contre le Mali n’atteignent pas le 1/10 ème de celles prises contre le Niger. C’est pareil pour les bailleurs de fonds. Le Niger, contrairement au Mali, n’est pas en proie à une crise politique et la situation sécuritaire est maîtrisée de façon remarquable par des FDS (Forces de défense et de sécurité, (NDLR) qui sont sur des fronts difficiles contrairement à lui qui est couché dans une villa climatisée pendant 12 ans.
Tous ceux, partis politiques, société civile, qui pensent que l’heure pour eux de festoyer est arrivée se mettent le doigt dans l’œil. Les mesures prises hier par la CEDEAO et sur lesquels veille scrupuleusement le président Tinubu ne laissent que le choix de la lucidité pour dire aux putschistes de mettre fin à leur forfaiture. Toute autre tentation est irresponsable et vaine.»
Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa
NB : La titraille est de la rédaction