Actuellement, le sommet Russie-Afrique bat son plein dans la magnifique cité balnéaire de Sotchi. Comme à l’accoutumée, en ce qui concerne ces grands rassemblements, toutes nos têtes couronnées flanquées de leur pléthore de ministres, conseillers et autres chargés d’affaires…inutiles, ont encore ramassé les maigres ressources de leurs pays aux économies exsangues, pour participer à une foire dont ils ne tireront aucun profit. Sauf celui de ramener dans leurs bagages, des images d’audiences avec telle ou telle personnalité. Oui, en dehors de petits dossiers de demande de financement, dons ou prêts, pour réaménager des routes dans lesquelles les premières pluies creuseront, non pas des nids de poule, mais des bassins d’éléphants, les Africains ne présentent, en tout cas, pour la plupart, que des dossiers dérisoires et du reste, mal ficelés. Pourtant, pour aller écouter l’évangile selon Saint Vladimir, ils sont combien à avoir laissé derrière eux, leurs peuples qui, à force de tirer la queue du diable ont fini par l’arracher? Des infrastructures sanitaires qui sont en réalité de véritables mouroirs parce que démunies jusqu’au comprimé d’aspirine, des écoles sous paillotes sans enseignants et parfois sans élèves happés par les travaux champêtres, des familles entières contraintes parfois à un repas sur trois jours contrairement aux trois quotidiens, des oppositions et sociétés civiles muselées pour conserver le pouvoir même au-delà des deux mandats permis par la Constitution, des millions d’exilés dans leurs propres pays où les attaques terroristes endeuillent en masse des Forces de sécurité et de défenses et d’innocentes citoyens qui ne savent plus quel Saint protecteur invoquer…
Le chapelet des maux que vivent les Africains peut être encore égrené à souhait, mais il ne saurait empêcher ceux qui nous dirigent d’aller rencontrer le Tsar Poutine. Si le ridicule pouvait tuer, il aurait rempli les cimetières du continent des cadavres des gouvernants africains. Habitués à tendre la sébile, les dirigeants africains trouvent dans ces sommets, qu’ils soient France-Afrique, Inde-Afrique, Chine-Afrique ou TICAD, les Japonais ayant trouvé cette appellation pudique qui ne veut dire en réalité que Japon-Afrique, se ruent toujours, toutes souveraineté et dignité nationales avalées, dès que les puissants du monde sonnent le tocsin. Dire que ces rencontres n’ont été créées par les puissants de ce monde que pour affirmer et confirmer leurs appétits économiques sur l’Afrique, marché de matières premières à ciel ouvert et continent de consommation par excellence. Ces pompeuses réunions n’ont d’autre but pour ces grands du monde de déplacer, à leur gré, l’Afrique comme un simple pion sur l’échiquier de leurs intérêts économiques et de géopolitique. Et chacun d’eux veut rattraper son retard sur le terrain de la conquête ou reconquête d’une Afrique dépecée sans vergogne jusque dans ses entrailles. Pourtant, ce sont les mêmes dirigeants africains qui vont se réclamer héritiers de Thomas Sankara, de Kwamé N’Krumah, Patrice Lumumba, mais ont regardé massacrer, sans lever le petit doigt, leur FMI et Banque mondiale informelles, le panafricaniste Mouamar Khadafi! Et comme s’ils n’en ont pas assez de se montrer en spectacle, les mêmes chefs d’Etat revendiqueront, toute honte bue, une souveraineté nationale qu’ils n’ont en réalité jamais eue du fait de la culture de mendiants congénitaux dans laquelle ils baignent. Parlant de souveraineté, les puissants ont-ils seulement eu besoin des avis des Africains pour dessiner, à coup de crayon, les frontières artificielles à l’intérieur desquelles ils sont confinés aujourd’hui?
Certes, nous ne sommes pas contre un monde multipolaire qui empêche ainsi la présence d’un gendarme interplanétaire omnipotent. Cependant, alors qu’il est considéré comme le continent de l’avenir, pourquoi l’Afrique, que l’autre se demandait si elle n’a pas refusé le développement, n’opère-t-elle jamais les bons choix, en favorisant par exemple la naissance et le renforcement d’une classe d’investisseurs africains qui feront prospérer le commerce intra-africain. Ce serait déjà un premier pas vers le développement et on pourrait, pourquoi pas, un jour, rêver de sommets, Burkina-Europe ou Côte d’Ivoire-Asie. Comme l’a dit le célèbre homme politique et écrivain burkinabè, Feu Joseph Ki-Zerbo, «on ne développe pas, on se développe».
Par Wakat Séra