Comme en France, l’abstention fut la grande gagnante des élections législatives françaises au Burkina Faso. Estimé à un peu plus de 15%, en attendant les chiffres officiels définitifs, le taux de participation à ce second tour a été jugé bien faible. Preuve du désintérêt des 1771 citoyens français inscrits sur la liste électorale dans la capitale burkinabè. Ce désamour né sur les bords de la Seine a coulé jusqu’à Ouagadougou où les électeurs français devaient choisir entre Leïla Aichi et M’jid El Guerrab, tous les deux battant pavillon de La République En Marche. Deux candidats qui n’ont pas réussi à sortir les votants de leur repos dominical, un dimanche qui portait le sceau du Saint Sacrement et marquait le dernier week-end de jeûne avant celui de la fête du ramadan qui pourrait tomber le dimanche 25 juin 2017. Mais malgré le peu d’affluence devant les urnes, la Macronmania a encore fait des vagues au Burkina, après la présidentielle.
A défaut du raz-de- marrée annoncé, La République En Marche s’est imposée comme le seul parti maître à bord à l’Assemblée nationale française. Avec leurs partenaires du MoDem, Emmanuel Macron et les siens ont fait main basse sur le parlement français, raflant la majorité des sièges à pourvoir, soit 350 sur 577. Pour un parti politique qui n’existait pas il y a deux mois et a atterri comme un ovni dans le ciel politique français dont il a provoqué la recomposition radicale, la prouesse de la LREM relève de l’inédit, en tout cas à l’ère de la 5è République. Après avoir pris le pouvoir sur la classe d’anciens dirigeants aux idées et idéaux surannés et rejetés par une population assoiffée de changement, la LREM, en attendant que la roue tourne, rien n’état figé en politique, a encore réussi avec brio à transformer l’essai présidentiel victorieux. Certes, ils sont pour, l’essentiel des députés novices, ignorant encore les rouages de l’Assemblée, mais ils ne sont pas moins encadrés par un programme de gouvernement précis. De plus, comme le dit le proverbe, «aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années». Si les Républicains, avec 113 sièges, ont pu sauver ce qui pouvait l’être encore, en se positionnant comme le premier parti d’opposition et en mesure de former un groupe parlementaire, ce n’est point le cas pour les Socialistes, avec juste 29 sièges, laminés comme lors d’une présidentielle qu’ils ont encore du mal à digérer. Ainsi a sonné l’heure des règlements de comptes au sein d’un parti dont des baobabs comme Jean-Christophe Cambadélis et Jean Glavany ont été défaits dès le premier tour, débâcle qui a poussé le premier à lâcher les rênes du Parti Socialiste.
Comme il fallait s’y attendre, l’abstention a été la véritable et seule adversaire de La République En Marche qui écrase tout sur son chemin. A ce titre, la LREM a du souci à se faire car ce sont plus de 57% de Français qui ont choisi de bouder les urnes lors de ce second tour des législatives, chiffre record à en croire les spécialistes. Si ces données peuvent donner des nuits d’insomnie en France, en Afrique où la règle est de ne jamais perdre les élections qu’on organise soi mêmes, l’abstention est un fait anecdotique. Même élus par une portion congrue d’électeurs qui monnaient du reste leurs voix contre quelques sacs de riz ou des espèces sonnantes et trébuchantes, les dirigeants africains n’en n’ont cure. L’essentiel est de gagner des élections déclarées transparentes par les institutions acquises confortées par les déclarations d’observateurs qui pour la plupart n’ont observé les votes que de la fenêtre de leur chambre d’hôtel où tout au plus à travers les vitres baissées des voitures climatisées mises à leur disposition. Toute chose qui renforce les taux d’abstention depuis même l’inscription sur des listes électorales le plus souvent gonflées à souhait par des noms fictifs. L’Afrique est bien le continent où des nouveaux nés ou même des morts exercent leur droit de vote.
Il faut tout de même se réjouir que, comme en France, les choses évoluent aussi en Afrique où la jeunesse et certaines organisations de la société civile ont pris leur destin en main. Les commissions électorales indépendantes, là où elles existent arrivent également à contenir les fraudes massives, rendant de plus en plus impossibles, les scores staliniens dont se prévalaient les «guides éclairés» qui à défaut des armes, prennent en otage les urnes pour gouverner à vie. Si les Africains ont pu aujourd’hui copier sans modération la culture occidentale jusque dans la manière de s’habiller, de manger et même de parler, il est temps qu’ils apprennent aussi à organiser des élections dont les résultats ne prendront pas des mois pour être publiés et pour lesquelles les gagnants ne seront pas connus d’avance. La démocratie est à ce prix et ses règles sont universelles et non taillées sur mesure pour faire semblant.
Par Wakat Séra