Munies de bidons, barriques, des bassines, entre autres, des populations de Koupéla et Pouytenga, deux communes dans la région du Centre-est du Burkina, passent la moitié de leurs journées à la recherche de l’eau potable, la denrée rare dans ces localités où la nappe phréatique est loin dans le sous-sol. Un calvaire qui s’accentue dans les mois de mars, avril et mai où le barrage qui les approvisionne en eau potable, tari, provoquant souvent des altercations entre habitants au niveau des bornes fontaines du fait des coupures intempestives.
Pascaline Belemsigri, est commerçante et habitante de la ville de Koupéla. Habillée en ensemble pagne, coiffée de foulard rouge, visage serré, Pascaline se montre visiblement mécontente des récurrentes coupures d’eau dans la ville. «Avec les coupures d’eau, on arrive plus à travailler ni au marché ni à la maison et cela ne nous arrange pas», s’est-elle exprimée en langue locale mooré.
Tout comme Pascaline, l’élève Hermann Kaboré de Koupéla, Mamounata Kaboré et Yaya Kaboré, vendeur de barriques d’eau, tous à Pouytenga, ne cessent de relever les difficultés d’accès à l’eau potable auxquelles ils font face dans leurs localités respectives.
«Ce n’est pas simple ici. Même avec les forages, souvent on vient trouver qu’il n’y a pas d’eau», nous confie l’élève Hermann Kaboré venu s’approvisionner en eau dans un forage au secteur 5 de Koupéla.
L’accès à l’eau potable constitue un véritable souci pour les populations dans ces deux localités que l’équipe de Wakat Séra a visité du 6 au 8 décembre 2019. «Souvent on peut faire 10 à 20 jours sans une goutte d’eau qui sort du robinet. Et quand ça se coupe on va s’approvisionner dans les forages, mais là-bas aussi ce n’est pas simple», soutient Mamounata Kaboré, assise à même le sol à une borne fontaine à Pouytenga, attendant d’être servie en eau. « Souvent même, l’eau des forages n’est pas bonne, ça sent, on ne peut pas préparer ni se doucher avec», renchérit-elle.
«Quand ça se coupe vers 12h, ça vient vers 17h. Autour de 20h-21h, ça se coupe encore et on attend jusqu’à ce que ça revient. Souvent ça revient vers 00h. On veille pour vendre afin de permettre aux gens de s’approvisionner en eau. Ce n’est pas facile. A cause de l’eau on m’a une fois frappé ici, serré mes cols. Des gens voulaient que je remplisse leurs récipients même en leur absence. Je leur ai dit que ce n’est pas possible car on ne peut pas arrêter de servir ceux qui sont présents pour remplir les récipients des absents. A cause de ça on m’a frappé ici». (Pascaline Belemsigré, gestionnaire de borne fontaine à Koupéla, qui racontait son calvaire, les yeux imbibés de larmes)
Yaya Kaboré, lui, est un vendeur de barriques d’eau à Pouytenga. La trentaine révolue, cela fait une vingtaine d’année qu’il exerce ce métier. Selon M. Kaboré, l’accès à l’eau potable est devenu un souci dans cette commune, dans ces dix dernières années.
«Le problème d’eau est vraiment grave. Il arrive que des gens veillent ici, avec le froid, de 2h du matin jusqu’à cette heure (13h) sans avoir l’eau», fait-il savoir, au milieu d’une vingtaine de personnes venues chercher l’eau, qui confirment chaque propos de leur camarade. «Si on aligne nos barriques depuis la veille, ce qu’on peut avoir, c’est deux barriques d’eau la journée. Ça même c’est quand il n’y a pas de coupure d’eau», poursuit-il.
VIDEO-Accès à l’eau au Burkina: des habitants de Koupéla et Pouytenga dans la misère
Des efforts fournis pour soulager les populations
La direction provinciale de l’eau et de l’assainissement est chargée de mobiliser les ressources en eau au niveau des barrages, la réalisation de forages, notamment. Et, selon Larba François Kaboré, directeur adjoint à la direction provinciale de l’eau et de l’assainissement à Kouritenga, des efforts sont faits à leur niveau en vue de soulager les populations. Ce qui met le Kouritenga, en matière d’accès à l’eau potable, en tête au niveau de la région du Centre-Est. Il est suivi du Boulgou et du Koupélogo.
«Au niveau des communes rurales, nous réalisons des adductions d’eau potable simplifié (mini-château d’eau) et des bornes fontaines dans chaque quartier où on met un gestionnaire. Actuellement, nous privilégions cela plutôt que les forages». Selon lui, il est recommandé que pour un village de «300 habitants qu’il y ait obligatoirement un forage». «On ne veut plus que des habitants se déplacent à plus d’un km pour avoir l’eau», nous confie-t-il, notant qu’ils s’attèlent à la mise en œuvre de cette recommandation.
Quant au maire de la commune de Koupéla, Arouna Tirogo, il soutient que le problème d’eau dans ces localités est dû à la rareté de la nappe phréatique, ce qui fait que plusieurs projets de réalisation de forages, sont soldés par des échecs.
«Pour dix forages réalisés, il n’y avait que trois qui étaient positifs. L’exploitation de ces trois forages, n’a pas fait un an. A l’issue d’un an, il n’y avait plus d’eau dans ces forages. Il y a un problème de sous-sol qui se pose, soit la nappe est loin, je ne sais pas comment on peut expliquer cette question.
Cette année encore, on a réalisé cinq forages soit deux positifs. A Pouytenga, 15 forages ont été réalisés, soit zéro positif. Donc vous comprenez naturellement le problème d’eau ici. A l’heure-là ça va. Avec le système de forages, on a au moins cinq forages positifs à Koupela pour le moment. Et l’approvisionnement en eau se fait de façon rotative par quartier et par secteur. Si un secteur gagne l’eau aujourd’hui, demain ou après-demain, les populations de ce secteur n’auront pas d’eau, donc il faut procéder à la réservation d’eau dans des récipients.» (le maire Arouna Tirogo)
Durant les périodes de pointe (mars, avril, mai), pour venir en aide aux populations, de l’eau est convoyée dans des citernes pour le ravitaillement. «Des centaines de millier d’usagers à qui on vient rationner en eau à partir des citernes, en tout cas en temps de paix, c’est des histoires qui font froid au dos», regrette Ambasda Sandwidi, directeur du service technique de la mairie de Pouytenga.
Des propos du DR ONEA de Koupéla sur l’accès à l’eau potable
Cette réalité que vivent les populations de Koupéla et de Pouytenga, est déplorable selon M. Sandwidi. C’est au vu de la souffrance des populations que de nouvelle politique nationale a été élaborée en vue de réaliser le droit d’accès universel à l’eau. Les autorités ambitionnent de faire évoluer le taux d’accès à l’eau potable de 65% en 2015 à 100% en 2030.
Par Daouda ZONGO