Acquittés en janvier 2019, l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son ancien ministre, Charles Blé Goudé sont toujours dans la gadoue des ennuis judiciaires. Le ciel leur serait tombé sur la tête qu’ils n’auraient pas connu pire rebondissement avec cet appel fait ce lundi 16 septembre par la procureure de la Cour pénale internationale. En effet, Fatou Bensouda, la patronne de la non moins redoutée CPI, cette grosse machine à écraser les dirigeants africains pas trop dociles, vient de relancer le procès contre les deux Ivoiriens. Les juges, selon la procureure auraient dû prononcer un non-lieu et non l’acquittement au profit de l’ex chef de l’Etat ivoirien et son fidèle lieutenant. Les deux décisions sont loin d’avoir les mêmes effets, l’acquittement consacrant l’innocence des deux hommes alors que le non-lieu n’efface pas leur responsabilité dans les crimes contre l’humanité, principal chef d’accusation soulevé contre eux pour les écrouer après la crise électorale de 2010. Pourtant, le procès particulièrement fait de tâtonnements, de faux témoignages et accusations sans fondement a bel et bien mis en évidence ses limites, prouvant à souhait que rla procédure a été bâclée, si nous voulons éviter de dire qu’elle a été montée de toutes pièces. En tout cas, pour des accusations aussi graves, il aurait fallu des preuves irréfutables et irrésistibles à la contradiction. En lieu et place, le monde entier a eu droit à une démonstration grandeur nature de parodie de justice.
C’est clair, dame Bensouda ne veut pas perdre la face, à moins que cette main invisible que certains voient bien derrière ce jugement ait réussi à actionner le bon levier pour repousser encore bien loin, le retour à Abidjan des deux anciens locataires de Scheveningen. S’il ne faut pas présenter Laurent Gbagbo sous les traits d’un ange, il ne faudrait pas non plus le lui faire porter les cornes du diable destructeur de son pays. Comme dans toute guerre, celle qui a plongé la Côte d’Ivoire dans le chaos depuis 2002 et qui a plus ou moins servi de ferment à la crise postélectorale de 2010, a bien mis en opposition deux parties! Mais comme par enchantement, le camp en face des forces loyalistes de Gbagbo a disparu. Et depuis lors, le «christ de Mama» porte seul la croix et alors qu’il croyait s’en décharger, Fatou Bensouda est sur le point de la lui remettre sur un dos déjà bien affaibli par près de 10 ans de détention, d’abord en Côte d’Ivoire, puis à La Haye. Or, la CPI était plus ou moins sur le point de redorer son image, avec l’acquittement du Congolais Jean Pierre Bemba et plus tard, ceux de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé. Et comme par hasard, cet appel de Fatou Bensouda tombe deux jours après le meeting conjoint historique du Parti démocratique ivoirien (PDCI) de Henri Konan Bédié et du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, les deux grands partis qui peuvent contrarier les plans de Alassane Ouattara et son Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) en route pour l’élection présidentielle de 2O2O en Côte d’Ivoire. Ceci explique-t-il cela?
En tout cas, tout porte à croire que retenir Laurent Gbagbo loin des bords de la lagune Ebrié arrange bien les affaires de quelqu’un-suivez mon regard- mais ne fait pas l’affaire d’une Côte d’Ivoire en quête de réconciliation nationale. Pour le moment, le «christ de Mama» continue son chemin de la croix, avec sa couronne d’épines tressée par Fatou Bensouda.
Par Wakat Séra