Qui l’eût cru ? Simone Gbagbo acquittée par la Cour d’assises d’Abidjan dans un procès où elle est accusée de crime contre l’humanité. Le fait semble des plus insolites pour passer inaperçu dans une Côte d’Ivoire où l’ex première dame, déjà condamnée à vingt ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat par la même juridiction, était devenue comme le « cabri mort » qui n’a plus « peur de couteau ». Alors que ce mardi 28 mars 2017 qui devait faire d’elle une prisonnière pour le restant de ses jours, selon le bon vouloir de la partie civile et du procureur général qui avait requis la peine d’emprisonnement à vie contre elle, l’épouse de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, revient de loin. Cette assidue des prétoires ivoiriens comme son époux l’est du palais de justice de Scheveningen depuis qu’ils ont été délogés du palais présidentiel suite à la violente et sanglante crise post-électorale de 2010-2011, ne devait pas en croire ses oreilles. Les populations ivoiriennes non plus d’ailleurs, elles qui avaient fini pas croire que le couple Gbagbo était voué à la géhenne. Même les pro-Ouattara ont dû se frotter à plusieurs reprises les paupières pour se rendre compte qu’ils ne rêvaient pas éveillés. La justice ivoirienne a-t-elle réellement montré son indépendance ou les juges ont-ils fait le jeu du pouvoir qui aimerait bien se donner bonne conscience ? L’avenir le dira sans doute, mais c’était bien inutile de tirer sur une ambulance, Simone Gbagbo purgeant depuis 2015, une peine de 20 ans.
Certes, Simone Gbagbo qui boycottaient les audiences depuis un certain temps parce que certains témoins clés dont Guillaume Soro ou Philippe Mangou, réclamés en vain à la barre par sa défense, croupira encore, sauf situation contraire, dans les geôles de Ouattara encore pour quelques années. Mais digne jusqu’au bout, celle qui avait lancé lors d’une audience « condamnez-moi mais arrêtez de me fatiguer », a donné la preuve, s’il en fallait encore, que la machine de la justice des vainqueurs vrombissait, prête à broyer tout pro-Gbagbo sur son passage. Si elle n’a pas eu l’honneur d’effectuer le voyage de La Haye et de goutter, comme son mari aux délices de la prison 5 étoiles de Scheveningen aux Pays-Bas, Simone Ehivet Gbagbo ne subira pas moins des tracasseries judiciaires durant des années. Le temps n’était bon, et ne l’est toujours pas d’ailleurs, pour le couple Gbagbo et ses proches. Contrairement à ces derniers le camp d’en face qui est loin d’être exempt de tout reproche dans cette crise post-électorale qui, selon les estimations de l’Onu aurait fait au bas mot 3 000 morts, n’est point inquiété.
Et comme il fallait s’y attendre, le train de la réconciliation qui a longtemps sifflé en gare, dans l’espoir d’embarquer des passagers a démarré à moitié vide, laissant à quai des Ivoiriens amers et persécutés, dont le seul tort est d’avoir perdu la guerre. Sans militer pour une réconciliation sans justice, on aurait tout de même apprécié que les deux parties en conflit soient jugées à la même enseigne. Question : la Cour pénale internationale (CPI) saisira-t-elle la passe faite par Abidjan pour élargir Laurent Gbagbo, ou lui accorder tout au moins cette liberté provisoire qu’elle s’obstine à lui refuser ? Rien n’est moins sûr, car l’ancien président ivoirien pourrait devenir l’empêcheur de gouverner en rond à Abidjan, sans oublier que ses vérités sur sa capture et sa détention pourraient bien déranger, des berges de la lagune Ebrié, jusqu’aux bords de la Seine.
Par Wakat Séra