Ceci est une tribune de Neree ZABSONRE (UPF) sur l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Le Burkina Faso, depuis l’an 2023, s’est engagé dans une confédération qui le lie à ses deux voisins du nord (Mali et Niger). Les événements se sont succédé avec leurs lots de résolutions diverses. Au cœur de ce déroulement, le « tout sécuritaire » a prévalu et continue de guider les actions du pouvoir actuel. En dehors d’un bilan hâtif, voire prématuré, quelles mises en perspectives transparaissent dans le Faso en quête de trois indépendances ?
- Une indépendance « politique » à (re) conquérir
Indépendance et souveraineté ont toujours fait partie de la dynamique de l’équipe gouvernementale actuelle. Dès le départ, la question sécuritaire fut étroitement liée à la question politique. Les deux choses n’ont pas connu de discontinuité et pour cause : tout se tient quand il s’agit de manager un pays en période postcoloniale. Le leadership politico-militaire maintient son cap vers les objectifs qu’il s’est fixés avec le peuple. Vous avez dit « peuple » ? C’est ici que se joue tout le challenge du gouvernement burkinabè. Le lien ombilical avec le peuple serait devenu viscéral si bien que AES = Peuple et Peuple = AES ! Ce binôme est gagnant et le restera tant que l’une ou l’autre partie garde ce compromis tacite et fondamental. L’autre nom de ce pacte s’appellerait l’« Alliance sacrée burkinabè ». Ce compromis est certes valable dans les deux autres États également, mais demeure fragile tant que les peuples restent versatiles. Dans le contexte d’une souveraineté régionale, par exemple, la « CEDEAO des peuples » tant souhaitée est en tension évidente. Le compromis entre la volonté politique et les divers échanges ouest-africains promet des rivalités certaines. Quelles pédagogies seront mobilisées pour maintenir une telle alliance et son ancienne communauté économique ?
- Une indépendance « économique » à réorienter
Indépendance et économie vont de pair, car l’un ne marche pas sans l’autre. Cela est bien connu dans le maillage géopolitique. Les Romains, selon le poète Juvenal, pensaient que pour gouverner le peuple, il faut lui assurer du pain et des jeux (Panem et circenses)[1]. Quels pains et quels jeux se profilent-ils ?
Dans l’AES, des initiatives tendent à répondre à cette problématique pour l’avenir d’un tel projet. Sinon, que penser d’un peuple qui a toujours faim ? Il faut oser croire que les dirigeants de l’Alliance ne sont pas des court-termistes en la matière. Ce peuple a le ventre creux depuis des décennies si l’on fait une bonne relecture de ces doléances : économie endogène, nouvelle monnaie, etc.
Ce peuple n’est pas exempt de son devoir vis-à-vis de ses propres revendications. Le bien-être social auquel il aspire ne saurait voir le jour sans sa détermination personnelle dans la gestion intègre de ses ressources.
Devra-t-il comprendre deux choses : que le plus urgent serait de sécuriser son territoire pour se rendre maître de son économie ? Qu’il faudrait serrer la ceinture (et le ventre) pour atteindre ses objectifs ?
- Une indépendance « culturelle » à promouvoir
La culture est l’âme d’un peuple, on ne saurait le répéter. Elle détruit ou cimente les « valeurs » d’une nation. L’Alliance certifie qu’elle choisit la seconde solution. Cette conviction est aussi à l’œuvre selon les décisions prises ces derniers temps. Le « retour » ou « la valorisation » des pratiques ancestrales démontrent la pertinence de ce dynamisme interne à l’AES. Le message semble clair : aucune indépendance possible sans la transformation de la mentalité des populations. Comme pour signifier que « Rien ne se fait dehors, quand le dedans n’est pas assuré ». Ici encore, les confédérés sont interpellés dans leur conscience même. C’est une réaction, voire une défiance majeure contre l’influence des « cultures néocoloniales » qui a prévalu pendant des décennies.
Plusieurs fronts sont en liste, les trois pays avancent dans des sentiers pleins de convictions, de conflits et de défis assumés. Les antagonismes sont patents et relèvent combien le chemin de la liberté est long et fastidieux à l’orée d’une année 2025. Elle n’est certes pas rassurante, mais elle ne désespère pas non plus devant les futurs scénarios qui attendent une Alliance en marche.
Neree ZABSONRE (UPF)