Le ministère public, appuyé par les avocats de la partie civile, dans l’affaire «charbon fin», ont soulevé des griefs contre la méthodologie utilisée par les experts judiciaires, Moussa Gomina et Joël Ilboudo, à la repris du jugement du dossier, ce mercredi 8 novembre 2023 au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (TGI Ouaga I). Ils ont aussi remis en cause le processus du traitement de charbon fin pratiquer par la mine.
Le procès du dossier « charbon fin » a repris ce mercredi 8 novembre 2023 avec l’interrogatoire sur les aspects techniques du rapport de l’expertise. A cet effet, les deux experts, Moussa Gomina et Joël Ilboudo, ont été appelés à la barre pour se prêter aux questions du parquet et des avocats de la partie civile comme de la défense.
Si les avocats de la défense, au regard de l’exposé des deux experts se sont dits confortés dans leur position dans cette affaire, ce n’est pas le cas du ministère public, des avocats de l’Etat et du Réseau national de Lutte anti-corruption (Ren-Lac), qui ont soulevé des préoccupations.
Le ministère qui a été le premier à avoir la parole s’est plus intéressé sur le fait que le rapport n’indique pas avec forces détails, les informations sur certaines substances précieuses dont le platine, le lithium et le cobalt, entre autres. Mais les experts ont fait savoir qu’ils se sont plus basés sur les métaux précieux exploités dans les sociétés minières que sont l’or, l’argent et le cuivre. Ils ont ajouté qu’ils ont été guidé dans ce choix par la demande du juge qui leur à préciser ce qu’il voulait fallait pour ce dossier dont l’Etat est opposé à la mine IAM SA, soupçonnée de fraude à la commercialisation de l’or.
Le parquet en retour va rejeter cet argument parce que pour lui, les analyses devaient être faites de façon totale sur tous les métaux précieux contenu dans les cargaisons de charbons fin saisies.
Le ministère public a également cherché à savoir pourquoi les cargaisons, en plus du charbon fin, contenaient des matières compactes dont les scories, les corps solides et les pulpes. Les experts vont hésiter avant de dire que ses éléments se sont retrouvés là certainement par une action humaine qui peut être intentionnelle ou non.
L’avocat de l’Etat, Me André Ouédraogo s’est lui appesanti sur l’humidité en quantité suffisante constatée lors du déballage des conteneurs par les experts. Après avoir posé plusieurs questions aux experts pour comprendre si cela ne joue pas sur la teneur, bien que les spécialistes ont répondu par la négative, il a conclu que cela serait une manipulation de la mine Essakane pour minorée la teneur des minerais contenus dans le charbon fin.
A sa suite, l’avocat constitué aux côtés du Ren-Lac, Me Prosper Farama, est arrivé par la précision de ses questions, à faire admettre aux experts, que la « quantité importante » des corps solides, scories et pulpes présents dans les 32 conteneurs saisis depuis 2018, « ont été mis intentionnelle dans le charbon fin ».
Après une pause de quelques minutes, l’audience a repris avec l’intervention des avocats de la défense qui ont posé leurs questions aux experts judiciaires. Me Pierre Yanaogo qui a pris en premier la parole, a dit marqué son étonnement que le parquet et ses confrères de la partie civile remettent en cause la méthodologie des experts alors qu’ils ont tout le temps de le faire devant le juge d’ordonnance qui le leur avait demandé avant la programmation de la reprise du procès.
Me Yanogo a ensuite indiqué qu’il y a deux procédés de traitement de charbon fin à Essakane avant de faire observer que chaque société minière a son procédé pour extraire ses métaux précieux. « Ce que nous exportons n’est rien d’autres que du charbon fin et ses produits dérivés dont les scories », a soutenu Me Pierre Yanogo qui a fait admettre aux experts à travers ses questions, que le pulpe, les corps solides et les scories découlent du traitement de charbon fin à Essakane.
Selon cet avocat, le rapport les conforte sur leur ligne de défense qui est que leur client n’a fraudé de l’or comme le pense le ministère public qui le poursuit. Il en veut pour preuve la déclaration de Essakane sur la teneur d’or faite au niveau de l’Etat qui est de « 304 Kg » contre « 337 Kg », selon le rapport d’expertise.
« Les choses évoluent très bien dans le sens de la vérité surtout d’un point de vue scientifique. Donc, je suis davantage plus serein étant donné que le rapport des experts qui a été dévoilé au procès n’est pas éloigné des teneurs déclarées par Essakane », a déclaré à la fin de l’audience, Me Moumouny Kopiho, l’un des avocats de Essakane qui dit « comprendre le revirement du parquet qui avait souscrit à cette expertise, validé la méthodologie des experts, revenir faire appel au professeur Arsène Yonli tout simplement parce que les résultats de l’expertise judiciaire ne les convient pas ».
Me Kopiho estime que « la vérité scientifique, juridique est là aujourd’hui mais la démarche ne nous rassure pas. Nous pensons que le parquet qui accuse doit accepter le rapport d’expertise » produits par les experts Moussa Gomina et Joël Ilboudo.
Au total sur les 440 tonnes de charbon fin, le rapport de l’expertise mentionne que la teneur en or est de 337,007 de kilogrammes, soit 765 grammes par tonne contre 800 grammes déclarées la mine Essakane.
Par Bernard BOUGOUM