Les débats des différentes parties au procès « charbon fin », se sont focalisés, ce mardi 28 novembre 2023, sur la quantité, des résidus miniers que la société minière IAM GOLD Essakane SA, a déclaré à l’administration burkinabè, pour être exportés en 2015 et 2016. L’expert douanier, Aimé Nana, appelé à la barre pour éclairer le tribunal, dit noter des « incohérences au niveau des données » qui montrent qu’il y aurait eu « fraude » à la commercialisation de l’or, dans cette affaire.
Le tribunal s’est intéressé, ce mardi aux exportations de « charbon fin » que la mine Essakane a fait entre 2015 et 2016. La directrice pays de Essakane, représentant le directeur général de la mine canadienne, appelée à la barre, a répondu aux différentes préoccupations des parties, notamment le tribunal, le parquet et le conseil de l’Etat. A la suite d’une question posée par le président du tribunal, elle a déclaré que la mine Essakane a déclaré à l’administration douanière en 2015, « 399 tonnes pour le poids humide et 344 tonnes pour le poids sec ». En 2016, la société minière a déclaré « 225 tonnes pour le poids sec ».
Mais, le ministère public, a indiqué que les données faisant état de ce que la mine a exporté en 2015 comme charbon fin était en net déphasage avec celles évoquées par la directrice pays de Essakane.
A la suite de la responsable de la société minière, l’expert douanier, Aimé Nana, appelé à la barre, va soutenir cette thèse du parquet en disant que bon nombre de « documents produits n’étaient pas réglementaires » dans le cadre de cette exportation. Après avoir fait une brève présentation de son travail, il a communiqué sur les exportations de charbon fin de Essakane en 2015 et 2016.
Dans une demande d’autorisation que la mine a adressée au ministère des Mines, les responsables de Essakane ont mentionné un besoin d’exporter de « 447 tonnes de charbon fin », a-t-il fait savoir.
Selon les chiffres de M. Nana, la société minière a exporté, par rapport à sa demande d’autorisation, un excédent de « 697 640 kg de charbon fin ». « La demande formulée en 2015 est de 1 174 928 Kg contre 447 288 Kg, soit un excédent 697 640 Kg », a précisé l’inspecteur des douanes, en conclusion.
Il a aussi relevé qu’il n’y avait pas un ordre de dédouanement dans cette affaire. « Bolloré a dit qu’il n’y a pas eu d’ordre dédouanement mais a tenu compte de sa quotation », a-t-il renchéri, ajoutant ne pas comprendre pourquoi la société a avancé comme raison de l’exportation, le financement du coup d’acquisition d’un incinérateur à son compte.
A la suite de son exposé, la mine Essakane et Bolloré, ont réagi. La directrice pays de Essakane a dit « comprendre beaucoup de choses » après les commentaires de M. Nana. Sur ce, elle a demandé à l’expert douanier, ce qu’il entendait par « quotation douanière ». Mais le président du tribunal va prendre la parole pour signifier que les prévenus doivent se contenter de donner leurs avis et éviter de poser des questions.
C’est ainsi qu’elle a expliqué que l’expert s’est basé sur la quotation que sa société a demandé à Bolloré comme elle le fait à chaque exportation de ses produits pour tirer une conclusion alors que cela doit être considéré comme une proforma qui donne une idée sur le service qu’elle sollicite. « Une quotation ne peut pas être utilisée comme étant la valeur exacte du produit exporté », a-t-elle martelé.
Seydou Diakité, patron de la société de transport Bolloré devenu Africa Global Logistics (AGL), a marqué son étonnement à la fin de l’exposé de l’expert Nana. Il a signifié que le pesage dont l’expert les accuse de n’avoir pas réalisé, est encadré depuis 2018 par le gouvernement burkinabè qui a pris un décret pour régulariser le pesage. Selon son explication, sa société de transport ne prend pas part lors des pesages.
« Depuis 2019, les peseurs ont prêté serment. Pendant le pesage, il est exigé la présence de société minière, de la Chambre des Mines, l’administration publique dont la douane et le Bureau des mines et de la géologie du Burkina Faso (Bumigeb) », a-t-il soutenu.
En plus de cela, a ajouté M. Diakité, sa société ne pouvait pas lésiner sur les données sur les poids des cargaisons contenant le charbon fin puisque la marchandise doit être transportée par un bateau ou un avion où l’exactitude des poids doit être bien conforme à la norme, au risque de faire face à la réglementation en vigueur sur le plan international.
Le directeur général de Bolloré s’est aussi dit surpris de la question évoquée sur l’inexistence d’ordre de dédouanement par l’expert Nana. « Il y a un système d’enregistrement qui est géré par la douane qui elle seule a la latitude de valider les déclarations », a-t-il laissé entendre, soulignant que « l’inscription se fait en ligne ».
Sur le fait que sur la fiche d’exportation, il est écrit charbon actif au lieu de charbon fin, les avocats de Bolloré ont donné des explications à la chambre correctionnelle. A les en croire, c’est la douane elle-même qui a demandé de mettre charbon actif parce que le terme charbon fin n’existait pas dans leur nomenclature.
L’audience de ce jour a été suspendue pour être reprise jeudi à 9H00.
Par Bernard BOUGOUM