Ainsi donc les «49» étaient Ivoiriens, militaires et NSE! Pourtant, ils ont été mis aux arrêts durant six mois, jugés, condamnés à 20 ans de prison, et par contumace à mort en ce qui concerne les trois soldates pourtant libérées en cours de détention par les mêmes autorités maliennes. Ils seront, finalement, graciés dans la foulée par le colonel Assimi Goïta dans un geste maladroit de magnanimité suspecte. Le scénario cousu de fil blanc mettait plus en relief la volonté d’Abidjan de calmer le jeu pour le retour à la maison de ses «enfants» qu’une bonne action du colonel putschiste dont le seul dessein était d’embarrasser Alassane Ouattara. En effet, les 49 soldats ivoiriens envoyés en mission par leur hiérarchie, représentaient bien, selon une information de nos confrères de RFI, la 8e rotation des éléments de soutien au contingent allemand de la Minusma.
Certes, «des manquements et des incompréhension», relevés par la partie ivoirienne, toujours dans la logique de faire descendre une tension malveillante créée et entretenue par la junte militaire au pouvoir au Mali, ont pu affleurer. Mais était-ce suffisant pour mettre en prison de pauvres soldats qui ne comprenaient même pas pourquoi le ciel leur tombait sur la tête ce 10 juillet 2022, un dimanche censé être «jour de mariage à Bamako» mais qui était sur le point de sceller le divorce entre le Mali et la Côte d’Ivoire? On a frôlé le pire, n’eurent été les efforts déployés par le président Faure Gnassingbé, le sapeur-pompier venu tout droit du Togo. Un médiateur qui a, certainement récolté les lauriers de sa ténacité à la tâche, mais, il n’a probablement pas moins été agacé par tous ces rebondissements bien montés par le colonel et ses hommes.
Si l’attitude de la Minusma qui a d’abord reconnu le statut de NSE des soldats ivoiriens avant d’opérer un extraordinaire rétropédalage demeure jusque-ici incompréhensible, il faut regretter cette opération rondement menée par les autorités maliennes qui frise, à s’y méprendre, à une prises d’otages, comme l’avait si justement déploré Abidjan. En attendant de connaître la nature de la rançon dont se sont acquittée les Ivoiriens, il faut se rappeler que les Maliens accusent ceux-ci d’avoir été la ligne dure qui a conduit les sanctions commerciales et ciblées prises en son temps par la CEDEAO. En effet, l’organisation sous-régionale, pour encourager les double-putschistes à remettre, le plus tôt possible, le pouvoir aux civils, était contrainte de prendre ces mesures qui ont été très éprouvante pour les Maliens. On ne peut que déplorer cette mauvaise foi inquiétante de la part de dirigeants d’un pays qui, en tant qu’empire, fait la fierté de l’Afrique, avec de grands chefs comme Mansa Moussa ou Soundiata Keïta.
Une mauvaise foi d’un régime de transition qui a failli mettre à mal pour de bon, les relations séculaires entre deux pays «frères et amis» voire dans toute la sous-région. Juste pour assouvir des intérêts très égoïstes d’une junte militaire qui ne se fixe pas de ligne Maginot dans son entreprise de se maintenir au pouvoir. Quitte à faire revenir le colonel en boubou, babouches et bonnet troqués contre le treillis, les rangers et le béret vert! Le pouvoir, rien que le pouvoir, même s’il faut sacrifier la liberté du peuple malien en lui confisquant ses libertés dont celle d’expression et en érigeant un mur autour du pays d’où est chassé tout témoin étranger. Rfi, France 24, les forces française Barkhane et européenne Takuba, le porte-parole de la Minusma, pour écourter le chapelet, ont fait les frais de cette détermination de la junte militaire à manœuvrer à l’abri de tout regard indésirable.
Mais pourquoi c’est seulement maintenant, après la privation de liberté de six mois des 49 militaires dont les casiers judiciaires ont été salis par ces condamnations grossières, que ces informations sont dévoilées? Peut-être, que tout cela est resté secret pour amener plus rapidement l’aigle malien à desserrer les serres pour lâcher ses proies innocentes. En tout cas, la mascarade judiciaire et, encore moins la fameuse grâce présidentielle, n’auront apporté aucune gloire au colonel Assimi Goïta, si ce n’est cette auto-satisfaction pathologique de se chatouiller pour rire. Car, ce que l’opinion gardera de cette affaire des 49 militaires ivoiriens ayant séjourné pendant 6 mois dans les geôles de la junte malienne, c’est davantage la condamnation montée de toute pièce et non la grâce présidentielle ridicule d’un anti-démocrate.
Par Wakat Séra