Le président du Parti du peuple républicain (PPR) François Tambi Kaboré, un fonctionnaire à la retraite ayant préalablement travaillé pour les Nations unies pendant plus de 25 ans, souhaite que le dossier de l’ex-diplomate, Djibrill Yipènè Bassolé « soit évacué dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible » pour l’intérêt des Burkinabè, dans une interview à Wakat Séra.
Quel est l’avis du PPR sur la loi portant allègement du partenariat public-privé qui fait des gorges chaudes actuellement ?
Il est important de rappeler que le développement du PPP n’est pas une approche nouvelle ni au Burkina ni ailleurs. Le PPP est une approche qui permet au gouvernement d’associer le secteur privé dans la mise en œuvre de ces activités ou programmes. D’ailleurs en mai 2013, le gouvernement a voté une loi portant régime juridique du PPP. Donc le PPP est une modalité parmi tant d’autres que le gouvernement peut utiliser pour faciliter la mise en œuvre de ses projets et programmes notamment le Plan national de Développement économique et social (PNDES). Il appartient au gouvernement d’utiliser la modalité qui sied pour l’exécution efficace et efficiente de ses projets et programmes. Quand nous disons cela il faut comprendre que la modalité pour nous qui semble la meilleure, c’est celle qui permet de recourir à des partenaires techniquement fiables, qui seront à même d’atteindre les résultats en utilisant le minimum de ressources financières et soucieux du respect des délais d’exécution des marchés.
Je pense que l’initiative qui a été prise par le gouvernement de faciliter et d’alléger les procédures de passation de marchés publics participe effectivement à une volonté d’aller très vite dans la mise en œuvre de ses promesses électorales. Donc je crois que voir en cela, une façon de récompenser les amis, c’est trop dire. Il y a des décrets annexés à la loi qui doivent permettre de renforcer le contrôle avant, pendant et après la mise en œuvre de l’action gouvernementale. Je pense qu’il ne faut pas exagérer tout de suite en voulant justifier cette loi par la volonté politique de récompenser qui que ce soit ou de préparer une campagne. Ce qui est à mon avis essentiel, c’est la volonté du gouvernement de réaliser ses promesses électorales. Et bien sûr, s’il le fait, il se place en bonne position pour les élections de 2020. Mais ce n’est pas le souci essentiel. Le souci c’est de satisfaire les besoins des populations qui sont pressants.
Mais l’opposition qui s’oppose à cette loi, a quitté l’Hémicycle le jour du vote de la loi, est-ce un comportement que vous comprenez ?
Vous savez, le fait de quitter la salle c’est une forme de protestation comme tant d’autres, mais je constate que ce n’est pas toute l’opposition qui a quitté la salle. C’est un certain nombre d’élément du parti de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) qui a quitté la salle. J’ai fortement l’impression que ce parti-là se laisse guider de plus en plus par des considérations partisanes plutôt que des considérations d’ordre général. Je dis cela parce que je suis bien fondé mais je me réfère à ce que le président de l’Assemblée nationale (Salif Diallo) a dit. Dans le programme de l’UPC, il était prévu des aménagements au niveau des procédures des passations des marchés dans le souci d’aller plus vite et bien.
Je pense que l’opposition en particulier l’UPC devrait quand même être satisfaite de voir qu’une partie de ses promesses de campagne se réalise. Elle devrait être beaucoup plus regardant sur comment faire pour que cette décision soit bénéfique pour la mise en œuvre des projets et programmes et non pas tout de suite trouver des raisons négatives à ça.
N’y avait-il pas d’autres lois que celle controversée, c’est-à-dire les PPP ?
Moi je crois qu’il y a plusieurs modalités de collaboration avec les partenaires. Mais si je me réfère un peu au protocole de Paris sur la gestion de l’aide au développement, je crois qu’il a été fortement proposé que l’Etat trouve les techniques nécessaires pour améliorer la mise en œuvre de ses projets. Et dans ce cadre-là, ce qui est important c’est d’atteindre les résultats. Et je crois que le fait de recourir au PPP est une très bonne chose pour les partenaires étrangers et mêmes locaux parce qu’ils vont inviter tous ceux qui sont capables de participer au processus développement de s’investir dans un cadre bien déterminé. Quand vous regardez l’environnement dans lequel s’exécute le Plan national de Développement économique et social (PNDES) il y a trois choses qu’on peut citer.
Il y a d’abord le taux d’absorption qui est très faible pour le Burkina. Or si le taux d’absorption n’est pas fort ça ne marche pas. Donc ce faible taux est un handicap pour notre pays. En deuxième lieu, on nous a dit que le taux d’exécution du PNDES tourne autour de 20%. Là encore il y a un souci. Pour un pays qui doit dépenser au bas mot 500 milliards francs CFA par an, ce n’est pas facile. Donc il faut s’armer de structures et de modalités capables de soutenir effectivement cette nécessité d’aller très vite. Troisième élément ce sont les grèves à répétition qui ne créent pas un bon environnement pour faciliter la mobilisation des ressources promises par nos partenaires. Ces trois facteurs que je viens de citer alourdissent un peu le processus de mise en œuvre des projets et programmes. Un Etat responsable se doit effectivement de prendre les mesures pour juguler ces facteurs négatifs qui empêchent la mise en œuvre de ses programmes. Et je crois que la loi qui a été adoptée participe à ça.
Quelle est votre position par rapport à l’avis du groupe de travail de l’ONU qui demande la libération de l’ex-ministre de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé ?
Il faut dire d’abord que le groupe de travail sur la détention arbitraire a énoncé un avis. Mais il appartient quand même à l’Etat burkinabè de prendre en compte cet avis pour essayer de renforcer sa démocratie. Comme il a été le cas de la Haute Cour de justice, les allégations ou les demandes de certains avocats ont permis d’amener la loi à l’Assemblée nationale pour révision afin de tenir compte d’un certain nombre de choses. Donc l’ONU est une Organisation internationale à laquelle le Burkina est membre entier et, si elle donne un avis c’est fondé sur des considérations, j’allais dire objectives. Ce qu’il faut éviter, c’est de voir en cet avis, une injonction. A mon avis ce n’est pas le cas. Pour moi c’est une contribution au renforcement de la capacité de la démocratie au Burkina. Le groupe se fonde sur essentiellement une chose je crois. C’est en prenant en considération que pendant les faits le général était en disponibilité.
Or, si vous regardez le statut d’un fonctionnaire en disponibilité, il est clairement dit que c’est une situation dans laquelle l’agent ou le fonctionnaire est hors de son administration. Il cesse ses activités temporairement et il n’a pas droit à sa rémunération. Il n’a même pas droit à la retraite. Donc c’est une interruption volontaire de sa qualité d’agent de fonctionnaire. Donc pour nous, au moment où les faits se passaient, M. Bassolé n’était pas militaire puisqu’il est en disponibilité. Donc je crois que l’instruction ou l’examen juridique de son dossier devrait en tenir compte.
Mais au-delà de tout ça, ce qui est pour le PPR, essentiel, c’est de faire en sorte que le prévenu qui est détenu depuis près de deux ans puisqu’en même être jugé le plus rapidement possible. Il est du devoir de tout le monde, et du détenu et du gouvernement que ce cas soit évacué dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible. C’est ça notre souci. Sinon deux ans de détention sans jugement c’est un peu difficile à concevoir. Surtout qu’il y en a qui ont bénéficié de la liberté provisoire et lui pas. Non, pour nous c’est un civil qui a été impliqué dans un coup d’Etat et la justice militaire doit en tenir compte. Mais une fois de plus c’est au gouvernement de prendre cela en considération. Pour nous, il faut vite aller au jugement de cette affaire.
Quelles solutions préconisez-vous pour lutter contre l’incivisme qui n’a cessé d’alimenter fortement l’actualité depuis l’insurrection à nos jours ?
L’incivisme au Burkina Faso est très préoccupant et revêt plusieurs formes. L’incivisme pour le PPR c’est le premier facteur de sous-développement. Le Burkina est le seul pays à mon avis, où on est obligé en plus des feux tricolores, de mobiliser des policiers et des volontaires pour que les usagers de la route respectent les règles élémentaires de la circulation. C’est vraiment très lourd comme manière de faire. Et nous estimons qu’il faut très vite apporter des solutions à ce problème. L’incivisme est source de mal-gouvernance. Et c’est la raison pour laquelle le PPR a pris des initiatives pour essayer de réduire ce phénomène qui est un problème de mentalité. Si les Burkinabè renforçaient un temps soit peu, leurs capacités à vivre et à travailler ensemble, il n’y aurait pas de place pour l’incivisme. L’Etat aussi doit faire en sorte que l’incivisme soit bien cerné et compris par les populations. Pour lutter contre ce phénomène, le PPR veut à travers un pacte républicain ou national inviter tous les Burkinabè à regarder comme l’insurrection populaire (de fin octobre 2014) nous l’a enseigné, à privilégier l’intérêt général au lieu de l’intérêt partisan ou individualiste. En fait c’est cela notre problème.
Si nous sommes en mesure de nous interroger chaque jour dans tout ce que nous faisons, que nous sommes un élément d’un grand ensemble et que chacun se dit que tout ce que nous faisons participe à la construction d’un intérêt général je crois qu’il y a beaucoup de choses que nous devons être en mesure de faire. Sinon comment comprendre que dès qu’il n’y a pas de feu tricolore dans un croisement, automatiquement c’est l’embouteillage. Chacun croit avoir le droit de passer avant l’autre. Donc il faut qu’on soit tolérant et de se dire que j’existe mais les autres également. Et chacun doit utiliser les choses publiques de façon adéquate, rationnelle, conformément à ce que nous nous sommes donnés comme règlement. Mais au Burkina, ce n’est pas ça. On se dit qu’on est plus pressé sans se dire que l’autre aussi l’est autant que moi et la conséquence c’est le désordre que nous constatons. Or on ne construit pas un pays dans un désordre.
Alors vous l’avez-déjà annoncé, vous entendez tenir un pacte républicain ou national, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
Effectivement il y a environ trois semaines de cela, nous avons procédé à la distribution de notre appel dans les grandes intersections. Et ce que nous disons dans ce catalogue du pacte, c’est que, tous ceux qui veulent faire partir de ces échanges d’idée s’inscrivent dans notre site. Il nous appartient pour la suite de prendre contact avec eux pour organiser dans les provinces, arrondissements et secteurs, des séances d’échanges pour définir d’abord le contenu du pacte que nous voulons. C’est-à-dire arrêter les valeurs qui sont capables de nous rassembler et de fédérer nos efforts pour le développement de notre pays. Nous attendons que les gens s’engagent.
Le renforcement de la mentalité de vivre et de travailler ensemble est très important. Donc le pacte que nous voulons faire c’est de permettre au plus grand nombre d’arriver à échanger sur les valeurs qui renforcent notre capacité à vivre ensemble et qui nous permette effectivement un jour de fédérer nos efforts pour réaliser une vision que nous aurons accepté de façon consensuelle. La deuxième chose que nous voulons qu’on prenne comme mesure, c’est d’introduire l’éducation civique dans les programmes d’enseignement dès le primaire d’ailleurs. Si nous arrivons à inculquer cette notion de tolérance et d’intérêt général à tous nos enfants, je crois que nous pouvons obtenir des résultats fiables. La troisième proposition, il faut rendre obligatoire le permis de conduire pour les motos. Il faut le faire parce que certains sont conscients mais la majorité ignore le minimum de la règlementation de la circulation à Ouagadougou.
C’est dommage de l’entendre mais certains disent que tant que vous ne roulez pas en vitesse vous faites un accident. Quel raisonnement ! Et vous voyez les gens circuler avec des motos c’est à peine s’ils regardent devant eux puisque le vent qui les gène, mais en plus ils sont captivés par le bruit de leur engin. Il faut éduquer nos enfants. La dernière proposition, il faut que l’Etat aussi renforce sa présence à tous les niveaux et fasse prévaloir l’autorité publique pour que les gens aient confiance en lui et à ses institutions. Voilà ce que le PPR suggère, pas uniquement pour l’incivisme mais pour le bien-être des Burkinabè et pour leur participation efficace dans le processus de développement.
Mathias BAZIE