Le Collectifs des avocats de Me Guy Hervé Kam, a dénoncé, « plusieurs violations » de droit concernant leur client, face à la presse, ce vendredi 31 mai2024, à la maison de l’avocat, à Ouagadougou. « Moi, l’interprétation que j’en fais, c’est qu’on veut régulariser quelque chose qui n’est pas régularisable », a dit Me Prosper Farama, l’un des défenseurs de Me Guy Hervé Kam. Selon les conférenciers, leur client a été auditionné hier jeudi pour des faits de « complot contre la sureté de l’Etat et association de malfaiteurs », entre autres, par le tribunal militaire qui l’a déposé à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (Maca), près de quatre mois après sa détention « illégale » à la sureté nationale.
Les Conseils de Me Guy Hervé Kam, arrêté le 24 janvier dernier, par des individus se réclamant de la sûreté nationale et conduit dans un lieu inconnu, ont animé, ce vendredi 31 mai 2024, une conférence de presse portant sur le dossier, sujet à multiples rebondissements, dans la capitale burkinabè. Selon ce Collectif d’avocats, malgré toutes les multiples approches faites par le Barreau auprès des autorités compétentes, celui-ci n’a « malheureusement » pas pu rencontrer Me Guy Hervé Kam, ni leur équipe de Conseils.
« Il y a eu une triple violation des droits de Me Kam et de ses avocats »
Après avoir rappelé « les dispositions pertinentes » qui gouvernent la procédure pénale lorsqu’un avocat doit faire l’objet de poursuites pénales, le Collectif a conclu qu’il y a eu « triple violation de la loi » aussi bien à l’égard de Guy Hervé Kam et de ses avocats. Il s’agit des violations des « droits fondamentaux » de Me Kam, de « l’empêchement » de ses avocats à exercer leurs activités de défense et d’assistance d’un justiciable et du « non-respect » de la procédure qui s’applique à un avocat dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa).
Face à l’évolution de l’affaire ayant emmené le Tribunal administratif et la Cour administrative d’Appel à ordonner la mise en liberté de Me Guy Hervé Kam, les Conseils de l’avocat burkinabè, membre d’une organisation regroupant des acteurs politique et de la société civile, ont appris hier jeudi, une « pseudo libération » de leur client qui a aussitôt été « enlevé » de nouveau la veille dans la soirée.
« Comme on peut aisément le constater, l’Etat de droit pour l’ancrage duquel des Burkinabè ont consenti jusqu’au sacrifice suprême est affaibli de plus en plus par une vision diminutive des droits fondamentaux de l’Homme par l’Etat burkinabè et son mépris notoire à l’égard des décisions de justice », a déploré Me Julien Lallogo qui a lu la déclaration liminaire.
Pour lui, « l’application de la loi doit être la seule boussole qui gouverne les rapports des Burkinabè au quotidien pour permettre à notre pays de préserver la cohésion sociale et la pérennité des institutions ». C’est pourquoi, le Collectif a réaffirmé son attachement absolu au respect strict des règles de droit et de l’état de droit et « exigé purement et simplement la libération » de leur client ainsi que de « toutes les personnes illégalement enlevées et séquestrées ».
Me Guy Hervé « va bien », selon son avocat Me Prosper Farama
« S’il y a une chose sur laquelle nous pouvons vous rassurer, c’est que globalement, son (Me Kam) état de santé va bien. Mais, comme nous ne sommes pas des médecins, nous ne pouvons pas épiloguer sur la question. Par contre, le point sur lequel nous pouvons vous rassurer, c’est son état moral. Et là, sur son moral, il est ferme », a répondu Me Prosper Farama qui a poursuivi que quand leur groupe est arrivé suite à la convocation du juge militaire, il a pu échanger avec leur client pour savoir s’il fallait régler des préalables ou autre avant la poursuite de l’audition.
« Il y a eu une réponse qui m’a fait très chaud au cœur », a laissé entendre Me Prosper, signifiant que son client a dit que « s’il arrivait que le fait qu’il soit privé de liberté peut permettre de rectifier les choses dans ce pays, ce n’est pas (lui) qui dirait d’aller contre (ses) principes. Il est prêt à assumer ce qu’il doit assumer au nom des principes de liberté et de justice ».
Les conférenciers du jour ont tenu à souligner qu’un avocat n’est pas un surhomme. « Me Kam, c’est un confrère et ami à moi. Mais quand nous parlons, nous ne mettons pas en avant l’amitié. Nous mettons en avant les principes de tous les Burkinabè », a expliqué Me Farama qui a répondu par un « non catégorique » à la question de savoir s’il craignait pour ce dossier.
« Nous sommes tristes pour le recul des libertés d’opinion, d’expression et de liberté », a-t-il ajouté, espérant qu’il « n’est pas encore tard » pour que le Burkina Faso revienne sur le chemin de l’état de droit. « On assumera ce que nous disons jusqu’à ce que mort s’ensuive », a-t-il ponctué.
Faut-il craindre pour l’avenir de la justice ?
Selon les Conseils de Me Kam, sur la question de la justice, leur inquiétude est partagée par une bonne partie des Burkinabè, à savoir le non-respect de l’Etat de droit. « Nous parlons de quelque chose qui nous concerne tous. Moi avocat, de mes 20 ans d’expérience, je constate que ce sont ceux qui sont au pouvoir qui sont les plus exposés. Quand ils y sont, évidemment, ils sont protégés. Quand ils n’y sont plus, évidemment, ils sont vulnérables », a averti cet avocat respecté au Burkina Faso et à l’extérieur.
Que ce soit lui ou ses confrères, ils disent être les premiers à « être embrouillés, même étant avocats » par cette affaire. « Ça me fait plus de 20 ans de carrière, mais je vous assure que je n’ai jamais vu ça. Cette singularité du dossier, c’est la première fois que je vois ça. On ne peut pas ici vous dire de quelle procédure exacte, il s’agit », a réagi Me Farama à une question d’un journaliste qui dit être perdu dans ce dossier et voulait savoir si la nouvelle détention de Me Kam était une poursuite de la même affaire pour laquelle il est détenu près de cinq mois ou une nouvelle procédure.
Ainsi, pour la suite juridique immédiate de cette affaire, les avocats de Me Kam « ont décidé de faire un recours contre la décision du juge ». Le Collectif d’avocats dit ne pas encore prendre connaissance du fond du dossier, mais se disent « confiants » quant à ce qu’ils savent dans ce qui est apparu dans le rapport dressé par la sureté nationale.
Il faut préciser que, selon le Collectif d’avocats, leur client, après avoir été « conduit hier matin de la section de Recherches de la gendarmerie au tribunal militaire, le juge d’instruction du cabinet n°2 a décidé de le mettre en examen pour complot contre la sûreté de l’Etat et association de malfaiteurs ».
En outre, le juge a décidé de le « placer sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (Maca) où il est détenu à ce jour ».
Par Bernard BOUGOUM