Des révélations publiées récemment dans un journal burkinabè tendent à prouver que des Français, probablement de la DGSE, sont venus au Burkina pour détruire des écoutes téléphoniques le lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara.
Ces révélations rendent compte de la préparation du complot pour assassiner le Président Thomas Sankara, de l’implication de Blaise Compaoré et de ses hommes, et du déroulement précis des évènements. Mais nous nous intéresserons ici à l’implication de Français.
Baril et des agents français présents le lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara le 16 octobre 1987 à Ouagadougou ?
« Dès le lendemain 16 octobre 1987. (.::), Jean-Pierre Palm (NDLR : Offcier de gendarmerie inculpé dans le dossier de l’assassinat du Président Sankara) est venu, accompagné d’un blanc qui serait un technicien, plus un autre qui serait un Capitaine français dénommé Baril… ». Ce témoignage viendrait d’un agent des services de renseignements. Tel est en substance un des témoignages que cite le journaliste Hervé d’Afrik, du bimensuel Courrier Confidentiel N°226 du 15 février 2021. Mais ce n’est pas tout.
Un autre ajoute : « Nous avons pris les archives d’écoute concernant Blaise Compaoré et Jean-Pierre Palm que nous nous sommes partagés et avons procédé à leur destruction. Palm en personne est venu dans notre service, accompagné de Français (, .. ) à la recherche des preuves qu’il était sous écoute. Il a récupéré toutes les bandes d’enregistrement et toutes nos archives, y compris une table d’écoute (… ) La table elle-même a été désactivée puisqu’elle ne pouvait pas être emportée, elle était bien fixée et scellée. Notre chef de service (… ) a été par la suite mis aux arrêts et gardé à la salle C par Jean-Pierre Palm » .
Suit un autre témoignage de Jean Pierre Palm lui-même confirmant la présence de Français ce jour-là venus « faire le point des matériels des forces armées ».
Le journaliste auteur d’une série d’articles sur l’assassinat de Thomas Sankara contenant d’autres révélations, qui signe Hervé d’Afrik, est considéré comme l’un des meilleurs du Burkina. Le bimensuel où il travaille Courrier Confidentiel publie de nombreuses enquêtes documentées de toutes sortes. Contrairement à la plupart des autres journaux burkinabè, les dirigeants de ce journal ont créé un modèle original en faisant payer les articles sur leur site, le seul à le faire jusqu’ici à ma connaissance, tout en faisant vendre des exemplaires papiers qu’il ne faut pas tarder à payer faute de de ne plus les retrouver. D’autres journaux, tout aussi sérieux, comme Mutations, Le Reporter n’ont pas adopté ce modèle, comme me l’ont confié des membres de la rédaction récemment. Les partages sur internet ont fortement fait baisser leur vente les mettant en danger. Les voilà aujourd’hui en crise par manque de ressources du essentiellement aux partages des articles sur les réseaux sociaux. Sans doute est-ce le cas de l’Événement, tout aussi sérieux ?
Selon Robert Bourgi, Foccart aurait alerté Thomas Sankara qu’on voulait le supprimer.
Dans le numéro N° 224 du 25 janvier 2021, Hervé d’Afrik publie un long témoignage de Robert Bourgi, qui se présente lui-même comme ayant été « appelé à fréquenter de manière assidue Monsieur Jacques Foccart ». Il affirme être devenu un « ami très proche » de Thomas Sankara.
Et voilà ce que lui demande Foccart. « Robert, il serait bon que vous alliez à Ouaga afin de mettre en garde le président Sankara dont vous êtes l’ami. D’après ce que je sais, il pourrait lui arriver des désagréments». Il ne m’en a pas dit plus » » ! Robert Bourgi raconte être alors allé voir Thomas Sankara qui paraît alors surpris. Il poursuit : «Les semaines passent et au mois d’octobre 1987, dans le cadre de mes fonctions, j’effectue un déplacement à Dakar». Et là, coup de fil surprise, dit-il. «Un matin, je reçois un coup de fil du Président Sankara qui me dit ceci : «Robert, j’ai vérifié et effectivement j’ai renforcé ma garde». Et Robert Bourgi de préciser : « Si monsieur Foccart avait des informations, c’est qu’il les tirait des (services) de Renseignements. A Matignon, on travaille sur les renseignements de la DGSE». Il n’y aurait donc plus de réseaux Foccart ?
Que penser de ce témoignage ? Conseil d’ami de Foccart ou avertissement ? Le passé sulfureux de ce créateur d’un des réseaux françafricains les plus actifs, la deuxième hypothèse nous semble de loin la plus probable.
Curieusement les quelques documents des archives diplomatiques concernant les rapports de Foccart avec Thomas Sankara, notamment quelques comptes rendus de leur rencontre font état de bons rapports entre les deux. Mais à part quelques lignes de Foccart écrites à la main, aucune note de Jacques Foccart n’y est disponible.
Ces articles reprennent d’autres témoignages déjà connus à savoir celui du journaliste du Figaro, François que Guy Penne a mis en contact avec l’amiral Lacoste qui lui propose de rencontrer le chef des opérations africaines à la Direction des renseignements généraux, où la lettre de Jacques Chirac à son ministre de la coopération Michel Aurillac en représailles du co-parrainage du Burkina Faso d’une résolution en faveur de l’indépendance de la Nouvelle Calédonie. (voir https://www.thomassankara.net/thomas-sankara-votait-pour-linscription-de-la-nouvelle-caledonie-sur-cette-liste-des-territoires-a-decoloniser-en-1986-les-consequences-seront-lourdes/)
Nous reviendrons plus tard et plus en détail sur d’autres révélations d’autant plus que Courrier Confidentiel annonce au moins un nouvel article.
La France n’a pas livré de documents déclassifiés ?
C’est en tout cas ce qu’affirme Hervé d’Afrik dans le numéro 228 du 5 mars 2021 dans un encadré intitulé « le jeu trouble de la France ». A propos des documents reçus par la justice burkinabè : « Il ne s’agit pas de documents « ultra confidentiels » qui viennent d’être déclassifiés comme on tente de le faire croire. Ces documents font parties d’archives diplomatiques françaises… Il ne s’agit pas en réalité d’archives déclassifiées », précisant à un autre endroit qu’il s’agit de «simples archives diplomatiques ».
Ainsi ce que nous craignions semble se préciser. Les promesses du président Macron au Burkina en 2017 n’étaient-elles que du vent pour éviter des incidents lors de son séjour en novembre 2017 ? Bien sur ces informations méritent confirmation. Cependant je peux affirmer que ce qu’écrit Hervé d’Afrik confirment des informations que j’ai pu recueillir par d’autres voies. Alors que le sentiment anti-gouvernement français ne cesse de s’amplifier dans le Sahel, notamment au Mali, Burkina et Niger, de tels comportements de la part de notre gouvernement ne peuvent que susciter de l’inquiétude si ce n’est de la colère.
Bruno Jaffré